Les Faits : L’eau est une substance liquide des plus répandues sur la terre. Plus de 70 % de la surface du globe est recouverte d’eau. D’après la Banque Mondiale [2018], la RDC est le pays le plus riche en eau d’Afrique. Il représente environ 52 % des réserves d’eau de de l’Afrique et 23 % des ressources en eau renouvelables intérieures de l’Afrique.
Mais en dépit d’énormes potentialités énergétiques dont elle regorge, une bonne frange de sa population n’a pas accès à l’eau potable. Il suffit de se lever tôt le matin pour découvrir le calvaire : Des files des bidons jaunes ou jaunis par le temps et par les conditions de conservation, défilent dans nos rues en quête de cette denrée rare : l’eau ou si l’on a de la chance, l’eau « potable ». Tous sont présents, au rendez-vous et même les voisins de la Mairie ou du Gouvernorat de province ne sont pas épargnés. Que dire alors des populations qui vivent dans les cités lointaines ?
En Droit : L’eau, source essentielle de vie, reste un défi majeur pour une grande partie de la population en RDC. Bien que la Constitution garantisse le droit d’accès à l’eau potable à travers son article 48, la mise en œuvre concrète de ce droit est loin d’être effective. La législation, renforcée par la loi N° 15/026 de 2015 sur l’Eau, vise à offrir un cadre juridique moderne pour une gestion durable de cette ressource vitale. Cependant, le fossé entre les textes et la réalité demeure frappant, mettant en évidence le besoin d’une justice hydrique proactive. Malgré des ressources hydriques abondantes, la population congolaise fait face à une crise sans précédent. Les robinets restent souvent silencieux, laissant des milliers de ménages sans accès fiable à l’eau potable.
L’approvisionnement, lorsqu’il existe, se limite souvent à des heures nocturnes inconfortables. Dans les zones rurales, la situation est encore plus précaire, les habitants parcourant des kilomètres pour accéder à de l’eau souvent insalubre, amplifiant ainsi les risques de maladies hydriques.
La loi de 2015 apporte des mécanismes prometteurs pour pallier ces problématiques. Elle impose des normes strictes pour garantir la potabilité de l’eau et interdit la facturation forfaitaire, prônant un système basé sur la consommation réelle via des compteurs calibrés. Elle introduit également le droit d’ester en justice, permettant aux citoyens, organisations ou communautés locales de contester toute violation des droits liés à l’eau ou mauvaise gestion des services publics.
Néanmoins, ces avancées juridiques restent théoriques si elles ne sont pas accompagnées d’une justice accessible et efficace. La justiciabilité du droit à l’eau suppose une sensibilisation accrue des citoyens sur leurs droits, un renforcement des capacités des tribunaux, et une transparence dans la gestion des ressources et des infrastructures hydriques. Les défis structurels ne peuvent être ignorés. Pourtant, des initiatives locales, telles que l’installation de puits par des organismes privés ou ONG, montrent qu’une gestion équitable est possible. Ces efforts doivent être soutenus par des politiques publiques solides, favorisant une approche qui reconnaît l’eau non seulement comme une ressource économique, mais comme un bien social essentiel à la vie.
Ainsi, le « silence des robinets », symbole de l’incapacité à garantir l’accès à un droit fondamental comme l’eau, reflète en effet le « silence de la justice » face aux injustices ou négligences liées à ce même droit. Si les robinets se taisent, que la justice, elle, s’élève en faveur des droits des populations. Est-elle encore malade ?
Me Joseph YAV KATSHUNG