Les faits : En mars 2025, le Ministre de la Justice a annoncé une prime de 4 millions USD pour toute information menant à l’arrestation de deux journalistes exilés, accusés de complicité avec des groupes rebelles. Cette mise à prix pourrait être perçue comme une « chasse à l’homme » internationale, soulevant des questions quant à la légalité et à l’éthique de telles pratiques. Qu’en dire de plus ?
En Droit : La pratique de mise à prix des personnes - surtout des journalistes - est perçue comme une déshumanisation, en contradiction avec les principes fondamentaux des droits humains, notamment la présomption d’innocence et la liberté d’expression. Ainsi, offrir une récompense pour capturer des journalistes ou d’autres individus constitue une incitation directe à la violence, souvent illégale dans les systèmes juridiques modernes. Cette pratique, assimilée à un appel au meurtre ou une atteinte à la vie, reflète une atteinte grave aux droits fondamentaux comme la sécurité et le droit à la vie.
Historiquement, la mise à prix était courante dans des contextes de guerre, de persécutions ou de lutte contre le banditisme. Les autorités ou particuliers offraient des primes pour éliminer des criminels ou des ennemis publics, notamment durant les sociétés médiévales ou la conquête de l’Ouest. Cependant, cette pratique a été instrumentalisée par des régimes autoritaires pour cibler des opposants politiques ou des dissidents. Par exemple, sous Saddam Hussein, des primes étaient offertes pour capturer des membres de l’opposition, tandis que l’apartheid sud-africain utilisait ces moyens pour traquer des militants comme ceux de l’ANC. Plus récemment, en 2020, le régime biélorusse a été accusé d’avoir offert des récompenses pour capturer des militants prodémocratie en exil. Ces actes ont été largement condamnés par la communauté internationale.
Cette pratique va à l’encontre des obligations fondamentales des gouvernements, qui doivent protéger leurs citoyens au lieu de les exposer à des risques. Elle viole des droits garantis par des instruments internationaux comme la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui interdisent les incitations à la violence. Quand l’État utilise des pratiques similaires pour cibler des individus perçus comme des menaces, cela devient une vendetta étatique. Sous couvert de légitimité juridique, l’État manipule ses institutions pour exécuter une répression souvent politique, complexifiant toute contestation. Contrairement à la vendetta populaire, la vendetta étatique est soutenue par un vernis de légalité, mais demeure contraire aux principes de justice et de l’État de Droit. Quelle est la ligne à ne pas franchir ? Voilà le débat !
Me Joseph YAV KATSHUNG