Fichier STIC : condamnation de la France par la CEDH

Publié le 19/09/2014 Vu 4 787 fois 0
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Dans un arrêt du 18 septembre 2014, la Cour Européenne des Droits de l'Homme (Cour EDH) a condamné la France pour atteinte au droit au respect de la vie privée (article 8 CEDH). Le requérant avait fait l'objet d'un classement sans suite dans le cadre d'une médiation pénale pour violences conjugales, et d'une inscription dans le Système de Traitement des Infractions Constatées (STIC), fichier sous la responsabilité du procureur de la République. Le requérant avait demandé la suppression de la mention de la procédure pénale du STIC, ce que le procureur de la République avait refusé. La Cour EDH condamne la France pour le refus de faire droit à cette demande de suppression.

Dans un arrêt du 18 septembre 2014, la Cour Européenne des Droits de l'Homme (Cour EDH) a condamné la Franc

Fichier STIC : condamnation de la France par la CEDH

Cet arret de la Cour EDH en date du 18 septembre 2014 constitue une illustration de la confrontation entre le droit au respect de la protection des données personnelles, face au traitement fait de ces données par l'autorité publique.

La Cour EDH énonce expressément que "la protection des données à caractère personnel joue un role fondamental pour l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale consacré par l'article 8 de la Convention.". 

  • Quels sont les faits ?

Le requérant avait fait l'objet en 2008 d'une médiation pénale décidée par le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'EVRY, pour des faits de violences conjugales.

Le procureur de la République avait classé l'affaire sans suite.

Du fait de cette mesure de médiation pénale, la personne mise en cause avait fait l'objet d'une mention au Système de Traitement des Infractions Constatées (STIC), remplacé en 2013 par le Système de Traitement des Antécédents Judiciaires (STAJ). 

Le plaignant avait ensuite demandé au procureur de la République l'effacement de cette mention et des données personnelles le concernant, figurant sur ce fichier.

Le procureur avait refusé de faire droit à cette demande en 2009.

  • Qu'est ce que le Système de Traitement des Infractions constatées (STIC) ?

Le STIC, institué en 2001, répertorie l'ensemble des infractions relatives aux comptes-rendus d'enquetes de police, de gendarmerie ou des douanes.

Il vise à la facilitation de la constation des infractions, du rassemblement des preuves et à la recherche des auteurs.

Font l'objet de mentions au STIC, toutes personnes à l'encontre desquelles des indices graves ou concordants rendent vraisemblable leur participation à la commission d'une infraction.

Les éléments permettant la mention d'une personne au STIC sont réunis au cours d'une enquete judiciaire.

Il s'agit ainsi d'un fichier de police, qui comptait en 2012 près de 6,7 millions de mis en cause et 46 millions de procédures enregistrés, selon la CNIL.

En somme, il s'agit d'un fichier particulièrement dense, contenant autant de données personnelles qu'il compte de personnes mise en cause.

Le STIC a été remplacé en 2013 par le Système de Traitement des Antécédents Judiciaires (STAJ) ... La vitrine a changé mais pas l'arrière boutique... !

  • Que sollicite le plaignant ?

Le requérant souhaitait la suppression de la mention le concernant dans cette base de données. 

Ainsi, il demandait l'effacement des données personnelles de ce fichier, du fait de la décision de classement sans suite prise à son encontre.

Selon lui, il n'existait aucune justification à ce qu'il fasse l'objet d'une mention dans ce fichier, puisqu'il n'a pas été condamné.

  • Quelles sont les dispositions applicables ?

L’article 3 du décret n°2001-583 du 5 juillet 2001 précise bien que "toute personne ayant bénéficié d’une mesure de classement sans suite pour insuffisance de charges, d’une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive peut demander que le fichier soit mis à jour par le responsable du traitement".

