La France insoumise à la loi

Publié le Modifié le 18/05/2020 Vu 1 995 fois 0
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Jean-Luc Mélenchon critique les juges et se présente en rebelle, victime d'un procès politique.

Jean-Luc Mélenchon critique les juges et se présente en rebelle, victime d'un procès politique.

La France insoumise à la loi

 

Avertissement : on pensera peut-être que ce blog est de parti pris, attendu que je m’en suis récemment pris à la France insoumise (1), mais je proteste de la totale pureté de mes intentions, seules les considérations juridiques et judiciaires ayant ici droit de cité (je le jure).

 

« Selon que vous serez Mélenchon ou misérable, célèbre ou anonyme, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. » Loeiz Lemoine

Il était temps, je crois, de mettre à jour les vers de La Fontaine, qui demeurent d’actualité dans leur principe, mais pas dans leur exacte formulation.

De façon paradoxale, l’auto proclamé défenseur des misérables a voulu être jugé comme un puissant, en exerçant une certaine pression sur les juges, au moyen d’une démonstration de force devant le tribunal (2), et en mettant en cause l’intégrité d’un de ses contradicteurs en faisant semblant de croire à sa proximité avec le pouvoir en place.

Il est juste de dire que, prudemment, il a aussitôt cessé ses insinuations lorsque notre confrère (3), qui est connu pour son mauvais caractère et les limites étroites de sa patience, lui a clairement signifié qu’il ne les laisserait pas sans suite.

L’audience et ses prémices ont tenu leurs promesses, Jean-Luc Mélenchon nous ayant gratifié de quelques-unes de ces punchlines dont il a le secret :

« Accuser un insoumis de rébellion est une forme de pléonasme ».

« Je ne me soumets pas à un ordre dont je ne comprends ni le sens ni celui qui l'a émis ».

« Nous les méditerranéens nous parlons fort ».

Franchement, si cette excuse avait été admise, les bretons l’auraient très mal vécu.

Il eut fallu que la jurisprudence, un peu à la manière des bulletins météo, traçât une ligne brisée traversant la France d’est en ouest et démarquant les territoires dans lesquels on pourrait, ou pas, hurler sur un policier sans craindre les rigueurs de la loi.

« Je suis en droit, lorsque j’estime qu’un principe aussi fondamental que la liberté d’un parti politique est violée, d’en appeler à la conscience civique du policier pour dire : vous ne devriez pas faire ça ».

Revisitant à son profit la théorie des baïonnettes intelligentes (4), il considère que le policier sur qui il hurle « MAIS QUI, QUI VOUS A DONNE CET ORDRE », aurait dû ipso facto le considérer comme manifestement illégal.

Tout ceci est très beau (vraiment) mais pas forcément transposable à tous les cas de figure ni à tous les justiciables.

Cet article se veut donc une mise en garde à tous nos lecteurs qui, et je le regrette, ne sont pas gens connus, médiatiques et bénéficiant du soutien de militants aussi nombreux que motivés.

Il pourrait arriver que l’arbre d’un procès cache la forêt de la justice et que certains croient pouvoir adopter, dans la vie réelle, des comportements ou des stratégies de défense réservés aux gens connus.

J’avertis donc les justiciables, dans le cadre de la mission vulgarisatrice que s’est assignée ce blog, contre l’idée inopportune de devenir insoumis à la loi, à ses représentants et au long bras de ceux qui en brandissent les foudres.

En cas de contrôle, d’interpellation ou de perquisition, il est généralement admis qu’une attitude humble et un profil bas donnent les meilleurs résultats pour les gens ordinaires, qui ne portent pas d’écharpe tricolore et n’ont pas, derrière eux, un nombre suffisant de militants.

Si on perquisitionne chez vous ou chez un de vos proches, il n’est pas recommandé d’appeler à enfoncer la porte et à forcer physiquement l’opposition des policiers, a fortiori si un magistrat est présent sur place.

