Dans un arrêt du 7 juillet 2021 (n° 19-22.922), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’appréciation de la durée raisonnable de la période d’essai.
Un salarié a été engagé en qualité de conseiller commercial auxiliaire à compter du 1er juin 2016 par une société d’assurance, le contrat de travail stipulant l’obligation d’accomplir une période d’essai de six mois, sans possibilité de renouvellement.
L’employeur a mis fin à la période d’essai le 13 septembre 2016 et le salarié a saisi la juridiction prud’homale. L’affaire est portée devant la cour d’appel qui analyse la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne l’employeur au paiement de diverses sommes.
La Cour de cassation a été saisie de l’appréciation de la durée raisonnable de la période d’essai au regard de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail sur le licenciement adoptée à Genève le 22 juin 1982 et entrée en vigueur en France le 16 mars 1990.
Aux termes de l’article 2, paragraphe 2 b) de ce texte, peuvent être exclus du champ d’application de l’ensemble ou de certaines des dispositions de la convention les travailleurs effectuant une période d’essai ou n’ayant pas la période d’ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d’avance et qu’elle soit raisonnable.
L’employeur avait appliqué en l’occurrence l’article 22 de la convention collective nationale des producteurs salariés de base des services extérieurs de production des sociétés d’assurance du 27 mars qui stipule : « pour être titularisé en qualité de producteur salarié de base, l’intéressé doit avoir accompli préalablement, chez le même employeur, de façon satisfaisante, une période d’essai de six mois. Cette période pourra être renouvelée une fois, pour une durée n’excédant pas six mois ».
Il faisait valoir dans son pourvoi que la période d'essai d'une durée de six mois était nécessaire au regard des contraintes juridiques intrinsèques au secteur de l'assurance pour appréhender le sérieux et les compétences de salariés conduits à représenter la société d'assurance auprès de sa clientèle dans le cadre d'une activité soumise à des risques juridiques importants, et que cette durée ne présentait donc pas un caractère déraisonnable.
L’arrêt d’appel retient qu’est déraisonnable, au visa de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et au regard de la finalité de la période d’essai qui doit permettre au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent et de l’exclusion des règles de licenciement durant cette période, une période d’essai dont la durée est de six mois.
La Cour de cassation a considéré qu’en se déterminant ainsi, par une affirmation générale, sans rechercher, au regard de la catégorie d'emploi occupée, si la durée totale de la période d'essai prévue au contrat de travail n'était pas raisonnable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
L’appréciation de la durée raisonnable de la période d’essai dépend donc de la catégorie d’emploi occupée.
C’est ainsi que, par le passé, la Cour de cassation a pu juger excessive la durée de l’essai de 6 mois pour un assistant commercial (Cass. Soc., 10 mai 2012, n° 10-28.512). A l’inverse, elle a considéré que la durée de 9 mois pour un directeur général adjoint était raisonnable (Cass. Soc., 24 avril 2013, n° 12-11.825).
L’employeur doit être particulièrement vigilant sur la durée de l’essai dont l’appréciation s’effectue au regard des fonctions occupées par le salarié car toute rupture de l’essai au-delà de la période prévue par la loi (art. L. 1221-19 C. trav.) ou par la convention collective applicable s’analyse en un licenciement qui, en l’absence de motif légitime, est sans cause réelle et sérieuse.
Jérémy DUCLOS
Avocat à la Cour
Spécialiste en droit du travail