De plus, l'article 230-8 du Code de procédure pénale relatif au STAJ, résultant de la loi n°2011-267 du 14 mars 2011, dispose que :

« Le traitement des données à caractère personnel est opéré sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent qui demande qu’elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire. La rectification pour requalification judiciaire est de droit. Le procureur de la République se prononce sur les suites qu’il convient de donner aux demandes d’effacement ou de rectification dans un délai d’un mois. En cas de décision de relaxe ou d’acquittement devenue définitive, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées, sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier, auquel cas elle fait l’objet d’une mention. Lorsque le procureur de la République prescrit le maintien des données personnelles relatives à une personne ayant bénéficié d’une décision d’acquittement ou de relaxe devenue définitive, il en avise la personne concernée. Les décisions de non-lieu et, lorsqu’elles sont motivées par une insuffisance de charges, de classement sans suite font l’objet d’une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l’effacement des données personnelles. Les autres décisions de classement sans suite font l’objet d’une mention. Lorsqu’une décision fait l’objet d’une mention, les données relatives à la personne concernée ne peuvent faire l’objet d’une consultation dans le cadre des enquêtes administratives prévues aux articles L. 114-1L. 234-1 à L. 234-3 du code de la sécurité intérieure et à l’article 17-1 de la loi no 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité.

Les décisions d’effacement ou de rectification des informations nominatives prises par le procureur de la République sont portées à la connaissance des responsables de tous les traitements automatisés pour lesquels, sous réserve des règles d’effacement ou de rectification qui leur sont propres, ces mesures ont des conséquences sur la durée de conservation des données personnelles.

Le procureur de la République dispose pour l’exercice de ses fonctions d’un accès direct aux traitements automatisés de données à caractère personnel mentionnés à l’article 230-6. »

En conséquence, en cas de non-condamnation, la suppression de la mention au STAJ est de droit, sauf décision spécialement motivée du procureur de la République.

En l'espèce, le procureur de la République invoquait au soutien de son refus que la personne avait « fait l’objet d’une décision de classement sans suite fondée sur une autre cause que : absence d’infraction (...) ou infraction insuffisamment caractérisée (...) ». 

Cette motivation, particulièrement floue, n'a pas résisté à l'analyse de la Cour EDH, au regard de l'article 8 de la CEDH, relatif au droit au respect de la vie privée.

  • Quelle est la position de la Cour EDH :

La Cour EDH en profite pour rapeller sur ce point que "Le droit interne doit aussi contenir des garanties de nature à protéger efficacement les données à caractère personnel enregistrées contre les usages impropres et abusifs", tel qu'affirmé dans son arret du 18 avril 2013, MK c/ FRANCE.

La Cour poursuit en affirmant que "le requérant n’a pas disposé d’une possibilité réelle de demander l’effacement des données le concernant et que, dans une hypothèse telle que celle de l’espèce, la durée de vingt ans prévue est en pratique assimilable, sinon à une conservation indéfinie, du moins à une norme plutôt qu’à un maximum".

La Cour a en outre critiqué le fait que le mis en cause ne disposait pas d'un droit à un recours effectif contre la décision du procureur de la République.

C'est désormais chose faite depuis, puisque le Conseil d’État a récemment reconnu la possibilité d’exercer un recours pour excès de pouvoir contre les décisions du procureur en matière d’effacement ou de rectification, qui ont pour objet la tenue à jour du STIC.

Ce recours ne constitue pas une procédure judiciaire.

La Cour EDH constate que cette faculté n’était pas reconnue à l’époque des faits, le requérant s’étant vu notifier l’absence de toute voie de contestation ouverte contre la décision du procureur de la République de 2009.

La Cour EDH condamne la France au visa de l'article 8 de la CEDH, du fait de la violation du droit au respect de la vie privée : "Le régime de conservation des fiches dans le Stic, tel qu'il a été appliqué à M. Brunet, ne traduit pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu".

La Cour EDH se montre particulièrement soucieuse de protéger les données personnelles des citoyens européens, nécessitant a fortiori un controle renforcé lorsque l'autorité de traitement n'est autre que l'autorité judiciaire.

La Cour EDH confirme ainsi, que la protection des données personnelles participe du droit au respect de la vie privée et familiale, conventionnellement protégé et garanti par l'article 8 de la CEDH.

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A propos de l'auteur
Blog de Noé MARMONIER Avocat

Bienvenue sur mon blog juridique !

 

Noé MARMONIER 

 

Avocat au Barreau de Lyon

 

Master I de droit privé et sciences criminelles

 

Master II droit de l'entreprise spécialité droit de la propriété intellectuelle

 

Proximité, performance et approche business oriented sont mes valeurs

 

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