On peut très bien s’adresser aux policiers, mais un peu de mesure est souvent le meilleur jeu et leur hurler dans le nez en leur demandant qui leur a donné l’ordre de faire ce qu’ils font, donne, dans la vie courante, des résultats plus souvent négatifs que positifs.

Sans compter que, la plupart du temps, les caméras de Quotidien ne seront pas sur place, même si ceci est à double tranchant.

Pour le commun des mortels, en l’absence d’enregistrement ou de témoins, force est de constater, en le regrettant, que la parole des policiers l’emportera presque toujours sur la vôtre.

« Mais enfin Monsieur, les policiers ne mentent pas » est une phrase que tous les avocats ont entendue dans des audiences correctionnelles.

Or la parole des policiers, si elle n’est pas toujours fausse (pas de manichéisme ici), n’est pas toujours vraie non plus…

Vient ensuite le moment de la comparution.

Libre à vous de protester contre le gouvernement, l’influence souterraine de la Garde des Sceaux, le parquet aux ordres et les procès politiques, mais assurez-vous d’avoir suffisamment d’écho dans la presse.

De même, si vous continuez à creuser ce sillon qui permet d’assurer une précontrainte sur le procès, veillez à avoir des supporters qui viendront devant le tribunal protester à grands cris, avec banderoles et slogans, en comparant notre pauvre système judiciaire à celui des dictatures les moins respectueuses des droits de l’homme.

Si vous faites cela tout seul, même en criant très fort, l’expérience montre que vous crierez dans le désert et que selon toute vraisemblance, vous vous compliquerez la vie.

Même si vous êtes méditerranéen, inutile de soutenir que vous parlez fort et en faisant des grands gestes, je n’ai jamais vu cet argument prospérer devant une juridiction, même au bord de la Méditerranée.

La vérité est que, si vous avez l’intention de bomber le torse et de « résister » au système en commettant seulement le quart de ce qu’on reprochait à Jean-Luc Mélenchon et à sa fine équipe, voici schématiquement ce qui va se passer :

1°) arrivée massive de renforts,

2°) gazage de tous les agités,

3°) arrestations systématiques, sans douceur excessive,

4°) gardes à vue et prolongations,

5°) comparutions immédiates avec jugement à l’heure où le crépuscule noircit la campagne. Personne ne sera dans la salle ou devant le tribunal pour vous soutenir à grand bruit. Le tribunal ne prendra pas deux jours entiers pour entendre les parties et leurs explications.

« Nous faisons nécessairement les deux : il y a une défense judiciaire et une défense médiatique » disait notre héraut, à quoi j’ajoute : ce n’est pas donné à tout le monde et la plupart des humbles sont jugés sans témoin, sans public, et évidemment sans la presse.

Au lieu d’accepter le procès et de se défendre, Mélenchon a choisi de faire le procès du procès : là encore c’est un luxe qui n’est pas donné à tout le monde.

La réaction du camarade Mélenchon après sa condamnation a été à la hauteur de son comportement avant son jugement.

Florilège :

« À l'évidence, c'est un jugement politique (…) tout ça a été organisé dans des conditions telles que tout le monde se couvre de ridicule » (À quoi j’ai eu envie de répondre : c'est çui qui le dit qui y est).

« Si je suis condamné ce n'est pas parce que j'ai volé des sous ou parce que j'ai fait quoi que ce soit de répréhensible par la morale. C'est uniquement parce que j'ai parlé fort sur mon palier pour rentrer chez moi ».

« Les policiers ont la possibilité de menacer les juges sans que Mme Belloubet ne dise rien ».

« Je suis douloureusement surpris de voir que les magistrats finissent par avoir peur ».

« Les macronistes règlent aussi leurs comptes avec leurs amis comme ça, c’est le cas de M. Colomb, de M. Bayrou, qui étaient des amis gênants » (???).

« Je rappelle à tout le monde que je ne sais toujours pas de quoi je suis accusé et d’ailleurs je ne suis accusé de rien » (Bien la peine d’avoir pris un avocat).

« Tout le monde comprend que c’est une comédie judiciaire pour me flétrir ».

