Les faits : L’Afrique est le berceau de l’humanité, dit-on. Depuis un certain temps, elle semble être le berceau des tripatouillages constitutionnels. Les constitutions érigent des barrières à ne pas franchir mais, le constat est tout autre car, l’on marche sur ces interdits au nom de la « volonté du peuple » voire du droit. Reste-t-il aujourd’hui encore quelque chose à dire ?
L’ampleur des écrits, débats et commentaires qu’elle suscite, semble devoir conduire à une réponse négative. Et pourtant, en RDC, une frange d’acteurs politiques « proches du pouvoir » ne recule pas dans sa démarche vers la révision de la Constitution. Pour elle, la Constitution qualifiée « d’étrangère » [sic], a démontré ses limites et il est temps pour les Congolais, de réfléchir à un nouveau texte débarrassé des lacunes. A l’opposition, on s’interroge sur les motivations d’une éventuelle révision de la Constitution. Ils voient plutôt dans cette démarche, une volonté de s’éterniser au pouvoir et n’acceptent pas cela. En revanche, certains analystes encouragent la révision de la Constitution par une commission d’experts nationaux. Mais, le dernier mot disent-ils, devrait revenir au peuple : « d’abord » ou « d’à bord » ?
En Droit : 18 ans après sa promulgation, il semble que la loi fondamentale s’est affranchie de tous les tabous. Ceux qui pensaient qu’elle ne pouvait être approchée qu’avec une extrême prudence doivent aujourd’hui ne pas en revenir : « Il ne faut toucher aux lois que la main tremblante », ordonnait Montesquieu. « Il faut une loi fondamentale plus accessible, plus moderne », lui rétorquent aujourd’hui les partisans compulsifs de la révision.
Mais le Prof. Philippe Ségur [2022] nous interpelle en disant : « Lorsque la modification du texte se banalise, celui-ci se voit instrumentalisé par les gouvernants qui en appellent à sa révision dès qu'un problème politique surgit. Ayant perdu une large part de leur pouvoir d’action sur la réalité politique, économique et sociale [ajoutons aussi sécuritaire], les dirigeants se réfugient dans le réformisme juridique ». Mais en toute franchise, il n’est pas vrai d’affirmer que la Constitution de la RDC est immuable. NON car, en réalité, son immutabilité n’est que partielle dans la mesure où elle ne concerne que les matières exclues de la révision à l’article 220. Le reste des matières peut parfaitement faire l’objet d’une révision constitutionnelle et l’initiative de la révision est réglée à l’article 218 al.1er. [Président, gouvernement, congrès et fraction du peuple].
C’est principalement à travers le parlement et la population que les stratagèmes se penchent comme l’image des violeurs qui cherchent à épouser leurs victimes afin d’échapper à la répression. Soulignons toutefois que le peuple ne peut être induit, à commettre une fraude à la Constitution, par le biais du référendum ; surtout si l’on sait qu’il se fera à l’aide des machines à voter ou « à voler », c’est selon, au regard de l’ampleur de détention desdites machines par des particuliers et dans leurs maisons. Le résultat est connu d’avance !
Le Congrès ne peut également être valablement et éthiquement mis à profit pour en prendre l’initiative, à travers une proposition de révision de la constitution bien que disposant d’une majorité godillot pour faciliter la tâche. De plus en plus, l’on parle même d’une 4 eme République avec la préférence de faire adopter une nouvelle constitution, par le biais d’un référendum factice. C’est de la forfaiture qui risque de nous couter cher entant que nation en équilibre instable.
Faut-il conclure ? Sauf rappeler que la Constitution interdit de la réviser dans certaines circonstances et ce, pendant les périodes particulièrement délicates de la vie de l’État. Le but de ces limitations est d’éviter toute révision sous la pression des évènements.
D’où la question de l’opportunité lorsqu’elle est faite in tempore suspecto alors qu’il est porté atteinte à l'intégrité du territoire ou pendant les états exceptionnels comme en temps de guerre ou lorsque l’état d’urgence, ou l’état de siège est en vigueur [art 219].
Ces interdictions ont pour objet d’éviter les révisions constitutionnelles dans une phase où les conditions de légalité démocratique sont fragiles. Qu’est ce qui presse pour chercher à violer à tout prix l’interdiction Constitutionnelle ? C’est suspect !
Me Joseph YAV KATSHUNG