Dans son arrêt du 13 mai 2014 (Affaire C-131/12) "Google Spain SL, Google Inc. c/ Agencia Espanola de Proteccion de Datos, Mario Costeja Gonzalez", la CJUE applique le droit de la protection des données personnelles à l'exploitant d'un moteur de recherche internet.
Dès lors, l'exploitant d'un moteur de recherche est responsable du traitement des données personnelles qu'il effectue.
Sur demande formulée par un internaute, le moteur de recherche est tenu de procéder à la suppression de la liste des résultats de recherche, des données personnelles figurant dans des liens renvoyant vers des pages internet, s'il justifie d'un motif légitime.
Ainsi, le droit à l'oubli numérique est né, cependant, seule les personnes physiques en bénéficie.
Les personnes morales sont les grandes oubliées du dispositif.
Pourtant, comme les personnes physiques, les personnes morales sont aussi victimes d'atteinte à leur réputation, non civile ou familiale comme pour les personnes physiques, mais bien commerciale.
La protection de la e-reputation des entreprises se traduit elle-aussi par un droit à l'oubli numérique.
Les personnes morales doivent donc se tourner vers le droit de la concurrence déloyale, le droit commun de leur protection réputationnelle.
Certains dirigeants aimeraient également passer sous silence un échec entreprenariale.
Ce n'est pas pour tout de suite ou presque.
Dans son récent arret du 09 mars 2017 Camera di commercio di Lecce contre M X, la CJUE confirme l'exclusion des personnes morales du bénéfice du droit à l'oubli numérique, mais ... ouvre une porte dérobée tout de meme.
Les faits sont les suivants : le dirigeant d'une entreprise liquidée suite à une procédure de liquidation judiciaire a sollicité la suppression de la fiche entreprise toujours publiée sur le registre des sociétés, comportant les mentions d'identification de l'entreprise, la mention de la liquidation et l'identité du dirigeant.
La finalité de l'action était la préservation de la réputation du chef d'entreprise, qui certainement dans le cadre de ses nouvelles activités, ne souhaitait pas que son nom demeure associé à un échec entreprenarial.
Le tribunal de première instance fait droit à la demande du dirigeant.
Des recours sont exercés, et c'est la Cour de cassation italienne qui se trouve chargée de l'affaire : la Cour pose une question préjudicielle à la CJUE sur l'application des dispositions européennes relatives aux données personnelles.
Est-il possible de limiter l'accès aux données personnelles relatives à un dirigeant d'entreprise et aux données d'identification de la personne morale une fois que la cessation de l'activité de la société est intervenue ?
La CJUE répond négativement, mais laisse la porte ouverte à un effacement au cas par cas.
La Cour rappelle d'abord que la directive sur la protection des données prévoit que les données doivent etre conservées pour une durée qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalittés de la conservation.
Elle poursuit en indiquant que la publicité des informations sur les entreprises consiste à protéger les tiers à la société, qui ne disposent comme garantie que le seul patrimoine social.
La CJUE réalise une conciliation entre la protection des intérets des tiers dans le cadre du droit des sociétés et le droit au respect de ses données personnelles.
La CJUE formule sa réponse en deux temps pour retenir que la publicité des données devait etre assurée :
_ la publicité est limitée à des données résiduelles sur la société et son dirigeant,
_ les tiers à la société ont pour seule garantie le patrimoine social de la société.
La CJUE fait ainsi prévaloir le droit d'accès aux informations essentielles sur la société, et sur l'identité de ses dirigeants, les personnes physiques aptes à l'engager.
Cependant, la CJUE ne ferme pas la porte à une reconnaissance au cas par cas du bénéfice d'un droit à l'oubli numérique.
"Les Etats membres reconnaissent à la personne concernée le droit de s'opposer à tout moment, pour des raisons prépondérantes et légitimes tenant à sa situation particulière, à ce que des données la concerant fassent l'objet d'un traitement. En cas d'opposition justifiée, le traitement mis en oeuvre par le responsable du traitement ne peut plus porter sur ces données".
La CJUE créee standard juridique en édictant que la suppression est possible en cas de raisons prépondérantes et légitimes.
Les juridictions nationales auront un role significatif à jouer dans l'appréciation de l'effacement de la publicité, dont il conviendra d'observer cette construction jurisprudentielle embryonnaire.
Cet arret de la CJUE constitue un point de départ majeur dans la reconnaissance d'un droit à l'oubli numérique au bénéfice des personnes morales.