I. LIMINAIRES
Je viens de lire sur le site de la rédaction d’Africa News RDC, un article intitulé: « MINAKU: ‘TOUTES LES DISPOSITIONS DE L’ACCORD DU 31 DÉCEMBRE CONTRAIRES À LA CONSTITUTION SONT NULLES ET DE NUL EFFET’ ».[1]
En effet, l’on y rapporte que tout en saluant l’Accord du 31 décembre 2016 et en faisant part de la disponibilité de la Majorité Présidentielle [MP] à collaborer à sa mise en oeuvre en participant aux échanges sur un arrangement particulier, le Secrétaire Général de la Majorité présidentielle, Aubin Minaku, a en date du mardi 3 janvier, face à la presse, peu après la publication de la position officielle de la Majorité présidentielle relative au compromis du Centre Interdiocésain, prévenu que : « Toutes les dispositions de l’Accord du 31 décembre contraires à la Constitution sont nulles et de nul effet ». Depuis, des questions fusent et l’occasion faisant le larron, en penseur libre, je donne ma cogitation au débat sur les enjeux et effets dudit accord de la CENCO.
II. Bref CONTOUR dU SECOND accord dit de la cenco
D’Ida Sawyer, Directrice pour l'Afrique centrale à Human Rights Watch[2] à l’Institut de Recherche en Droits Humains [IRDH][3] de Hubert Tshiswaka en passant par les partisans engagés ou non, tous s’accordent à dire que mieux vaut un mauvais arrangement qu’un bon procès. Mais la où le bât blesse, c’est savoir de quel accord il s’agit car tous se réclament « inclusifs » et « conformes » à la Constitution de la RDC !
S’agissant du dernier accord, relevons que les contacts directs du Centre interdiocésain de Kinshasa entre signataires et non signataires de l’Accord politique de la Cité de l’Union Africaine, réunis par la Conférence Episcopale Nationale du Congo [CENCO] - dans un pays qui inscrit la laïcité dans sa Constitution[4] - ont finalement accouché d’un autre accord politique. Sa signature est intervenue samedi 31 décembre 2016 dans la nuit. Bien que salué par certains, tous reconnaissent cependant, que d'énormes défis subsistent – constitutionnels aussi ? - !
III. de la question de la legalite des clauses/resolutions de l’accord de la cenco
Dans le billet cité supra, la Rédaction d’Africa News RDC ainsi qu’une bonne frange de la population congolaise se demandent que vise le Secrétaire Général de la MP, Aubin Minaku, en évoquant que : « Toutes les dispositions de l’Accord du 31 décembre contraires à la Constitution sont nulles et de nul effet »
Que faut-il entendre par dispositions contraires à la Constitution?
§ Est-ce le fait de demander à l’Opposition non signataire de l’Accord du 18 octobre, le Rassemblement, de désigner le Premier ministre, préalable avant sa nomination par le Président de la République?
§ Est-ce le fait d’avoir créé le Comité national de suivi de l’Accord et ses conséquences sur la nomination de son animateur, par ordonnance présidentielle?
§ Est-ce le refus par le Rassemblement de reconnaître le droit du peuple d’être consulté par référendum [article 5 de la Constitution?]
§ Etc…
Répondant à ces préoccupations, je partage - tout de même - le questionnement de l’honorable Aubin Minaku, quant aux effets des dispositions de l’Accord qui seraient contraires à la Constitution. Mais, à la seule différence que la sanction n’est pas la nullité des telles dispositions comme il l’affirme, mais leur non application parce que réputées non écrites.
La distinction entre clauses nulles et clauses non écrites a donc tout son intérêt !
IV. SANCTION DE L’ACCORD DE LA CENCO POUR ATTEINTE A LA CONSTITUTION ET AUX DROITS GARANTIS : DISPOSITIONS RÉPUTÉES NON ÉCRITES !
4.1. « Nullité » versus « Non écrite »
En Droit, la clause réputée non écrite n'est-elle qu'une hypothèse de nullité partielle ?
Historiquement conçue comme un procédé destiné à assurer la sauvetage du contrat ou de l’accord, la clause réputée non écrite continue à être comprise comme tel : il est de son essence d'assurer le maintien d'un contrat/ accord conforme aux exigences de légalité, alors que ce n'est là qu'un effet possible de la nullité. Et pour ce faire, la clause réputée non écrite opère d'elle-même, en dehors de toute intervention du juge : elle est une sanction extrajudiciaire, ce qui la distingue également de la nullité, laquelle n'existe aujourd'hui en droit Congolais que par son prononcé en justice.
