Les faits : Après la polémique de la Constitution “étrangère”, la question de « souveraineté » et de son « abandon » s’invite subitement au débat avec virulence. La Constitution de la RDC - comme la plupart d’autres - prévoit l’abandon partiel de la souveraineté de l’État en cas de conclusion d’accords d’intégration avec d’autres États africains.
Cela a toujours été ainsi mais depuis quelques semaines, ça fait débat et d’aucuns s’y fondent pour demander la révision constitutionnelle car la Constitution actuelle aurait été élaborée afin de faciliter la balkanisation du pays et il y aurait risque que des territoires soient cédés [sic]. Paraphrasant ainsi, Alain PELLET [2014], ils disent que « la souveraineté, c’est comme la virginité : on l’a ou on ne l’a pas ; mais on ne l’a pas ‘un peu’ ou ‘beaucoup’ ou ‘en partie’ ». Qu’en est-il au juste ?
En Droit : La notion d’« abandon partiel de souveraineté » est intégrée dans les constitutions africaines, y compris celle de la RDC, comme un moyen d’atteindre l’unité africaine. Cette clause constitutionnelle, bien que parfois ambiguë, a déjà été interprétée par des juridictions africaines pour clarifier la relation entre la souveraineté des États et leur participation aux organisations d’intégration.
Des décisions au Sénégal [Décision du conseil constitutionnel No 3/C/93 du 16/12/93] et au Bénin [Décision du conseil constitutionnel No DCC 19-94 du 30/06/94], ont établi que ces abandons de souveraineté ne constituent pas des violations des constitutions respectives, mais plutôt des limitations de compétences nécessaires pour l’engagement international et l’intégration régionale.
En RDC, outre la dimension coopérative qui se dégage de l’article 217 de la Constitution, celui-ci reprend une formule bien connue dans la Constitution du 24/06/67, à l’article 69 et également à l’article 77 de la Constitution du 15/08/74 qui est même devenu un fondamental de nos principes sans mettre en péril l’intégrité du pays. Il sied donc d’en comprendre la portée pour dissiper cette paranoïa car le problème semble résider sur la compréhension de la « souveraineté » qui demeure la compétence de la compétence.
Le fait d’exercer des compétences en commun, de les subordonner le cas échéant à des décisions internationales n’affecte en rien la souveraineté au sens propre, puisque ces décisions reposent toujours sur une acceptation préalable de l’État concerné. Ainsi, il ne faut pas voir dans la conclusion d’un traité un abandon de la souveraineté de l’État au sens figuré, mais tout au contraire un exercice de cette souveraineté.
Le cas le plus illustratif est celui de l’adhésion de la RDC au traité OHADA qui a une Cour Commune de Justice et d’Arbitrage compétente comme juridiction de cassation pour tous les États membres en droit des affaires uniquement et - à ce sujet - disons avec le Prof. Joseph Kazadi [2014] que la CSJ faisant office de juridiction constitutionnelle, en se fondant sur l’article 217 de la Constitution, avait soutenu, dans sa décision No R. CONST. 112/TSR du 5/02/2010, que les stipulations constitutionnelles incriminées devaient être analysées comme des clauses de transfert de compétences et de limitation de souveraineté des États membres au profit de l’OHADA.
Ainsi, en droit international, un abandon partiel de la souveraineté se produit lorsqu’un État accepte de limiter volontairement ses compétences sur certains sujets pour favoriser la coopération internationale. Cette cession de souveraineté vise à atteindre des objectifs communs, mais elle reste partielle, car les États conservent des compétences exclusives, notamment en matière de défense et de sécurité nationale.
Il n’y a donc pas de quoi alarmer le peuple avec des pseudo-théories complotistes, en voyant, dans l’ossature constitutionnelle du pays, on ne sait quelle concrétisation d’une prétendue balkanisation. Et même dans cette occurrence, s’agissant de la cession ou l’adjonction de territoire, l’article 214 exige que la question soit soumise au référendum comme garde-fou. Ne paniquons donc pas et occupons-nous de l’essentiel pour bâtir un Congo prospère et plus beau qu’avant !
Me Joseph YAV KATSHUNG