I. LIMINAIRES
Le principe de la mobilité de toutes les choses (panta rei, tout change) d’Héraclite est bien affirmé en droit car la loi est toujours dynamique, dit-on !
En République Démocratique du Congo, la Loi n° 16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la Loi n° 015-2002 portant code du travail a été publiée au Journal officiel, numéro spécial, du 29 juillet 2016 et est entrée en vigueur trente jours après cette publication, soit à partir du 30 Août 2016.
Sur les 334 articles que compte le droit du travail en RDC, 15 articles ont subi des modifications à savoir les articles 1er, 6, 7, 62, 119, 121, 125, 129, 190, 216, 217, 218, 219, 241 et 321 avec ajout de deux articles 61 bis et 61 ter.
Au titre des modifications, il y a lieu de retenir notamment :
• La fixation de la capacité de contracter à 18 ans ;
• La consécration de la rupture du travail de commun accord ;
• La fixation de la durée légale de travail à huit heures par jour ;
• La possibilité pour la femme d’effectuer un travail de nuit ;
• La possibilité pour la femme enceinte de suspendre son contrat de travail sans que cela ne soit considéré comme une cause de résiliation ;
• La possibilité pour un étranger, ayant rempli certaines conditions, d’être désigné à la direction d’un syndicat ;
• L’exclusion du statut sérologique au VIH comme motif de licenciement.
Le présent article donne un aperçu des importantes innovations de la loi en matière du travail en RDC.
II. DES PRINCIPALES INNOVATIONS DE LA LOI DU TRAVAIL EN RDC
En substance, la nouvelle loi apporte les innovations importantes suivantes:
➢ 2.1. La fixation de la capacité de contracter à 18 ans
Par souci de se mettre en règle avec la Loi sur l'enseignement, le législateur fixe la capacité de contracter à 18 ans au lieu de 16 ans. Toutefois, une personne âgée de 15 ans ne peut être engagée ou maintenue en service, même comme apprenti, que moyennant dérogation expresse du Président du Tribunal de paix, après avis psycho-médical d'un expert et de l'Inspecteur du Travail.
Désormais, l'autorisation de l'Autorité parentale ou tutélaire n'est plus de mise. Aussi, le contrôle de l'âge du travailleur ne se fait plus selon les modalités fixées dans l'Arrêté du Ministre ayant le Travail et la Prévoyance sociale dans ses attributions mais plutôt selon les modalités fixées à l'article 119 de la loi n° 87-010 du 1er Août 1987 portant Code de la famille.
➢ 2.2. La consécration de la rupture du travail de commun accord
La deuxième innovation apportée au Code du travail est l'ajout d'un troisième mode de rupture du contrat de travail. Le législateur consacre, à l'article 61 bis, la rupture du travail de commun accord des parties.
En effet, le contrat de travail qui ne pouvait être résilié que soit à l'initiative de l'employeur pour un motif valable lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur sur les lieux de travail dans l'exercice de ses fonctions, soit à l'initiative du travailleur (démission) notamment pour faute lourde de l'Employeur, peut être désormais résilié d'un commun accord des parties (Travailleur et Employeur). Il s'agit d'une innovation importante qui consacre le principe de la séparation à l'amiable. Ce mode de rupture du contrat sécurise chaque partie et évite la naissance du conflit individuel du travail.
➢ 2.3. La fixation de la durée légale de travail à huit heures par jour
La nouvelle loi fixe la durée légale de travail à huit heures par jour au lieu de neuf heures comme auparavant.
En effet, aux termes de l'article 119 du Code du travail, dans tous les établissements publics ou privés, même d'enseignement ou de bienfaisance, la durée légale du travail des employés ou ouvriers de l'un ou de l'autre sexe, quelle que soit la forme dans laquelle est exécuté le travail, ne peut excéder quarante-cinq heures par semaine et huit heures par jour.
Par conséquent, le repos hebdomadaire d'un travailleur est réduit à un minimum de 24 heures au lieu de 48 heures consécutives; le samedi étant désormais un jour de travail.
En effet, les entreprises sont appelées à modifier leurs horaires de travail pour les conformer aux nouvelles dispositions des articles 119 et 121 du Code du travail. Concrètement, il est autorisé de travailler du lundi au vendredi pendant 8 heures et le samedi pendant cinq heures.
➢ 2.4. La possibilité pour la femme d’effectuer un travail de nuit
La possibilité à une femme d'effectuer un travail de nuit est garantie, c'est-à-dire le travail qui commence à 18 heures et se termine à 6 heures du matin. Cette innovation est une conséquence du principe d'égalité du traitement des travailleurs; la femme n'étant plus à considérer comme un sexe faible ou fragile.
L'article 11 de la Constitution de la RDC ne dispose-t-il pas que : " Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits...".
➢ 2.5. La possibilité pour la femme enceinte de suspendre son contrat de travail sans que cela ne soit considéré comme une cause de résiliation
Aux termes de l'ancien article 129 du Code du travail, une femme enceinte dont l'état était constaté médicalement, pouvait résilier son contrat de travail sans préavis et sans avoir, de ce fait, à payer une indemnité de rupture de contrat.
L'innovation apportée à cette disposition consiste à reconnaitre, à toute femme enceinte dont l'état entraine des risques pour sa santé, dûment constaté par le médecin, le droit:
• Soit de suspendre son contrat de travail conformément à l'article 57 du Code de travail, sans que cette interruption de service puisse être considérée comme une cause de résiliation du contrat;
• Soit de résilier ledit contrat sans préavis et sans avoir, de ce fait, à payer une indemnité de rupture de contrat.
La nouvelle disposition rend ainsi plus difficile la condition de rupture ou de suspension du contrat de travail, car elle introduit une conditionnalité se rapportant au « facteur grossesse à risque constatée médicalement » alors qu’auparavant toute grossesse ouvrait la voie à une rupture unilatérale. Aussi, cette innovation ne laisse-t-elle aucune marge des manœuvres à l’employeur pour prendre une décision quelconque à l’encontre de la femme travailleur qui, du fait de son état de grossesse à risque, n’est plus en mesure de rendre efficacement ses services.
➢ 2.6. La possibilité pour un étranger, ayant rempli certaines conditions, d’être désigné à la direction d’un syndicat
En effet, la Loi offre désormais la possibilité pour un étranger, ayant rempli certaines conditions énumérées à l'article 241, d'être désigné à la direction d'un syndicat. Ces conditions sont les suivantes:
• Etre âgé de 21 ans au moins;
• Avoir travaillé en RDC pendant au moins 20 ans sans interruption sous le régime du Code du travail;
• La Loi de son pays d'origine reconnait le même droit aux congolais (réserve de réciprocité).
➢ 2.7. L’exclusion du statut sérologique au VIH comme motif de licenciement.
Cette innovation est liée à la santé du travailleur. En effet, aux termes de l'article 62 du Code du travail tel que modifié et complété à ce jour, le statut sérologique au VIH avéré ou présumé ne constitue pas un motif valable de licenciement.
Ainsi, le législateur a tenu à le préciser compte tenu de plusieurs cas de conflits individuels du travail consécutifs à la rupture du contrat de travail, à l'initiative de l'Employeur, pour motif lié à l'état sérologique du travailleur.