Que signifie concrètement cette autorisation d’appréhender ?
De jurisprudence constante, que toute personne peut faire usage de la force pour y procéder, à condition de respecter, comme les policiers, les exigences de nécessité et de proportionnalité (https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007075085&fastReqId=1148087490&fastPos=1 décision de 1970 dont on appréciera la formulation délicieusement désuète : « attentat aux mœurs », « dangereux obsédé sexuel », et la détermination, déjà, d’une femme qui a poursuivi l’agresseur).
La nécessité découle de l’existence préalable d’une infraction punie d’une peine d’emprisonnement : ce point me parait le moins discutable de toute cette affaire.
La proportionnalité dépend des conditions de l’interpellation (https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007071252&fastReqId=1210174028&fastPos=16 à interpréter a contrario car en l’espèce l’usage d’une arme avait été jugé excessif) et donc de la résistance de la personne.
La juridiction de jugement devra donc apprécier les points suivants :
* les violences commises par Alexandre BENALLA découlent-elles de l’interpellation par l’un et de la résistance de l’autre ?
* cette interpellation était-elle nécessaire ?
* la force mise en œuvre pour y parvenir était-elle proportionnée à l’objectif ?
Si elle répond affirmativement à ces trois questions, elle pourra prononcer une relaxe.
Auparavant, elle rebondira sur une autre question, inédite en tous cas pour l’auteur de ces lignes : l’article 73 du code de procédure pénale trouve-t-il à s’appliquer en présence de policiers ?
S’ils sont présents mais qu’ils estiment, en opportunité (par exemple pour éviter plus de troubles, c’est ainsi en tous cas qu’on peut comprendre la scène) ne pas devoir interpeler, est-ce que « toute personne » peut en décider autrement et procéder à une interpellation, en quelque sorte à leur place ?
Soyons honnête, il semble que l’intention du législateur soit de permettre au simple citoyen, victime ou badaud, d’appréhender l’auteur des faits en l’absence des policiers ou le temps qu’ils arrivent.
Cependant, si tel est l’esprit du texte, sa lettre est aussi simple que claire et n’introduit aucune nuance ni aucune limite de cet ordre.
On pourrait ajouter que dans le cas d’espèce, les policiers ont l’air surpris de ce qui se passe, mais ils laissent faire et ne s’opposent en rien aux interpellations.
Et en même temps (un peu de macronisme pour rester dans l’ambiance), ils semblent aussi très préoccupés de se prémunir de ce qui se passe devant, de ne pas tourner le dos à leurs adversaires et de ne pas recevoir une chaise dans la figure, ou au moins de la voir arriver.
On a beaucoup glosé sur le fait que l’article 40 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071154&idArticle=LEGIARTI000006574933) n’avait pas été activé pour signaler le comportement potentiellement répréhensible d’Alexandre BENALLA.
Force est de constater que les mêmes autorités n’ont pas non plus signalé le comportement clairement répréhensible des deux personnes qui ont jeté des objets sur les policiers.
Au point que le procureur de la République en personne s’en est ému auprès d’un haut responsable de la police (http://www.atlantico.fr/pepites/affaire-benalla-couple-video-fait-desormais-lobjet-enquete-preliminaire-3463931.html), avant d’ouvrir une enquête préliminaire.
Affaire(s), c’est le moins qu’on puisse dire, à suivre…