Le sponsoring constitue la technique licite permettant à une marque de devenir partenaire officiel de l'évènement.
Il s'agit d'un contrat conclu entre l'organisateur de la Coupe du monde, et une société commerciale, par lequel la Société est autorisée à associer sa marque à la Coupe du monde, en contrepartie du versement d'une indemnité, les droits de parrainage.
L'ambush marketing est le versant illicite du sponsoring. Cette pratique marketing illicite consiste pour une Société détentrice de marque à tirer avantage de l'évènement sportif très médiatique, en instaurant une association promotionnelle ou commerciale avec sa marque, sans autorisation de l'organisateur.
Le sponsor se voit ainsi doublé par l'autre marque dans sa stratégie publicitaire.
Ce fut notamment le cas en France, lors des jeux olympiques d'hiver de 1992 à Albertville, ou la Société VISA était un des sponsors officiels de l'évènement. La Société américaine AMERICAN EXPRESS, concurrente de VISA avait créé un slogan. Ou encore lors d'une Coupe du monde de rugby, ou une Société française détenant une marque de lingerie, avait fait déshabiller ses mannequins en tribune, pour promouvoir ses produits.
En France comme ailleurs, cette pratique est difficilement appréhendée par le droit. Il existe une sorte de no man's land juridique concernant le statut juridique de l'ambush marketing.
Ainsi, il est nécessaire de rattacher l'ambush marketing à des figures juridiques existantes.
Pour une Société titulaire de marque, le fait d'associer cette marque à un événement sportif très médiatique, ne constitue pas en soi une pratique illégale.
C'est notamment le cas des entreprises qui achètent les droits de retransmission télévisuelle, telles que BeIN sports ou TF1. Ces entreprises ne sont pas ambushers.
La pratique devient de l'ambush marketing lorsqu'elle vise à créer une confusion dans l'esprit du public avec la marque sponsor officiel.
L'ambush marketing, contrefaçon de marque : OUI MAIS...
Attaquer l’ambush marketing sous l’angle de la contrefaçon de marque est la solution juridique la moins évidente.
Rares sont les ambushers faisant preuve de témérité en employant directement le nom de marque du sponsor ou de l’organisateur de l’événement sportif.
C'est parce que les techniques employées sont plus astucieuses, que la contrefaçon de marque ne peut être caractérisée.
La contrefaçon suppose l'imitation ou la reproduction d'un signe déposé à titre de marque, selon le Code de la propriété intellectuelle.
Or, les ambushers ont le plus souvent recours à leurs propres marques pour accomplir leur promotion.
A titre d'illustration, la Société FIAT a profité du Tournoi des Six Nations pour faire la promotion de son nouveau modèle de citadine Fiat 500.
Suite à un match France-Angleterre, le constructeur italien a fait paraître dans un journal sportif, une publicité utilisant la victoire de l’équipe de France de rugby, et pronostiquant une victoire italienne avec un score de 500 (en référence à la voiture), pour le prochain match France-Italie.
Cette page a été publiée dans le journal sportif, juste après une publicité du sponsor officiel Renault.
Outre le point de débat central sur la violation du monopole d'exploitation des organisateurs de manifestation sportive, la fédération française de rugby avait assigné Fiat, à titre subsidiaire, en contrefaçon.
Dans un arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 12 décembre 2012 (n°10/10996), la FFR a confirmé la position du TGI de PARIS ayant débouté la FFR de sa demande en contrefaçon, du fait que Fiat...n'avait pas utilisé ni marque, ni logo appartenant à la FFR.
Le fondement de la contrefaçon sera pertinent dans l'hypothèse selon laquelle, l'ambusher imitera ou reproduira les marques déposées par l'organisateur de l'évènement, ou celles déposées par la Société sponsor de l'évènement sportif.
L'ambush marketing, acte de concurrence déloyale : OUI !
En France, la jurisprudence est à l'origine de la qualification de l'ambush marketing d’actes parasitaires.
Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation, le 30 janvier 1996 (n°94-15725), sans se prononcer expressément sur l’ambush marketing, la Cour retient que le fait de faire perdre à un concurrent la rentabilité des investissements publicitaires qu’il a réalisé, constitue un acte parasitaire, engageant la responsabilité civile de son auteur.
