Les faits : Tel un Safari Judiciaire, l’affaire débute par une contestation de candidature en matière électorale, où Sieur X s’oppose à l’arrêt rendu par une Cour d’appel. Après un échec devant cette juridiction, il saisit le Conseil d'État en référé-suspension, recours rejeté pour incompétence. Finalement, une requête en prise à partie est déposée contre les magistrats de la cour d’appel, exigeant l’annulation de l’arrêt et des dommages-intérêts. Ce parcours procédural révèle une tentative de contournement des règles de compétence, caractéristique du forum shopping.
En Droit : L’article 387 de la loi organique n°16/027 du 15 octobre 2016 encadre la prise à partie des magistrats des juridictions administratives en ces termes : « Tout Magistrat de l’ordre administratif peut être pris à partie dans les cas suivant : - S’il y a dol ou concussion commis soit dans le cours de l’instruction, soit lors de la décision rendue ; - S’il y a déni de justice. » Toutefois, l’article 26 de la même loi limite cette compétence aux magistrats spécifiquement désignés comme appartenant à l’ordre administratif en ces termes : « Sont magistrats des juridictions de l’ordre administratif : - Le Premier Président, les Présidents et les Conseillers du Conseil d’État, le Premier Président, les Présidents et les Conseillers des Cours administratives d’appel ainsi que les Présidents et les juges des Tribunaux administratifs ; ils sont magistrats du siège ; - Le Procureur général, les Premiers avocats généraux, les Avocats généraux près le Conseil d’État ; les Procureurs généraux, les Avocats généraux et les Substituts du Procureur général près les Cours administratives d’appel ainsi que les Procureurs de la République, les Premiers substituts et les Substituts du Procureur de la République près les Tribunaux administratifs ; ils sont magistrats du Ministère public. Tous sont régis par les statuts des magistrats. »
De l’analyse des dispositions combinées ci-dessus, il ressort que le Conseil d’État est compétent de connaître de la prise à partie introduite seulement contre les magistrats des juridictions de l’ordre administratif. Ainsi, les magistrats de la Cour d’appel incriminés, bien qu’ayant statué sur des matières administratives, relèvent de l’ordre judiciaire en vertu de l’article 154 de la loi n°13/011-B du 11 avril 2013. Cette disposition attribue temporairement aux juridictions judiciaires certaines compétences administratives, en attendant l’installation complète des juridictions administratives prévues par la Constitution. Leur compétence en la matière est temporaire et exceptionnelle. Dès lors, leur assujettissement à la juridiction du Conseil d’État dans une procédure de prise à partie constitue une violation de l’article 19 de la Constitution, qui garantit à chaque justiciable le droit d’être jugé par un tribunal compétent. En conséquence, le Conseil d’État est juridiquement incompétent pour statuer sur une prise à partie concernant des juges de l’ordre judiciaire.
Cette affaire met donc en lumière, les défis posés par l’application provisoire des compétences administratives aux juridictions judiciaires en RDC. Elle soulève des questions importantes sur la nécessité d’établir pleinement les juridictions administratives pour garantir une justice équitable et efficace.
Me Joseph YAV KATSHUNG