Les faits : Depuis plusieurs années, la partie Est de la RDC est le théâtre de l’activité persistante de groupes armés. Cette situation pose de sérieux défis à la protection des droits fondamentaux, notamment pour les populations vivant dans des zones de conflit et/ou celles où le contrôle étatique est limité et qui se transforment souvent en territoires de non-droit. Mais cela exonère-t-il l’État de ses obligations en droit ?
En Droit : La responsabilité de l’État en matière de droits de l’homme est une obligation essentielle du droit international, mais elle rencontre de sérieux défis dans des contextes de gouvernance limitée, comme à Bukavu et Goma en RDC. Même dans des zones où il ne dispose pas d’un contrôle direct, l’État reste juridiquement engagé à protéger et garantir les droits humains sur l’ensemble de son territoire. Conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, cette responsabilité implique un devoir de diligence raisonnable pour prévenir les violations, enquêter sur celles-ci, et offrir des recours effectifs aux victimes. Ce cadre juridique universel souligne que les contraintes liées au contrôle territorial ne peuvent exonérer un État de ses obligations fondamentales.
La difficulté à remplir ces obligations dans des zones instables est néanmoins contrebalancée par des principes juridiques bien établis, illustrés par l’affaire Velasquez Rodriguez contre Honduras, jugée par la Cour interaméricaine des droits de l’homme en 1988. Ce cas a établi que l’inaction de l’État face à des violations des droits humains perpétrées sur son territoire, même par des acteurs non étatiques, peut engager sa responsabilité internationale. La Cour a affirmé que l’État hondurien avait violé ses obligations en vertu de la Convention américaine des droits de l’homme en n’exerçant pas les diligences nécessaires pour prévenir, enquêter et sanctionner ces violations. Ce principe fondamental, applicable dans le contexte de la RDC, met en exergue que les défis liés au contrôle effectif ne peuvent justifier une défaillance des obligations étatiques.
Par ailleurs, bien que le droit international des droits de l’homme s’applique principalement aux États, les acteurs non étatiques, tels que les groupes armés ou les milices opérant dans des zones de conflit, ont eux aussi des obligations. En vertu des Conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels, ces parties sont tenues de respecter les droits fondamentaux des civils et de s’abstenir de commettre des violations graves comme les meurtres, les viols et les pillages. Leurs membres peuvent être poursuivis individuellement pour des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité devant des juridictions nationales ou internationales, telles que la Cour pénale internationale. Des responsabilités sont donc partagées et que chaque camp fasse attention !
Me Joseph YAV KATSHUNG