Les Faits : Face au spectacle d’un malheureux souffrant au loin, que peut faire un spectateur, condamné - au moins dans l’immédiat-, à l’inaction mais moralement bien disposé ? Il peut s’en indigner […] Mais à distance et, par conséquent, hors de tout contact physique, cette violence est condamnée à demeurer langagière. L’acte de parole qui la manifeste est une accusation. [Boltanski Luc, 1993].
Oui, accusons les actes relevés dans cet audio devenu viral qui peint la situation d’un avocat à Kamina en conversation avec un juge sur le partage des fruits de la corruption avec son chef. Cet audio met en lumière le fléau préoccupant de la corruption, qui peut ronger tous les secteurs de la société, y compris celui judicaire. Mais lorsque des avocats se livrent à des actes de corruption, cela compromet non seulement l’intégrité de la profession, mais aussi la confiance du public envers les avocats. Sans confiance, il devient difficile pour les justiciables de croire en l’équité et la justice du système judiciaire.
En Droit : La RDC dispose d’un cadre juridique pour prévenir, dissuader, poursuivre et punir la corruption dans tous les domaines, et pourtant ces lois n’ont pas endigué la corruption. La Constitution garantit l’indépendance du pouvoir judiciaire et interdit la corruption et le détournement des deniers publics. Il existe aussi la loi portant statut des magistrats et un Code de conduite de l’agent public de l’État [Décret-loi n°017/2002 du 3 octobre 2002]. La principale législation criminalisant la corruption en RDC est la loi n°05-006 du 29 mars 2005 modifiant et complétant le Code pénal, qui couvre la plupart des formes de corruption des agents publics, des agents du secteur privé ou toutes autres personnes, y compris l’abus de pouvoir [voir notamment la section VII, articles 147-150] ainsi que la loi N°22/068 du 27 décembre 2022 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
La corruption par les avocats peut prendre différentes formes, notamment celle active telle que les pots-de-vin et l’influence indue, ainsi que la corruption passive, telle que le détournement de fonds et les conflits d’intérêts. Malheureusement certains se spécialisent dans l’élaboration de montages ingénieux et complexes en vue de développer des dissimulations de corruption et de blanchiment. En réalité, ces « avocats » ne sont pas vraiment des avocats, mais des délinquants. Ils ne sont avocats que parce qu’ils font du droit. Ces pratiques compromettent l’intégrité et la confiance dans la profession et a des conséquences graves sur le système judiciaire et les justiciables. De plus, elle entraîne des inégalités devant la justice, violer les droits fondamentaux et favoriser l’impunité des criminels.
Étant donné son rôle traditionnel, entant que défenseur de la justice et représentant du client, la gravité de son incrimination et de son implication dans des activités corruptrices est néfaste pour lui, pour le barreau et la réputation de la profession d’avocat plus généralement. Relativement à cet audio, c’est très grave que des Avocats puissent à ce niveau faire ces genres de déclaration - dans les réseaux sociaux - en se présentant même. Ils s’exposent aux infractions de corruption, concussion et même plus grave aux actes d’indélicatesse, de probité morale qui risquent de les conduire non seulement aux condamnations pénales mais aussi à leur radiation. Quelle indélicatesse de leur part et quel opprobre pour tout le corps ! Ainsi, les barreaux jouent un rôle crucial dans la supervision éthique des avocats. Il sied toutefois que des mécanismes de contrôle et de sanction soient renforcés pour s’assurer que les avocats respectent les plus hauts standards d’intégrité dans leur pratique, car en fait, ils sont – par essence - des sentinelles naturelles contre les pratiques corruptives. Enlevons donc la poutre dans nos yeux !
Me Joseph YAV KATSHUNG