Jean a été mis en cause dans le cadre d’une enquête pour escroquerie. A l’issue de celle-ci, il reçoit une convocation devant le Procureur de la République pour une « procédure sur reconnaissance préalable de culpabilité ».
Très inquiet, il s’interroge sur cette procédure qu’il ne connaît pas.
Maître Matthieu Gallet, Avocat au Barreau de Paris, est avec nous
- Alors, Maître pouvez-vous nous expliquer avant toute chose ce qu’est la CRPC ?
La CRPC, également appelée le « plaider coupable à la française », répond à la volonté du législateur de diversifier les réponses pénales judiciaires dans le cadre d’un accord direct entre le Ministère public et la personne poursuivie, qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés.
Le principe de base de cet accord réside dans la reconnaissance par la personne poursuivie des faits qui lui sont reprochés. Elle permet de juger un individu, qui connaîtra la peine qu’il se verra appliquer à l’issue de la procédure, sans recourir à la procédure de jugement de droit commun.
- Cette procédure peut-elle s’appliquer dans tous les cas ?
Non Karine. Cette procédure ne peut être mise en œuvre qu’à l’égard des personnes majeures et qui reconnaissent avoir commis un délit pour lequel elles encourent une amende ou un maximum de 5 ans d’emprisonnement.
Elle ne pourra donc pas s’appliquer aux crimes et aux contraventions, mais elle sera également exclue pour certains délits, soit en fonction de la nature de ceux-ci (délits politique ou de presse), soit en raison du quantum des peines encourues (supérieure ou égale à 5 ans).
- Qui décide de la mise en œuvre de cette procédure ?
L’initiative de la procédure revient uniquement au Procureur de la République. Il peut prendre cette décision d’office, ou à la suite d’une demande du prévenu ou de son avocat.
Dans ce dernier cas, cette demande peut être formulée soit à l’issue d’une garde à vue, soit après citation directe ou convocation en justice de la personne poursuivie.
- Et comment se déroule précisément cette procédure ?
Il s’agit d’une procédure relativement simple, qui se déroule en deux phases.
Tout d’abord une phase de proposition. La personne poursuivie est convoquée devant le Procureur de la République, qui s’assure alors que la personne poursuivie reconnaît sa culpabilité et lui propose une peine.
L’auteur des faits a alors 3 possibilités :
- accepter la proposition
- refuser la proposition
- demander à bénéficier d’un délai de réflexion
Dans ce dernier cas, la personne dispose d’un délai de réflexion de 10 jours, avant d’être à nouveau convoquée devant le Procureur de la République pour lui fournir sa réponse.
- Et quelle est alors la seconde phase de cette procédure ?
La seconde phase, obligatoire, est celle l’homologation par le Président du tribunal correctionnel. Le juge appréciera alors souverainement s’il y a lieu d’approuver l’accord intervenu antre le prévenu et le Procureur de la République.
Pour ce faire, il vérifie la réalité des faits, leur qualification juridique, la sincérité des aveux de la personne poursuivie, et la réalité de son consentement.
En cas d’homologation, la décision a les mêmes effets qu’un jugement, et est immédiatement exécutoire.
En cas de refus d’homologation, aucun recours n’est possible, et le Procureur de la République retrouve tout son pouvoir d’appréciation pour l’orientation des poursuites.
- Cette procédure peut-elle avoir un intérêt pour Jean ?
Tout à fait Karine, cette peut procédure peut présenter un double intérêt pour Jean.
En effet, si le Procureur de la République dispose du monopole de la proposition des peines, la personne poursuivie et son avocat seront en mesure de négocier les peines susceptibles d’être prononcées, notamment en faisant jouer les circonstances de l’infraction et la personnalité du prévenu.
Les peines susceptibles d’être proposées à la personne poursuivie sont des peines d’emprisonnement, des peines d’amendes, des peines complémentaires ou des peines alternatives.
Ainsi, cette procédure se révèle également intéressante lorsqu’une peine d’emprisonnement est susceptible d’être proposée.
Dans ce cadre en effet, le Procureur de la République ne peut pas proposer ni une peine d’emprisonnement supérieure à 1 an, ni une peine qui excède la moitié de la peine d’emprisonnement normalement encourue.
- Si je comprends bien, Jean a vraiment intérêt à s’adjoindre les services d’un avocat ?
Exactement, et c’est même obligatoire Karine ! La présence de l’avocat est obligatoire dès la convocation chez le Procureur de la République. A ce stade, l’avocat doit pouvoir consulter le dossier sur le champ, et s’entretenir librement avec son client avant que celui-ci ne fasse connaître sa décision. Au stade de l’homologation, la personne prévenue et son avocat sont entendus par le Juge.
- Une fois la procédure engagée, Jean a-t-il la possibilité de se rétracter ?
Hé bien Jean a toujours la possibilité de sortir de la procédure, à tout moment, en refusant les peines proposées devant le Procureur ou ensuite devant le Président du tribunal.
Il existe un ultime cas de rétractation, qui est l’appel sur l’ordonnance d’homologation.
Dans ce cas bien sur, il sera par la suite interdit d’utiliser les déclarations et aveux éventuellement recueillis pendant la procédure de CRPC pour toute autre procédure.