Les faits : Radio Okapi rapporte que six familles comparaissent au tribunal pour enfant de Goma se disputant la paternité d’un enfant de 8 mois, dont la mère a été tuée par balle perdue au Nord-Kivu et placée dès lors, dans un orphelinat pour sa prise en charge. Au cours de l’audience, le juge a demandé à toutes les parties concernées d’apporter chacune les éléments de conviction, avant le prononcé de la décision finale. Ce cas nous fait penser à celui du Roi Salomon qui départagea deux femmes qui revendiquaient le même enfant et leur proposa de couper l’enfant en deux et d’en donner une moitié à chaque femme. Pour sauver la vie de son enfant, la vraie mère étaitprête à renoncer à lui, révélant ainsi spontanément sa maternité. Salomon trancha le litige en sa faveur… ! En sera-t-il le cas ici ?
En Droit : Il est rare de nos jours de voir des parents qui se disputent les enfants mais le contraire, est devenu monnaie courante. C’est ce qui a poussé le législateur du code de la famille à édicter que …Tout enfant congolais doit avoir un père et il est fait obligation à tout géniteur de reconnaitre son enfant et qu’à défaut de le faire, des sanctions sont prévues. Il est donc possible que plusieurs personnes revendiquent la paternité car, la filiation est une donnée complexe, en attestent les divers modes de preuve instaurés par le droit au cours de l’histoire.
Quel que soit le qualificatif apposé au mot « filiation », il n’en demeure pas moins que celle-ci n’existe que parce qu’elle a été légalement établie, c’est -à-dire prouvée conformément à la loi. C’est en cela que le droit de la filiation est un « droit de la preuve ». Ainsi, le « désir d’enfant » peut désormais être satisfait sans la rencontre charnelle des père et mère ; contredisant même les adages mieux connus en droit sur la certitude de la maternité et l’incertitude de la paternité. Dans le cas d’espèce, les prétendants pères et/ou leurs familles doivent selon l’article 633 du CF, prouver leur filiation paternelle par acte de l‘état civil à défaut d‘acte, par la possession d‘état d‘enfant qui peut cependant être contestée par témoignage. S’il y a eu mariage avec la défunte mère de l’enfant, la filiation paternelle s'établira par la présomption de la loi et à défaut, par la déclaration ou action en recherche de paternité.
Mais pour exister, la filiation ne se contente pas de la procréation seulement voire l’adoption et la procréation médicalement assistée avec consentement du mari. Il n’y en a pas moins filiation. Aujourd’hui, l’expertise génétique [ou test de paternité] a révolutionné le contentieux en cette matière et la paternité est devenue certaine. Dans ce cas, une expertise génétique [test ADN par exemple] pourra être demandé aux fins d’établissement de la filiation, et ça sera du droit. Au finish, reconnaissons que le jugement de Salomon fut une des plus célèbres illustrations de la justice. Est-ce une bonne façon de rendre justice, jugez-en par vous-même en allant à Goma. Mais ça, c’est une autre histoire !