La servitude, droit réel accessoire au droit de propriété, est un instrument de régulation sociale prévenant les conflits de voisinage.
Même si la jurisprudence en matière d'empiètement s'est révélée fluctuante et tâtonnante, la Cour de Cassation sanctionne toute atteinte au droit de propriété et affirme catégoriquement l'incompatibilité entre une servitude et un empiètement. La première étant un droit alors que le second une violation de la propriété.
L'arrêt rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation du 23 novembre 2017 témoigne de sa fidélité au principe de prohibition des servitudes d'empiètement.
Dans la présente affaire, un propriétaire a fait édifier une toiture terrasse au dessus de son garage. Les propriétaires voisins ont assigné ce dernier en démolition de la partie du toit terrasse empiétant sur leur fonds et subsidiairement en suppression de la vue.
La Cour d'appel rejette leur demande en faisant jouer la prescription trentenaire de la servitude de vue et de la construction du toit terrasse.
Sous le visa des articles 544, 545 et 637, c'est sans surprise que l'arrêt d'appel est censuré par la Cour de Cassation considérant que "le toit-terrasse résultait d'une transformation du toit du garage au-dessus duquel il était édifié, alors que seule l'assiette de la construction empiétante est susceptible de faite l'objet d'une prescription trentenaire et alors qu'une servitude de vue ne peut conférer le droit d'empiéter sur le terrain d'autrui".
La solution retenue par la haute juridiction s'inscrit dans la jurisprundence de la 3ème chambre civile en refusant de faire jouer la prescription trentennaire à l'égard d'un débordement d'un toit-terrasse sur le terrain d'autrui.
Rappelons qu'une servitude peut être établie librement du fait de l'homme ou par l'effet de l'écoulement d'un délai trentenaire sous réserve que la servitude soit apparente et continue. Mais dans l'affaire précitée ce ne sont pas ces éléments qui sont contestés mais l'existence même de la servitude.
En effet, pour la Cour de Cassation, l'empiètement constitue une atteinte au droit de propriété et ne peut en aucun cas s'analyser comme une servitude nonobstant l'écoulement d'un délai trentennaire.
Cette décision s'aligne sur la jurisprudence traditionnelle selon laquelle une servitude ne peut être constituée par un droit exclusif interdisant au propriétaire du fonds servant toute jouissance de sa propriété (Cass. Civ. 3ème, 24 mai 2000, n° 97-22255) ou encore qu'une servitude ne peut en aucun cas conférer le droit d'empiéter sur la propriété d'autrui (Cass, Civ. 3ème, 27 juin 2001, Bull. Civ. III, n°87).
Pour autant même si la solution est logique et conforme au droit positif, la frontière entre servitude et empiètement reste incertaine.
Dans quelle mesure une servitude peut réaliser un empiètement sur la propriété d'autrui ?
Il est difficile de trancher la question au sens où la servitude, comme l'empiètement , peut réduire de manière significative les prérogatives d'un propriétaire.
Contrairement à l'empiètement, la servitude constitue par définition un démembrement de propriété justifié au regard de la situtation des fonds. Par ailleurs, une servtitude ne peut avoir pour effet d'interdire au propriétaire du fonds servant toute jouissance de sa propriété ou modification de sa propriété conforme à son usage normal.
Reconnaître une valeur juridique à la servitude d'empiètement, sous réserve du respect d'un certain formalisme aux fins d'assurer son opposabilité aux tiers, pourrait diminuer les litiges de voisinage liés aux débords de toiture sur le fonds voisin.
Mais, admettre une telle servitude, serait contraire à l'objet de la servitude et pénaliserait le propriétaire du fonds servant en le privant de l'ensemble de ses prérogatives de manière perpétuelle sur tout ou partie de son terrain.