Les faits : Le Président de la République a signé le lundi 12 août 2024, une ordonnance créant un nouveau département au sein de l’ANR, baptisé « Département d'Intelligence Économique et Financière » en sigle « DIEF ». Depuis, les supputations vont bon train au regard des méthodes de cette agence et qui ont nécessité une clarification pour éviter un télescopage avec d’autres services susceptibles d’effriter l’État de Droit et impacter négativement sur le climat des affaires. Est-ce suffisant pour rassurer ?
En Droit : L’ANR fut créée par le Décret-Loi n° 003-2003 du 11 janvier 2003 et continue à faire l’objet de vives critiques en RDC. Lors de son investiture, le 24 janvier 2019, le Président Tshisekedi s’était engagé à changer l’image de ce service de sécurité en le mettant au service du peuple. Est-ce le cas aujourd’hui ? Ça c’est un autre débat !
Dans tous les cas, l’ANR est un service public de l’État placé sous son autorité et il l’a plu, de prendre l’Ordonnance n° 24/073 du 09 août 2024 portant création du DIEF au sein de ANR qui a pour mission : la recherche, l’investigation, la collecte, l’exploitation, l’interprétation et la diffusion des renseignements économiques, financiers, numériques et technologiques, tant au niveau national qu'international. Il est également chargé de la surveillance des secteurs stratégiques tels que l’énergie, les télécommunications, les nouvelles technologies de l'information et le cyberespace, ainsi que du contrôle de la gestion des deniers publics.
Ceci conduit à élargir le concept de sécurité nationale au-delà de la défense pour y inclure les éléments commerciaux et financiers constitutifs de la prospérité économique. La création de ce département continue tout de même de susciter son lot de tensions et de valses - hésitations dans l’opinion, surtout des affaires avec la crainte de télescopage et des tracasseries.
C’est ainsi que pour permettre une exécution sans équivoque du texte portant création du DIEF, le Directeur de Cabinet du Président de la République a, par son courrier n° 2107/08/2024 du 19 août 2024 adressé à l’AG de l’ANR, apporté les clarifications sur l’étendue de ses missions et compétences dont entre autres : Le DIEF ne se substitue pas aux autres services existants, dont les attributions sont fixées par différents textes. … Les interventions de ce Département se fondent essentiellement sur des raisons sécuritaires et se dérouleront de manière à ne pas énerver l’environnement des affaires en RDC et à éviter toute collision avec les structures telles que l’IGF ; la DGDA ; la DGI ; la DGRAD ; la CENAREF ; etc.
Espérons que cette clarification sera efficace sur le terrain et que ce nouveau département ne viendra pas plomber le climat des affaires en instituant des tracasseries de tout genre. En somme, quelle est la nature juridique voire la valeur juridique de la lettre de clarification du DIRCAB du Président de la République ? Pourquoi n’avoir pas pris le soin d’expliciter ces missions dans l’ordonnance qui créé le DIEF ? Voilà autant de questions que suscitent ce département et son soubassement juridique.
Dans tous les cas, un contrôle démocratique adapté est nécessaire pour garantir que les services de renseignement respectent leur mandat, la loi et les droits humains. En tant que service public, l’ANR est censée satisfaire un besoin d’intérêt général. Toutefois, pour réaliser efficacement sa mission tant à l’intérieur qu’en dehors du pays et exécuter les différentes tâches, l’ANR a inévitablement besoin de moyens conséquents : moyens humains, juridiques, matériels et financiers. Plaidons qu’il en soit ainsi !
Me Joseph YAV KATSHUNG