L'exécution provisoire est traditionnellement définie comme « un bénéfice qui permet au gagnant d'exécuter un jugement dès sa signification, malgré l'effet suspensif du délai des voies de recours ordinaires ou de leur exercice ». [GUINCHARD Serge, Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz, Paris, p. 892].
Toutefois, dans des cas exceptionnels, l’exécution des décisions de justice peut être suspendue. Mieux, l’exécution peut être suspendue lorsque l’exécution provisoire a été accordée de manière manifestement irrégulière et dans le cas d’espèce, c’est notamment lorsqu’elle a été accordée en violation des droits de la défense qui constitue un cas d’irrégularité manifeste fondant le juge d’appel à faire surseoir à l’exécution de la décision de justice.
1. Le respect des droits de la défense
Il est admis de longue date par une doctrine unanime que l’article 21 du Code de procédure civile n’interdit au juge d’appel de priver l’intimé du bénéfice de l’exécution provisoire que si celui-ci a été régulièrement accordé (A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, 1985, p. 606, n° 957).
Il ressort donc de cela que le juge d’appel ne pourra se prononcer que lorsqu’on fait observer à juste titre que l’exécution provisoire a été autorisée en violation d’un principe général du droit de la procédure, comme par exemple le principe dispositif ou celui commandant le respect des droits de la défense (G. DE LEVAL, Eléments de procédure civile, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 261, n° 181).[1]
La Cour de Cassation Française estime logiquement que le premier juge a violé les droits de la défense en faisant droit à cette demande expresse, contre laquelle les défendeurs n’ont eu l’occasion de se défendre (S. MOSSELMANS, note sous Cass., 1er avril 2004), T. Not., 2004, p. 595, n° 3).
C’est dans cette veine que la Doctrine sous la plume de BOULARBAH et ENGLEBERT,, renchérit qu’ il y a lieu de considérer qu’il n’y a pas eu de réel débat contradictoire possible sur la question de l’exécution provisoire en sorte que le premier juge qui y fait droit sans veiller à tout le moins à provoquer ce débat, en recueillant les observations des parties sur ce point à l’audience ou en ordonnant la réouverture des débats, viole les droits de la défense (BOULARBAH ( H.) et ENGLEBERT (J.), « Questions d’actualité en droit judiciaire », Actualités en droit judiciaire, sous la dir. de G. De Leval, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 129, n° 113).
2. Le risque de « conséquences manifestement excessives » de l’exécution provisoire
C’est ici que se loge l’essentiel du contentieux.
L’appréciation de la qualification des conséquences manifestement excessives de l’exécution provisoire relève du pouvoir d’appréciation souverain du juge d’appel. [Cass. 2e civ., 11 juill. 1977, no 76-14.094, Bull. civ. II, no 184 ]
Un arrêt très clair de la Cour de cassation rappelle que, pour être ordonnée, la décision de l’exécution provisoire doit être justifiée au regard du risque « d’entraîner pour la débitrice des conséquences manifestement excessives eu égard à ses facultés de paiement ou aux facultés de remboursement du créancier » [Cass, Civ, 2, 10 septembre 2009, 08-18683.].
De même, a été considérée comme ayant des conséquences manifestement excessives l’exécution provisoire d’une condamnation risquant d’entraîner un « grave retentissement » sur l’activité de la société condamnée, sa « cessation d’activité » [CA Paris 6 mars 1985 Bull. avoués 1985 n°94 p.63 ; CA Paris, pôle 1, ch.5, 9 février 2011 n°10/22982.] ou son « redressement judiciaire » [CA Douai, premier président, 8 mars 2012 ; CA Rouen, réf. 3 sept. 1991.].
L’arrêt de l’exécution provisoire a encore été ordonné en cas de « menaces sérieuses sur la pérennité de l’emploi des salariés » du débiteur, alors qu’ « à l’inverse, la santé financière du créancier, …., ne risquait pas d’être affectée par l’arrêt de l’exécution provisoire » [CA, Pau, 4 octobre 20
[1] A l’instar du jugement annoté, cette solution est très largement appliquée par la jurisprudence (voy. pour les références les plus récentes, Liège, 27 mars 1997, J.T., 1998, p. 1616 (somm.); Anvers, 24 mars 1998, Limb. Rechtsl., 1998, p. 212, note H. VAN GOMPEL; Bruxelles, 10 mars 2000, J.L.M.B., 2000, p. 1166; Bruxelles, 30 octobre 2001, R.D.J.P., 2002, p. 47, note K. WAGNER; Liège, 28 mars 2002, J.T., 2002, p. 734; Bruxelles, 24 janvier 2003, J.T., 2003, p. 272; Liège, 5 février 2004, J.T.,
2004, p. 643).