Plus explicitement, le Tribunal de Grande Instance de PARIS (4 octobre 1996, PIBD 1997 n°624, III, p39) s’est prononcé sur l’ambush marketing, le qualifiant « d’agissement parasitaire ».
L’ambush marketing correspond aux critères permettant la qualification d'agissements parasitaires. L’ambusher se place directement dans le sillage du sponsor, établissant un lien non autorisé avec l’évènement, et profitant de l’investissement publicitaire réalisé par un concurrent, sans avoir participer au financement.
C’est la position reconnue par la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 8 septembre 2004 (n°04/09673), confirmée le 14 octobre 2009 (n°08/19179) et le 21 janvier 2011 (n°09/20261).
La Cour a estimé à propos de l’ambusher, que le parasite « avait tenté d’établir une filiation et de se placer dans le sillage de l’activité d’autrui, en renvoyant au moins implicitement ou encore de manière subliminale, mais constante à cette activité ; que le parasite avait employé des références fréquentes et directes, destinées à évoquer la valeur d’autrui, et sans nécessité absolue ; que le parasite cherchait l’identification avec l’activité du parasité ».
En conséquence, le fondement du parasitisme est mieux adapté pour sanctionner cette pratique pirate.
L'ambush marketing, violation de l’exclusivité d'exploitation dont bénéficie les organisateurs de manifestation sportive : OUI !
En vertu de l'article L333-1 du Code du sport, « Les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives […] sont propriétaires du droit d'exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu'ils organisent. ».
Or, cette disposition législative issue de la loi n°92-652 du 13 juillet 1992, ne vise que l’exclusivité attachée aux droits de retransmission télévisuelle des compétitions sportives.
Cependant à l'aune d'un certain réalisme économique, la jurisprudence a étendu ce monopole aux autres modes d'exploitations commerciales, dont les droits de retransmission télévisuels ne sont qu'un élément.
« En l'absence de toute précision ou distinction prévue par la loi concernant la nature de l'exploitation des manifestations sportives, qui est l'objet du droit de propriété reconnu par ces dispositions, que toute forme d'activité économique, ayant pour finalité de générer un profit, et qui n'aurait pas d'existence si la manifestation sportive dont elle est le prétexte ou le support n'existait pas, doit être regardée comme une exploitation au sens de ce texte » (Cour d'appel de Paris 14 octobre 2009, n°08/19179 et Cour d'appel de Paris 16 mars 2011, n°09/22229).
En somme, l'exclusivité consacrée par les dispositions de l'article L333-1 du Code du sport vise les parrainages des contrats de sponsoring.
L'ambush marketing peut constituer une violation de l'exclusivité d'exploitation des organisateurs sportifs.
La position de 2009 a cependant été nuancée par un arrêt récent de la Cour de cassation en date du 20 mai 2014 (n°13-12102), à l'occasion du pourvoi formé par la FFR, suite à la confirmation par la Cour d'appel de la non responsabilité de FIAT.
La Cour de Cassation a repris la position de l’arrêt de 2009 de la Cour d’appel et a apporté une nuance importante : « il résulte aussi de ces dispositions [l’article L. 333-1 du Code du sport] que, pour être caractérisée, une atteinte à la propriété des droits visés suppose une appropriation ou une exploitation d’une compétition ou manifestation sportive. ».
La Cour de Cassation soutient que la publicité « se borne à reproduire un résultat sportif d’actualité, acquis et rendu public en première page du journal d’information sportive, et à faire état d’une rencontre future également connue comme déjà annoncée par le journal dans un article d’information ; que l’arrêt en déduit qu’il n’est dès lors pas établi que l’activité économique des mis en cause puisse être regardée comme la captation injustifiée d’un flux économique résultant d’événements sportifs organisés par la fédération française de rugby (…). ».
Dès lors, la Cour de cassation vérifie la finalité de l'opération, avant de la qualifier d'ambush marketing.
Il serait sans doute pertinent de se saisir des atteintes posées par cette pratique d'ambush marketing, pouvant avoir une ampleur globale.
L'Union Européenne devrait se saisir de la question, afin d'offrir un cadre juridique clair et efficace permettant de lutter contre la nuisance qu'elle présente, envers les tiitulaires de marques et les organisateurs des grands évènements sportifs.