Les Faits : Le gouvernement camerounais a interdit toute discussion publique concernant la santé du président Paul Biya, âgé de 91 ans. Cette décision survient alors que des rumeurs circulent sur sa capacité à diriger le pays après plusieurs décennies au pouvoir. Les autorités avertissent que toute spéculation ou débat public sur l’état de santé du président sera réprimé. Cette mesure reflète la sensibilité politique autour de la succession de Biya, en poste depuis 1982.
Cette situation n’est pas propre au Cameroun et peut bien s’appliquer en RDC car, entre mars et avril 2024, le Président avait disparu des radars congolais et également en août 2024, des rumeurs sur la santé du Président avaient circulé avant la commémoration du « Genocost » et le gouvernement avait tenté de clarifier les faits et de mettre fin aux spéculations - mais cela ne suffit pas à les désamorcer jusqu’à son retour au pays- comme pour dire « transparence et santé des Présidents ne vont pas toujours de pair ».
En Droit : A l’image du Cameroun, plusieurs pays africains sont aujourd’hui plongés dans un non-dit sur l’état de santé de leurs dirigeants dont ils sont restés longtemps sans nouvelles. Mais là où le bât blesse c’est lorsque ces « absences médicales » sont teintées par une dénégation et une interdiction d’en débattre. Le sujet est certes sensible, à la frontière entre vie publique et vie privée, entre droit à l’information et respect du secret médical. Il est – toutefois - normal que les citoyens soient informés, dans des proportions raisonnables, de la santé du Président, qui doit avoir la capacité de remplir sa charge.
En effet, un bon état de santé est une condition sine qua non pour la validité des candidatures et pour le maintien au poste de président. Un mauvais état de santé ou l’annonce d’une fin probable peut donc affaiblir l’autorité du président et faire courir les proches vers d’autres bords politiques. Très souvent, face aux inquiétudes de la population, il n’y a que l’omerta, ou des communiqués sur des opérations bénignes et des contrôles de routine. Les preuves d’un bon état de santé physique sont rarement apportées.
Le président est-il obligé de rendre public son état de santé ? En principe, non, aucune loi ne le prévoit. En RDC, la Constitution n’évoque pas davantage un quelconque devoir de transparence du chef de l’État sur sa santé. Elle prévoit simplement que s’il est « empêché », pour des raisons médicales ou autres, la plupart de ses fonctions sont confiées provisoirement au président du Sénat. [Article 75 de la Constitution]. Mais qui détermine ce cas de « vacance » du pouvoir et comment l’évaluer ? L’article 76 de la Constitution renseigne que, c’est le gouvernement qui saisit la Cour constitutionnelle, lequel doit jauger la situation, à la majorité de ses membres. Délicat dès le départ, puisque le gouvernement est lui-même nommé par le président.
Le Président par intérim veille à l’organisation de l’élection du nouveau Président. En cas de vacance ou lorsque l’empêchement est déclaré définitif par la Cour constitutionnelle, l’élection du nouveau président de la République a lieu, sur convocation de la CENI. Nous pensons qu’il faille constitutionnaliser l’obligation de rapport d’état de santé périodique du président. C’est ainsi que la limitation des mandats a tout son sens car, permet d’éviter l’usure de la santé du président.
Pour autant, en concédant que le président est une personne comme tout le monde avant d’être un personnage public, la nécessité d’une transparence sur son état de santé s’impose dès lors que la stabilité du pays et la conduite des affaires publiques découlent de son bien-être physique et psychique. Pour un président qui gouverne, durant son indisponibilité, des actes ne sont pas signés ce qui peut mettre en péril le pays.
Il s’agit donc de trouver le juste milieu entre l’omerta classique et le devoir d’informer pour faire reculer la psychose et maintenir la confiance. Lorsqu’on cache quelque chose au peuple, il pense à juste titre qu’on lui cache tout. La transparence sur la santé du président représente une grave question démocratique. Elle doit être prise en considération dans le débat public. Pas de menaces, chers « Jupiters » !
Me Joseph YAV KATSHUNG