Le droit, toujours le droit, rien que le droit, c’est la seule chose qui peut nous sauver de l’arbitraire, notamment dans le domaine pénal.
Le droit est l’expression et la traduction juridique de la morale, de la philosophie, des valeurs que portent un lieu et une époque.
Par ailleurs, on peut commettre une faute morale sans qu’elle constitue nécessairement une infraction pénale.
On pourrait dire bien des choses en somme sur le Syndicat de la magistrature et son engagement à gauche, du bon mais aussi du mauvais, et c’est certainement le lot de tout militantisme (je vais encore me faire des amis).
Certaine harangue en particulier fout un peu les jetons à ceux qui pensent que l’application de la loi, quoi qu’il en coûte ou presque, est l’honneur du juge.
On peut discuter, et même on doit le faire pour les besoins de l’application du droit (on y revient), sur les éléments constitutifs, le caractère public de l’injure, ou la prescription.
Les parties au procès ne manqueront pas de le faire et le tribunal reconnaitra les siens.
Cependant, et j’attendais ce témoignage pour mettre mon grain de sel dans cette affaire, l’un des « cons » était le général Schmitt, qui fut nommé chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT, on disait) l’année même où je m’y illustrais au grade d’aspirant (cette précision n’a aucun intérêt).
Des années plus tard, j’entendais de nouveau son nom lorsque sa fille Anne-Lorraine était assassinée à 23 ans dans un RER, un dimanche matin alors qu’elle allait rejoindre sa famille.
Le meurtrier ayant déjà été condamné par une cour d’assises, et se trouvant de ce fait en état de récidive, le père de la victime avait fustigé « le laxisme des juges » qui avait permis qu’un tel personnage puisse être remis en liberté.
Un professionnel comme l’auteur de ces lignes sait très bien qu’on ne peut pas condamner tout le monde à perpétuité pour un premier crime et qu’une fois la peine accomplie, avec ou sans aménagement, il faut bien que les gens sortent.
Par ailleurs, qu’on épingle comme « con » tel Président de la République qui s’en prenait aux juges en tant que tels, ou tous ceux qui ne craignent pas de prétendre que les poursuites contre eux sont forcément politiques et lancées opportunément par des juges de gauche juste avant les élections, ou par des juges à la solde du pouvoir en place contre les forces insoumises, admettons.
Le tribunal décidera si ceci tombe ou non sous le coup de la loi, mais on peut estimer que le Syndicat de la magistrature, sans volonté de publicité et à usage purement interne, a réagi de façon épidermique à des attaques qu’il trouvait injustifiées.
En revanche le père d’une victime a tous les droits et peut dire tout ce qu’il a sur le cœur, y compris des choses excessives, injustes voire inexactes.
On doit, on devait, l’entendre comme tel et non comme les propos d’un député, d’un président, d’un ministre ancien, actuel ou futur, d’un Garde des Sceaux ou d’un Procureur (j’en ai reconnu au moins deux) qui s’expriment en fonction d’un agenda particulier comme on dit aujourd’hui.
J’ai peut-être pensé à part moi, de telle ou telle personne reconnaissable sur les photos : ah oui, lui c’est vraiment un con !
Mais la présence du général Schmitt sur le mur des cons le déshonore tout entier et, moralement sinon juridiquement, me parait une faute impardonnable.
Il est regrettable, mais cette indifférence dit sans doute quelque chose, qu’aucun des « habitués du local » n’ait perçu cette incongruité, ni ressenti le malaise qu’aurait dû leur causer le voisinage entre des « cons » qui avaient sans doute cherché les coups, et ce père blessé.
A l’époque je me souviens que j’avais eu mal à l’idée que des magistrats professionnels étaient incapables de faire la part des choses et puissent mettre une telle distance entre eux et le père d’une victime.
« Il s’agit d’une faute éthique », a dit le père d’Anne-Lorraine ; « J’ai l’impression que l’on a craché sur la tombe de ma fille » a ajouté sa mère.
Difficile de répondre à cela.