Les faits : Le 12 juin 2010 dans le « Carnet de Colette Braeckman » intitulé « Congo 60 -10 : permanences et ruptures », l’on pouvait lire : « Rétablir la démocratie, Restaurer l’état de droit, Reconstruire l’économie…Les promesses pleuvent, les injonctions aussi… Cependant, dans ces formules qui se multiplient à l’occasion du 50 eme anniversaire de l’indépendance du Congo, deux lettres sont inutiles : « RE ». Car l’examen du passé devrait inciter à plus de réalisme : quelles ont été les périodes où le peuple congolais a véritablement vécu en démocratie ? Où il a été bénéficiaire des ressources de son économie ? Durant les 80 ans de colonisation, … Peut-on parler d’un État de droit, alors que le pays était sous tutelle, que toutes les décisions importantes étaient prises au Parlement belge, que les Congolais n’étaient que des exécutants ?... ». 14 ans après cet article, soit en 2024 mieux 64 ans après l’indépendance, le décor décrit, demeure le même : la colonisation qui a si profondément bouleversé les structures sociales du Congo ne pouvait épargner les institutions judiciaires.
D’origine étrangère, cette justice coloniale était autoritaire, imposée, hiérarchisée, centralisée etinégalitaire. Mais comment se défaire de ce qui, au fil de l’histoire, est devenu l’héritage commun des Congolais ? La bonne lisibilité de la justice en RDC, donc son efficacité, passe avant tout par une rupture avec la logique institutionnelle coloniale. En sommes-nous capables, 64 ans après ?
En Droit : Il est souvent rappelé que le droit constitue la norme première, le pivot de toute société démocratique et facteur de régulation sociale qui doit être expliqué, défendu et promu. Dans ce sens, le degré de civilisation d’un peuple se mesure à la qualité de sa justice. Cela a comme corollaire que la « JUSTICE » est garante de la sécurité juridique, son organisation doit être à la fois performante, compréhensible voire accessible pour les justiciables.
C’est fort de cela que les juristes affirment que « les palais de justice sont des hôpitaux du ‘droit malade’ », formule qui semble aujourd’hui devenue vide de sens car, en réalité ils ne sont que des cimetières du « droit mort ». La multiplication, au fil du temps, des défis et dénis de justice ont rendu la justice confuse, coûteuse et illisible. Indépendant, le Congo, dans le souci de réorganiser sa justice, allait-il revenir à la justice traditionnelle, celle des chefs ? Allait-il opter pour la justice belge, justice de l’État mais indépendante du pouvoir « exécutif » ? Il semble que le choix fut celui d’une justice au service de l’État.Mais à dire vrai, cette justice de l’État n’était pas toujours indépendante du pouvoir exécutif. C’est le sens de tout l’arsenal législatif adopté dès les premières années de l’indépendance. L’on a vu se multiplier les tribunaux exceptionnelspour juger les affaires politiquement délicates. C’était semble-t-il la meilleure voie pour obtenir une justice plus docile et surtout plus rapide, c’est-à-dire sans appel et souvent sans cassation.
On se souvient encore du temps du MPR ou il était rappelé plusieurs fois que « Le magistrat Zaïrois ne devait pas perdre de vue, au nom de l’indépendance de la justice et de la répartition des pouvoirs, qu’il est avant tout un militant du MPR; or, pour tout militant, la justice, institution sociale de l’État, est nécessairement au service du régime qui l’a institué. » Il ne faut pas perdre de vue que, les magistrats étaient membres du MPR, parti unique. Autrement dit, le juge Zaïrois n’était pas au service de la loi mais à celui du pouvoir.
Quid de la justice au temps présent ? Le système judiciaire continue à souffrir de sous-investissement, de corruption et d’un manque considérable de ressources et d’infrastructure. Des efforts de réforme du secteur judiciaire de la RDC ont été proposées et/ou timidement mises en place, mais la justice demeure au banc des accusés et malade de ses nombreux dysfonctionnements et de ses opérateurs judiciaires.
Il en résulte un affaiblissement tangible de la crédibilité de l’institution. Comment éviter qu’une telle catastrophe ne perdure au risque d’insécuriser tout le tissu socio-économique de la RDC ? Quelles leçons tirer de cet état des lieux aux allures d’un immense gâchis ? Voilà les questions qui doivent nous interpeller afin de bien penser à panser cette justice !
Me Joseph YAV KATSHUNG