La distinction est loin d'être dépourvue de conséquences, tant judiciaires que pratiques. L'identité de la clause réputée non écrite acquise, il convient de procéder à son identification, de rechercher celles des clauses qui sont réputées non écrites. Pas facile donc, mais c’est le prix à payer.
4.2. Dispositions de l’accord posant problèmes et légitimité de la sanction
Je me réserve de citer les dispositions de l’Accord qui énervent la Constitution ou les droits garantis aux citoyens – car elles existent - mais affirme que la liste des clauses « réputées non écrites » est fort longue et constamment enrichie.
Aussi, je m’attends à des critiques négatives voire puériles car, la clause réputée non écrite ne peut que provoquer une discussion quant à sa légitimité. En effet, loin de ne présenter que des désavantages et des contradictions, cette sanction permet, dans un certain sens, de préserver de manière surprenante l’autonomie de la volonté d’un côté, et d’un autre côté, d’être envisagée comme un mode de sauvetage du contrat voire de l’accord en n’anéantissant nullement ce dernier dans son entier. Toutefois, la sanction du réputé non écrit prend sa source, sur la cause.
Légitime, la sanction du réputé non écrit semble l’être parce qu’elle
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Assure efficacement le respect du principe de l’autonomie de la volonté en faisant prévaloir la fin poursuivie d’un commun accord par les parties sur ce qui pourrait l’entraver. En effet, en écartant une clause de l’accord, le mécanisme du réputé non écrit n’est que d’apparence en contradiction avec le principe de l’autonomie de la volonté. Sans doute, le fait de réputer non écrite une clause qui est pourtant inscrite dans l’accord semble aller à l’encontre de la volonté des parties. Cependant, cette approche dissimule une donnée essentielle : si les parties se sont engagées, c’est d’abord et avant tout pour parvenir à une fin, ici le respect de la Constitution. La clause incohérente au regard de la fin poursuivie doit dès lors être réputée non écrite.
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S’il se trouve que certaines clauses entravent la réalisation de l’objectif poursuivi, c’est finalement servir l’autonomie de la volonté que de les écarter en les déclarant non écrites. De la sorte, la sanction du réputé non écrit permet d’assurer la bonne fin de l’accord « inclusif » et « conforme » à la Constitution, purgé des clauses qui pourraient l’entraver, puisque celles-ci sont supprimées.
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La clause qui entrave les effets de cette obligation doit être automatiquement privée de force obligatoire. C’est là donner son plein effet à la volonté commune des parties .
Légitime, la sanction du réputé non écrit semble l’être aussi, parce qu’elle
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permet de ne pas anéantir l’accord. Bien au contraire, elle procède à une véritable correction de ce dernier.
V. CONCLUSION
Malgré leur présence dans l’accord de la CENCO, les dispositions contraires à la Constitution n'ont aucune valeur juridique, même signées, de telles clauses ne peuvent donc être appliquées.
Ces clauses sont censées ne jamais avoir été incluses dans l’accord. Autrement dit, l’accord demeure valable - tout au moins dans la mesure où les clauses réputées non écrites ne sont pas indispensables à son existence même - mais lesdites clauses seront écartées. Les principales conséquences seront que ces clauses ne produiront pas d'effets comme l’a bien affirmé l’Honorable Aubin Minaku, ce qui est logique puisse qu'elles sont considérées comme absentes de l’Accord et que les parties ne pourront s'en prévaloir.
Comme elles sont censées n'avoir jamais existé concrètement, leur suppression voire non application sera sans conséquence sur la validité de l’accord dans son ensemble, lequel continuera à régir les rapports des parties à l’accord.
[1] http://www.africanewsrdc.com/la-une/2017/01/04/minaku-toutes-dispositions-de-laccord-31-decembre-contraires-a-constitution-nulles-de-nul-effet.html
[2] Un accord met la RD Congo sur la voie d'une première transition démocratique, mais d'énormes défis subsistent, https://www.hrw.org/fr/blog-feed/la-rd-congo-en-crise#blog-298267
[3] Analyse de l’ « Accord Politique global et Inclusif du Centre Interdiocésain de Kinshasa » dit de la CENCO. https://www.linkedin.com/pulse/analyse-de-l-accord-politique-global-et-inclusif-du-maitre-tshiswaka?trk=pulse_spock-articles
[4] L’ÉGLISE ET LA RES PUBLICA : DU « JE T’AIME… MOI NON PLUS »? https://joseyav.wordpress.com/2010/06/27/l%E2%80%99eglise-et-la-res-publica-congolais/