Si la métempsychose existe, j’exprime officiellement le souhait que mon âme soit reversée dans l’enveloppe charnelle d’un avocat américain (sur la côte ouest de préférence, par exemple San-Francisco).
D’abord parce que le procès américain, décidément, a une autre gueule que le procès français, si ennuyeux, et fait la part belle aux avocats.
Ici nous sommes réduits à la portion congrue et, à l’exception de la cour d’assises, il faut la plupart du temps se contenter d’une plaidoirie.
Ensuite et surtout par âpreté au gain.
La grande supériorité du procès américain sur le nôtre, c’est que, en cas de succès, les dédommagements obtenus permettent de rémunérer grassement les avocats.
Il est notoire que les sommes allouées par les juridictions américaines sont sans commune mesure avec celle qui ont cours dans l’hexagone.
Prenons quelques exemples.
En France, une victime de viol peut espérer obtenir, au plus, 20, 30, 40.000 € grand maximum pour son préjudice moral.
En Amérique, pays qui ne plaisante pas avec ces questions, une certaine Paula JONES avait accusé le (à l’époque) sénateur CLINTON de lui avoir exposé une partie de son anatomie que Georges BRASSENS ne faisait voir à personne excepté ses femmes et ses docteurs (2).
Alors qu’elle avait été déboutée en première instance, le président CLINTON avait accepté de lui régler 850.000 dollars pour qu’elle se désiste.
J’admets tout à fait que ce spectacle non désiré ait pu être déplaisant, voire traumatisant, mais sensiblement moins qu’un viol.
Si on vous tue votre père, votre frère, votre enfant, la cour d’assises vous octroiera une somme qui, en toute hypothèse, ne comportera jamais plus de 4 zéros.
Le seul contre-exemple connu d’un préjudice moral vraiment digne de ce nom, nous vient de Bernard TAPIE, qui obtînt naguère la somme fabuleuse de 45 millions d’euros.
Mais comme disait Coluche : rigolez-pas, c’est avec votre pognon !
Les procès contre MONSANTO sont également un exemple très parlant et permettent une comparaison presque terme à terme.
Aux dernières nouvelles, la capitalisation boursière de la société BAYER, qui a racheté la compagnie américaine, serait devenue inférieure à la somme qu’elle a déboursée rien que pour cet achat, ce qu’on peut difficilement qualifier de bonne opération.
Je peux vous dire tout de suite que les juridictions françaises ne sont pour rien dans cette dégringolade de l’action BAYER.
Récemment, un agriculteur français a poursuivi MONSANTO (3), il a eu gain de cause sur le principe et son indemnisation reste à fixer, mais on sait qu’il lui réclame seulement « plus d’un million d’euros ».
Dans le même temps, deux américains ont obtenu respectivement 80 millions et 289 millions de dollars… autant dire que nous ne jouons pas dans la même catégorie.
Ceci dit, si nos juridictions sont excessivement chiches, cette générosité américaine n’est peut-être pas sans entrainer des dérives.
Ainsi un étudiant (en droit j’espère) a été identifié de façon erronée par le logiciel de reconnaissance faciale d’une entreprise que je ne veux pas nommer mais qui porte le nom d’un fruit et de l’ancien label des Beatles, et dont les pratiques commerciales diaboliques lui permettent, malgré des prix scandaleux et des appareils totalement verrouillés, de connaitre un succès mondial.
Mandat d’arrêt, interpellation, mais finalement il apparait que le jeune homme ne serait pas l’auteur du vol.
Chance incroyable pour notre innocent : être injustement accusé est apparemment beaucoup plus avantageux que de gagner au loto.
Ni une, ni deux, le voilà qui poursuit « le géant » (je reprends le cliché de l’article (4)) et lui réclame 1 milliard de dollars américains (les meilleurs).
L’audacieux souligne dans sa plainte, pour justifier son préjudice, qu’il « a été obligé de répondre de multiples fausses accusations, ce qui a été une épreuve et a entrainé un stress sévère » (traduction libre de l’auteur).
Je vous le dis tout de suite, si vous êtes arrêtés à tort pour avoir piqué chez Leclerc, n’essayez pas de leur réclamer 1 milliard d’euros ni même 1 million.
On vous répondra que vous pouvez vous estimer heureux d’être passé à travers parce que… en y regardant de plus près… vous n’êtes peut-être pas si innocent que ça.
On vous donnera soit rien parce que l’erreur est humaine et que bon, on vous a innocenté, qu’est-ce que vous voulez de plus, soit une poignée d’euros.
Mais la somme en jeu ne sera jamais telle qu’elle justifie un procès et permette de payer un avocat qui, même s’il est désintéressé (art. 3 du décret du 12 juillet 2005 (5)), n’en a pas moins besoin de gagner sa vie.
J’ai toujours soutenu, et souvent plaidé (sans aucun succès, je tiens à le dire), que les juridictions françaises était d’une incroyable pingrerie en matière d’indemnisation.
Ceci se vérifie dans le domaine des fausses accusations comme dans tous les autres et les exemples, là aussi, fourmillent.
Cet article de La Dépêche (6) en donne une illustration qui fait frémir.
Non seulement les montants demandés, même les plus audacieux, sont ridicules par rapport à nos amis yankees, mais les sommes obtenues, comparées aux souffrances causées, sont à peine une obole.
On parle de personnes injustement mises en cause, désignées à la vindicte publique pour des faits de meurtre ou de pédophilie, d’incarcérations parfois longues, d’obligation de vendre une entreprise ou une étude dans les pires conditions, d’enfants placés pendant que leurs parents sont en prison et j’en passe.
Les sommes obtenues ne dépassent jamais le million d’euros.
On me répondra que l’euro vaut un peu plus que le dollar. Mais quand même.
1. http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19469313&cfilm=70.html
2. https://www.youtube.com/watch?v=gWRzopyZBSA
5. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;?cidTexte=JORFTEXT000000633327