Les faits : C’est le 14/12/1990, à New York, que l’Assemblée générale de l’ONU avait voté une résolution qui légitimait le « droit d’ingérence humanitaire », autrement dit la possibilité pour des États de secourir des populations menacées par leurs propres gouvernants, avec l’accord des Nations Unies et au besoin par les armes. « Le temps de la souveraineté absolue et excessive est révolu », lançait avec emphase le Secrétaire Général de l’ONU, Boutros Boutros Ghali. 34 ans après, quelle est la situation sur terrain ? La notion de souveraineté s’est-elle réellement muée en plus de responsabilité ?
En Droit : Face à des situations de violations des droits humains dans des États qui revendiquent l’immunité contre toute intervention en se fondant sur des principes de souveraineté nationale, quelle devrait être la réponse de la communauté internationale ? Cette question, qui a été au cœur du débat pendant la majeure partie des années 1990, n’a pas disparu. Et dans la pratique, elle continue de nous hanter au regard des situations de conflit en RDC et ailleurs où des millions de personnes sont mortes ou ont été déplacées. La quête de protéger les citoyens contre la violence de masse et le génocide a dynamisé le débat sur la souveraineté des États et ses responsabilités.
Ainsi, lorsqu’un pays ne parvient pas à assurer la sécurité de sa population, la communauté internationale se demande quand et comment intervenir. Comme le préconise la Responsabilité de protéger [R2P], on entend de plus en plus souvent parler d’une souveraineté responsable et d’une intervention lorsque des vies sont en jeu. Les nations ont approuvé le concept de base de la « R2P » lors du Sommet mondial de l’ONU en 2005. Mais la réalité sur le terrain en Afrique, qui fournit certains des arguments les plus convaincants en faveur de l’action, montre que la tendance à l’intervention – en particulier militaire – pour des motifs humanitaires et autres n’est pas accueillie favorablement par tous. Le caractère ad hoc et parfois apparemment arbitraire des interventions qui ont eu lieu dans le passé est source d’inquiétude, et les enjeux du débat sur l’intervention sont donc extrêmement élevés, en particulier pour l’Afrique. Ainsi, le concept de R2P peine à se concrétiser.
Pourtant, la souveraineté ne peut être considérée uniquement comme une protection contre les interférences extérieures. Elle implique également des responsabilités autant que des droits et revêt en effet une triple signification : Tout d’abord que les autorités de l’État sont responsables de la protection de la sécurité et de la vie des citoyens et de la promotion de leur bien-être. Ensuite, les autorités nationales sont responsables devant les citoyens sur le plan interne et devant la communauté internationale. Enfin, les agents de l’État sont responsables de leurs actes, c’est-à-dire qu’ils doivent rendre compte de leurs actes et de leurs omissions. Dans cette optique, la souveraineté devient tout à la fois fondatrice, créatrice et justificatrice du pouvoir. Hélas, lorsqu’au nom de la souveraineté, certains dirigeants oppriment ou ne protègent leurs populations, la notion doit être revisitée.
Me Joseph YAV KATSHUNG
Tiré de : Yav, Joseph, When Reality Contradicts Rhetoric : Civilians Protection in the DR Congo, https://ssrn.com/abstract=1517765