Retour sur la la loi ENL du 16 juillet 2006 avec un arrêt en date du 1er décembre 2016 rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation.
Pour rappel, cette loi consacre aux résidences services un régime juridique spécifique distinct du statut de droit commun de la copropriété (art 41-1 de la loi du 10.07.1965). Il résulte de ce texte que le réglement "peut étendre l'objet d'un syndicat de copropriété à la fourniture aux occupants de l'immeuble de services spécifiques, notamment de restauration, de surveillance, d'aide ou de loisirs. Ces services peuvent être procurés en exécution d'une convention conclue avec des tiers", il s'agit généralement d'une association ou d'un prestataire à but lucratif. Ce type de résidence service dite de premier type a connu un certain essor qui tend toutefois à s'essoufler. En effet, même si fiscalement l'investissement "Censi Bouvard" est attractif, il s'avère aussi contraignant et risqué.
Au plan juridique, l'organisation de ces immeubles déroge au droit commun au sens où le syndicat de copropriété est autorisé par le réglement à produire des services qui ne concourent pas à la conservation et l'administration des parties communes de l'immeuble. Les dépenses liées à ces services sont couvertes par la contribution aux charges des membres du syndicat conformément aux critères posés par l'article 10 de la loi du 10.07.65.
Listés par l'article 39-2 du décret 17 mars 1967 modifié par un décret du 26 octobre 2016 (n°2016-1446), ces services consistent en « l’accueil personnalisé et permanent des résidents et de leurs visiteurs »; « la mise à disposition d’un personnel spécifique attaché à la résidence, le cas échéant complétée par des moyens techniques permettant d’assurer une veille continue quant à la sécurité des personnes et la surveillance des biens »; et « le libre accès aux espaces de convivialité et aux jardins aménagés ». En revanche, les dépenses liées aux services individualisés ne peuvent être imputées aux copropriétaires au titre de la participation aux charges de copropriété. En effet, ces charges n'étant pas attachées au lot mais à l'occupant, il est logique de ne pas les répartir en fonction de l'utilité du service procurée au lot.
Une autre limite est posée par le législateur : il est interdit aux résidences services de procurer à leurs occupants des services de soins ou d'aide et d'accompagnement exclusivement liés à la personne qui ne peuvent être fournis que par des établissements et des services relevant du code de l'action sociale et des familles.
Ainsi un syndic ayant la gestion d'un tel immeuble n'a pas à soumettre à l'assemblée générale le vote de la décision de supprimer un service médical. Telle est la solution dégagée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 1er décembre 2016.
les faits de l'espèce sont les suivants ; un réglement de copropriété datant de 1975 avait créé un syndicat pour la gestion d'un service paramédical. Suite à l'entrée en vigueur de la loi ENL, le syndicat souhaite se conformer au nouveau dispositif en supprimant les services à vocation médicale. Après délibération, le syndic procède au licenciement des infirmières et supprime le service de soins sans attendre la modification effective du réglement de copropriété.
Les copropriétaires saisissent le tribunal afin d'obtenir le rétablissement du service dans l'attente de la mise en place d'un service de substitution en faisant valoir par ailleurs l'article 41-1 de la loi du 10.07.1965 subordonnant la suppression d'un service à une décision de l'AG votée à la majorité de l'article 26 al. 1er et le cas échéant, à celle prévue au dernier alinéa du même article.
Dix ans après l'entrée en vigueur de la loi ENL instaurant un régime propre aux résidences proposant des services de soins et d'accompagnement liés à la personne, la Cour de Cassation est venue trancher la question du champ d'application temporel de ces dispositions.
Appliquant le principe selon lequel le syndic n'a pas à obtenir l'accord des copropriétaires pour supprimer un service contraire à un texte d'ordre public, la Cour de Cassation approuve la décisions des juges du fond.
Ainsi, dans la mesure où l'article 41-1 de la loi du 10.07.65 issu de la loi du 13.07.2006 est d'application immédiate et d'ordre public, le syndic était fondé à supprimer d'office les services en question.
Cette décision présente un intérêt pratique au sens où le syndic est dispensé d'attendre la modification du réglement de copropriété et d'accomplir toutes les formalités qui s'ensuivent pour supprimer les services exclus par l'article 41-1 de la loi du 10.07;65.
La présente affaire est l'occasion de soulever les failles du régime juridique des résidences services. Il est regrettable que le législateur ne livre pas une définition ou une liste limitative des services de soins et d'accompagnement liés exclusivement à la personne.