Récemment une avocate n’a pas craint d’affirmer à la télévision et sans être contredite (évidemment) que la France était « l’Eldorado des pédophiles ».
Pour faire bonne mesure, elle ajoutait ceci : « aujourd'hui mieux vaut violer un enfant que de dealer du shit dans la rue. La sanction est plus lourde pour le dealer que pour le violeur d'enfants. »
A la suite du jugement en appel de Jérôme CAHUZAC, une représentante de l’association OXFAM déclarait ceci à France Info, dans la même veine : « même si la prison ferme n’est pas une fin en soi, on a un peu le sentiment d’une justice d’exception et d’un deux poids-deux mesures. Cette condamnation est à mettre en parallèle avec les délinquants de droit commun, qui eux, pour des faits bien moins importants et bien moins graves du point de vue de l’impact sur la société, font face, en général, à des condamnations plus importantes. »
Il est toujours éclairant de regarder d’où chacun parle, et il est évident que ces appréciations à l’emporte-pièce ont, dans les deux cas, été formulées en fonction d’un certain agenda.
Ceux qui ont eu l’occasion (et elles ont été très nombreuses pour l’auteur de ces lignes) de défendre des « violeurs d’enfants », aussi souvent d’ailleurs que des enfants violés, des « vendeurs de shit » et des « délinquants de droit commun », si cette dernière expression a un sens, savent pertinemment que ceci est tout simplement faux.
Ceux qui s’en prennent aux enfants, et à cet égard il faut distinguer la détention d’images pédopornographiques, l’atteinte ou l’agression sexuelle, la corruption de mineur, ou le viol, avec plus ou moins de circonstances aggravantes, passent généralement un très sale moment devant les juridictions de jugement.
Est-il besoin de le préciser, je ne dis pas que ce soit injuste ou immérité.
Il serait vain de nier qu’il existe parfois des décalages, difficiles à comprendre et à expliquer, entre certains délinquants en col blanc et des délinquants « de droit commun ».
Mais on peut sans doute identifier que ces décalages viennent plus souvent des conditions du jugement (médiatisation, temps consacré à l’audience, qualité du défenseur) que de la complaisance ou de la sévérité des juges.
De plus, la peine de Cahuzac peut difficilement être considérée comme excessivement clémente : pour une première condamnation, une peine de 4 ans dont 2 fermes est plutôt rare.
Tout le monde semble d’ailleurs considérer que la peine ferme sera aménagée : c’est très probable et son quantum a été décidé par la Cour d’appel précisément pour être aménageable, mais enfin ce n’est pas acquis et un juge devra encore se prononcer.
Pour en revenir aux fondamentaux, la condamnation a été décidée par la Cour en vertu du principe de personnalisation des peines, qui exige qu’on tienne compte de l’individu jugé et pas seulement du fait brut qu’on lui reproche.
On pourrait ajouter que dans le cas de Cahuzac, sa peine se complète du fait que son infamie est apparue à la face de la France entière et qu’il avait déjà été jugé en place publique et médiatique avant que de l’être en correctionnelle.
Ceci, pour lui et pour d’autres plus ou moins connus et exposés à la vindicte populaire, compte dans la détermination de la juste peine.
A l’inverse, puisque nous ne sommes plus aux temps où on marquait les forçats au fer rouge, la plupart des « délinquants de droit commun » anonymes sont quittes, une fois leur peine effectuée, et reprennent leur vie personnelle et professionnelle dans l’anonymat complet, personne n’ayant eu connaissance de leur condamnation.
Disons pour terminer que par principe la peine est l’affaire du parquet, de la défense et de la juridiction, mais pas celle de la partie civile, qui par hypothèse, ayant directement souffert des faits reprochés, est la plus mal placée pour en juger et ne la trouvera jamais assez sévère.
Ou alors il faut admettre une fois pour toutes que la condamnation ne répond plus à une exigence de justice mais à un impératif de vengeance… ce qui n’est pas encore l’état de notre droit positif.