Dans cet arret du 08 octobre 2014, la chambre sociale a répondu à la question suivante :
Un employeur peut-il licencier un salarié pour des faits, dont il a eu connaissance par un dispositif de traitement automatisé de données, non déclaré auprès de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) ?
Sur le fondement de la loi n°78-17 du 06 janvier 1978, dite loi informatique et libertés, tout système de traitement automatisé de données permettant la surveillance des salariés d'une entreprise, par l'enregistrement de données personnelles, doit nécessairement faire l'objet d'une déclaration préalable à la CNIL.
Cette obligation déclarative incombe à l'employeur.
C'est notamment le cas, lorsque l'employeur décide d'instaurer un dispositif de controle informatique individualisé, sur chaque poste, permettant le controle des flux et contenus de messageries électroniques.
En outre, en vertu de l'article L 2323-32 du Code du travail, "le comité d'entreprise est informé et consulté préalablement à la décision de mise en œuvre dans l'entreprise sur les moyens techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés".
L'article L 1222-4 du Code du travail impose à l'employeur d'avertir préalablement le salarié de la mise en place d'un tel mode de surveillance.
Il est de jurisprudence constante que le non-respect par l'employeur de cette exigence est sanctionné par l'impossibilité de se prévaloir du refus du salarié de se conformer à ce dispositif (Cour de cassation, assemblée plénière, 07 janvier 2011, n°09-14677).
Les informations enregistrées par l'employeur à partir d'un dispositif non déclaré à la CNIL constituent des preuves illicites, sauf si la mise en place de ce système de surveillance est obligatoire sur le fondement de dispositions nationales ou européennes (Cour de cassation, chambre sociale, 14 janvier 2014, n° 12-16218).
En l'espèce, l'arret du 08 octobre 2014 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation prolonge la jurisprudence du 14 janvier 2014.
Il n'est pas question d'une absence de déclaration du dispositif de déclaration à la CNIL, mais d'un dépot tardif.
Le salarié avait en l'espèce envoyé un nombre considérable de mails personnels, 1200 en l'espace de deux mois.
L'employeur n'avait procédé à la déclaration auprès de la CNIL que quelques jours après la convocation du salarié à l'entretien préalable à un éventuel licenciement.
La Cour d'appel retient que la déclaration tardive à la CNIL est sans effet sur la licéité de la preuve.
La Cour de cassation casse, "constituent un moyen de preuve illicite les informations collectées par un système de traitement automatisé de données personnelles avant sa déclaration au CNIL".
La chambre sociale affine sa politique jurisprudentielle, et fonde expressément un mode de preuve illicite.
En conséquence, l'employeur ne saurait établir la preuve d'un fait fautif devant le juge prud'homal, du fait qu'il a lui meme failli à son obligation déclarative.
Cette jurisprudence est, pour le salarié, particulièrement protectrice de sa vie privée au sein de l'entreprise, confortant un véritable droit au respect de sa vie privée en entreprise, depuis le célèbre arret Nikon de 2001.
Pour l'employeur, cette jurisprudence l'enjoint à faire preuve d'une particulière rigueur dans le maniement des données personnelles relatives à ses salariés. La surveillance des salariés doit pouvoir s'exercer, certes, mais dans le respect d'un certain cadre dont l'employeur ne aucunement s'affranchir.
Le juge veille, la surveillance oui, mais pas à n'importe quel prix pour les données personnelles des salariés.