Les faits : Un avocat doit, comme tout professionnel libéral prestataire de services, tenir une comptabilité « régulière ». Cette dernière n’est pas seulement une obligation légale pour les cabinets d’avocats, mais aussi un outil stratégique crucial pour assurer une gestion efficace, transparente et conforme. En tant que professionnels libéraux, les avocats, sont soumis à des obligations comptables spécifiques qui varient en fonction de leur statut juridique soit à titre individuel, soit en qualité de collaborateur ou d’associé d’un avocat ou d’un groupe d’avocats et du régime fiscal auquel ils sont soumis.
En Droit : La comptabilité des avocats est un domaine essentiel et complexe qui nécessite une attention particulière, tant sur le plan légal que déontologique. En RDC, c’est l’ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau, qui souligne en ses articles 82 à 84 que les avocats sont tenus de retracer au fur et à mesure dans les documents comptables … toutes les opérations d’ordre pécuniaire auxquelles ils procèdent. Ces documents sont destinés, notamment, à constater les versements de fonds et remises d’effets ou valeurs qui leur sont faits au titre de leurs opérations professionnelles ainsi que les opérations portant sur ces versements ou remises...
En sus l’article 65 du Règlement Intérieur- Cadre des Barreaux congolais rappelle que « … chaque avocat ou chaque association d’avocat doit tenir une comptabilité comportant au moins les documents suivants : un livre-journal ; une comptabilité clients des fonds reçus ; une comptabilité clients des valeurs et effets reçus… » « …L’avocat qui, … ne serait pas en mesure de présenter une comptabilité régulière de son cabinet ou de l’association, sera en tout état de cause poursuivi et condamné disciplinairement, sans préjudice de suites civiles de son comportement… » Mais la pratique révèle que cette obligation est loin d’être suivie par les avocats mais jusqu’à quand ?
Depuis la loi N°22/068 du 27 décembre 2022 sur la Lutte Anti-Blanchiment en RDC, il est impérieux pour les avocats de prendre conscience car le respect de l’obligation de tenir une comptabilité peut faire l’objet d’un contrôle aux fins de s’assurer du respect des règles en matière de maniement de fonds, de blanchiment mais encore des principes essentiels de la profession, notamment d’honneur et de probité. L’exercice de la profession peut exposer l’avocat et/ou son cabinet, au risque de voir ses services être utilisés à des fins illégitimes, surtout lorsqu’ils participent à des opérations de blanchiment d’argent telles que : l’achat de biens immobiliers, la constitution de sociétés-écrans ou de fiducies, le dépôt des sommes douteuses, la fabrication de faux documents, l’inscription d’actifs à leur propre nom ou à celui de prête-noms, la souscription de prêts, le transfert de fonds vers des paradis financiers, la vente de biens au profit d’autrui, etc. Ainsi, l’avocat est tenu de présenter sa comptabilité à toute demande du Bâtonnier ou de son délégataire et de répondre à toute interrogation sur ce sujet.
Cette exigence devient d’autant plus importante depuis l’entrée en vigueur du nouvel Acte Uniforme relatif au Système Comptable des Entités à But Non Lucratif [SYCEBNL], le 1er janvier 2024. Ainsi, les avocats entant qu’ordre professionnel défini comme organisme de caractère corporatif institué par une loi et regroupant obligatoirement les membres de certaines professions libérales qui exercent outre une fonction de représentation mais aussi une mission de service public consistant dans la règlementation de la profession et dans la juridiction disciplinaire sur ses membres ont l’obligation de se conformer aux dispositions de ce nouveau SYCEBNL.
Les avocats devront – désormais - légalement produire à la fin de chaque année, les états financiers Pour cela, ils devront intervenir des auditeurs pour que les états financiers soient certifiés. Ne pas le faire les expose à des sanctions. Attention donc, la comptabilité des avocats est désormais encadrée par des règles strictes et les Barreaux doivent lever les pas !
Me Joseph YAV KATSHUNG