L’employeur a t-il le droit de récupérer l’historique des sites consultés sur l’ordinateur de l’employé ? N’y a-t-il pas ici atteinte à la vie privée du salarié ?
Autrement dit, quelle est l’articulation entre le pouvoir de contrôle qu’a tout employeur sur ses salariés et le droit à la vie privée des salariés au sein de l’entreprise ?
Le droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances sont des principes à valeur constitutionnelle[1] figurant à l’article 9 du Code civil et protégé pénalement par la loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens. Ils s’appliquent donc aussi bien dans la vie en société que dans la vie au sein de l’entreprise et donc aux salariés : c’est donc un véritable droit « informatique et liberté » qui a été reconnu pour le salarié.
Parallèlement, l’employeur, en ce qu’il dispose d’un pouvoir de contrôle sur l’activité de ses employés, l’a également sur l’outil de travail principal : l’ordinateur. Il peut donc en théorie, consulter l’historique des sites visités par ses salariés, intercepter les emails.
Bien que l’employeur cherche à réduire le temps « privé » au bureau, le droit de surveillance et de contrôle de celui-ci sur l’activité des salariés lui est reconnu dans le cadre de son pouvoir de direction, il doit nécessairement se concilier avec les libertés fondamentales des salariés. L’équilibre semble donc délicat à trouver[2] .
Comment concilier ces intérêts divergents ?
Tout d’abord, d’un point de vue juridique, il est interdit aux salariés de surfer à des fins personnelles durant leurs heures de travail qui doivent être consacrées à l’employeur. Cependant, cette interdiction de principe apparaît à la fois irréelle et disproportionnée. En cela, la chambre sociale de la Cour de cassation considère que le salarié à droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée. Dès lors, l’employeur ne peut, sans violation de cette liberté prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçu par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur. Elle pose donc le principe d’interdiction à tout employeur de prendre connaissance des messages électroniques personnels de ses salariés. A l’instar de la CNIL, il est conseillé de raisonner par analogie à la jurisprudence relative à la correspondance papier. De fait, le caractère professionnel d’un email devrait être reconnu lorsque celui-ci n’est pas explicitement marqué comme étant « personnel » ou « privé ». [3]
De plus, l’employeur est tenu, à l’égard de ses salariés, d’un devoir de transparence et d’information préalable à toute installation d’un dispositif de surveillance ou de contrôle de l’activité de ses salariés.
Tout moyen de preuve non conforme à ces principes ne peut en tout état de cause être retenu par la juridiction prud’homale.
Toutefois, l’employeur ne peut procéder à un contrôle que s’il établit un comportement suspect du salarié.
Ces principes sont destinés à mettre en balance le but recherché par l’employeur avec l’atteinte aux libertés individuelles du salarié.
[1] Avec sa décision fondatrice « Liberté d’association » du 16 juillet 1971, le Conseil Constitutionnel a consacré la valeur constitutionnelle du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 qui renvoie au préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Le droit au respect de la vie privée, découlant de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, est un principe à valeur constitutionnelle.
[2] « la cybersurveillance des salariés dans l’entreprise : quels sont les droits de l’employeur ? » par Me Martine Rioucart-Maillet : http://www.netpme.fr/nouvelles-technologies/117-cybersurveillance-salaries-dans-entreprise-quels-sont-droits-employeur.html