Les faits : En réponse à une série de crimes violents caractérisés par l’utilisation des machettes ; des motos et des voitures comme moyens de déplacement ainsi que leurs vols ; d’armes à feu pour couvrir les agressions, terroriser la population, violer, kidnapper et tuer et déplacement des corps sans vie du lieu du crime vers des endroits éloignés, le Gouverneur du Haut Katanga a consulté en date du 15 janvier 2025, le ministre de l’Intérieur pour instaurer un couvre-feu de 23h00 à 5h00.
Voilà qu’en date du 20 janvier, tombe l’Arrêté Provincial N° 2025/0013/HAUT-KATANGA instituant le couvre-feu à Lubumbashi et Likasi pour un mois, cette fois-là de minuit à 5h00. Tandis que la Mairie de Lubumbashi prétendant appliquer l’arrêté provincial, fixe le même jour, l’horaire du couvre-feu de 23h à 5h par communiqué No001/BUR-MAIRE/VILLE/L’SHI/2025. Que retenir de tout ça, sinon craindre que cette cacophonie autour des heures du couvre-feu et de son contour ne puisse insécuriser davantage les paisibles citoyens qui ne savent plus à quel saint se vouer.
En Droit : La RDC a intensifié ses efforts pour lutter contre la criminalité urbaine avec l’opération « Zéro Kuluna – Ndobo » à Kinshasa, menant à l'arrestation et condamnation de nombreux membres de gangs, certains à mort. C’est du « tout répressif », qui traduit l’exaspération face à l’incapacité de l’autorité publique à jouer son rôle.
Cette approche répressive soulève des questions sur son efficacité à long terme. Des études montrent que la peine de mort n’a pas nécessairement un effet dissuasif sur la criminalité. Mais que faire face à son ampleur et qui a des répercussions délétères sur la qualité de vie des habitants ? En réalité, ces faits portent atteinte à l’autorité de l’État dans la mesure où l’accentuation de la criminalité remet en question la capacité de l’instance étatique à défendre les citoyens, laquelle est la base du pacte social, sa promesse. L’État devrait donc apporter une réponse nette au problème de la criminalité pour sa crédibilité. C’est l’objet de cet arrêté provincial mais comment le faire sans nous insécuriser davantage ?
Le couvre-feu a été pensé comme une des mesures de prévention de la criminalité mais quelles sont les garanties de sa bonne exécution si nous savons que des barrières érigées sur les artères sont soit des passoirs des criminels soit des lieux de racket et rançonnage des paisibles citoyens par ceux la même qui sont censés les sécuriser. Comme si cela ne suffisait pas, la contradiction voire la disparité entre les heures d’application du couvre-feu dans l’arrêté et dans le communiqué n’est pas de nature à sécuriser les habitants. Le champ même de cette mesure est problématique car, l’article 2 in fine de l’Arrêté dispose qu’« Aucune circulation ne sera autorisée durant cette période, aux heures sus indiquées. » C’est à- dire en érigeant le couvre -feu qui est une atteinte à la liberté de circulation garantie par la constitution, l’on ne laisse même pas la possibilité des dérogations pour le travail de nuit, les urgences médicales, les passagers de nos « Air Peut-Être » nocturnes ou matinaux, etc…
La Mairie qui prétend se conformer audit arrêté va même plus loin en ajoutant que « les motards ne sont autorisés à exercer leurs activités que de 6h00 à 20h30 ». C’est simplement un excès de zèle car l’arrêté qui s’applique à tous, ne le dit pas !
Ainsi, combattre l’insécurité OUI, mais nous insécuriser davantage NON !
Me Joseph YAV KATSHUNG