« Là c’est la première fois qu’on voit un juge du siège suivre quasiment au mot à mot les réquisitions du parquet. Les réquisitions ça veut dire ce qui est demandé par le juge du gouvernement » (Nan, nan, ça arrive tous les jours).

« On en pleurerait tellement tout ça est un abaissement de la police, de la justice, (…) des institutions dans lesquelles la plupart d’entre nous avaient, jusqu’à ce procès, une confiance quasi-totale, mais nous avons été bien bêtes ».

En quoi il rejoint, mais un peu tard, son contradicteur qui disait il y a peu que « ceux qui ont encore confiance en la Justice ne la connaissent pas. »

« Si on fait appel ça veut dire qu’on croit qu’il y a une justice, pour moi y’en a pas. Moi, quoi que je fasse je suis condamné d’avance. Par conséquent à quoi bon faire appel. Pour avoir droit à une pantalonnade de plus (…) ».

Notons au passage que Mélenchon rejoindra donc la longue cohorte des innocents qui ne font pas appel, phénomène bien connu des pénalistes.

Ses soutiens n’ont pas été en reste :

Ainsi Quatennens : « Solidarité totale avec @JLMelenchon et mes amis insoumis condamnés ce matin pour avoir crié devant notre porte ! Pour eux, comme pour nous tous, le combat des idées continue avec un estampillage de « rebelle » officiel. Dans la France de #Macron tout est cul par dessus tête. »

Et Garrido : « Donc à peu de choses près, le tribunal a suivi les réquisitions du procureur. Peines ridicules par rapport à la prévention (« intimidation ») mais en même temps elles confirment la volonté politique du parquet de salir @jlmelenchon et ses camarades. Allez, passons à autre chose. » (Il se dit dans les milieux autorisés que Raquel Garrido serait avocate : à confirmer car personnellement, je l’ai vue plus souvent sur C8 qu’au palais).

Ce qui est déplaisant dans tout ce cirque, c’est qu’un personnage qui ambitionne d’occuper les plus hautes fonctions et persiste à penser qu’on lui a volé la place de président de la République qui lui revenait de droit, puisse s’en prendre aussi grossièrement à un des piliers essentiels de la République et de la démocratie : la justice.

Je ne lui mets qu’un petit « j » parce que je connais ses imperfections et ses faiblesses, mais je sais aussi les efforts que font ses représentants pour juger au mieux.

Nous avons déjà évoqué la question de la couleur des juges (6) : rouge pour les politiciens de droite, macronistes pour les politiciens de gauche, les deux pour Marine Le Pen, mais d’après l’auteur de ces lignes ils présentent exactement les mêmes nuances que leurs concitoyens.

Pour conclure, envisageons une hypothèse farfelue, quitte à l'éliminer aussitôt : Jean-Luc Mélenchon serait-il idiot ? Honnêtement, tout semble indiquer que non.

Malheureusement l’hypothèse alternative est sa malhonnêteté intellectuelle.

Funeste conclusion.

Je sens que je vais encore me faire des amis.

 

 

 

1 – https://www.legavox.fr/blog/maitre-loeiz-lemoine/france-insoumise-pretend-faire-taire-27737.htm

2 - https://www.huffingtonpost.fr/entry/au-proces-melenchon-la-france-insoumise-debarque-en-force_fr_5d832761e4b0849d4723978e

3 - https://www.ouest-france.fr/politique/jean-luc-melenchon/proces-de-jean-luc-melenchon-eric-dupond-moretti-lui-conseille-de-prendre-une-camomille-6518880

4 - https://fr.wikipedia.org/wiki/Ba%C3%AFonnette_intelligente

5 - https://www.legavox.fr/blog/maitre-loeiz-lemoine/justice-decroche-27431.htm

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A propos de l'auteur
Blog de Maitre Loeiz Lemoine

Avocat d'expérience, ancien Secrétaire de la Conférence, titulaire d'un certificat de spécialisation en droit pénal depuis plus de 20 ans, je vous assiste dans tous les domaines du droit pénal, du droit commun au droit des affaires.

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