Les Faits : Sous plusieurs titres, RFI monde, La Libre Belgique, Het Laatste Nieuws, Mediacongo.net et tant d’autres, rapportent que le tribunal correctionnel de Namur a condamné le 10 octobre 2024, l’avocate Belgo-Congolaise, Julienne Mpemba, à dix ans de prison pour l’enlèvement d’enfants en RDC et leur adoption illégale en Belgique. Elle a fait recours contre cette décision. L’histoire remonte à novembre 2015 quand la créatrice de l’orphelinat « Tumaini », en RDC fait adopter onze enfants âgés de 2 à 5 ans, venus de Kinshasa, en Belgique en leur donnant de fausses identités, de fausses dates de naissance et avait exigé de l’argent des familles adoptives. L’affaire avait été révélée peu de temps après par le parquet fédéral et elle avait été arrêtée en 2016 en Belgique. Cette affaire de fraudes présumées dans l’adoption d’enfants mérite que l’on se penche sérieusement sur cette institution et le rôle des avocats.
En Droit : Une étude historique sur les pratiques illicites réalisée en 2023 par Yves Denéchère et Fábio Macedo, montre que l’adoption est marquée … par des scandales de fraudes dans la déclaration d’adoptabilité, falsifications de documents officiels, ou encore absence de consentement approprié des parents biologiques, et touchent de nombreux pays, quand l’État est défaillant et la corruption importante. En vertu de la loi de l’offre et de la demande, des intermédiaires véreux s’invitent au débat comme certains avocats, notaires, fonctionnaires, responsables d’orphelinat, sages-femmes et pasteurs dans le pays d’origine, en contact avec les adoptants des pays d’accueil, créant un vrai business.
En RDC, l’adoption internationale des enfants congolais était organisée sur base des articles 18, 19 et 20 de la loi N°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant [LPPE]. Le 25 février 2013, la RDC, à travers la DGM a suspendu l’adoption internationale des enfants au motif qu’une fois à l’étranger, ces enfants ont fait l’objet de secondes adoptions, de maltraitances et parfois de traite par leurs parents adoptifs. Ces préoccupations, qui pourraient être vraies, sont pourtant prises en compte par la Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur l’adoption internationale, à laquelle la RDC n’est – malheureusement - pas encore partie.
Depuis le 15 juillet 2016, les dispositions du Code de la famille [CF] ont été réformées et la matière d’adoption internationale a également été touchée, les articles 18, alinéa 2, 19 et 20 de la LPPE ont été abrogées et les articles 651, 653 bis et 671 du CF donnent des conditions pour l’adoption internationale. Toutefois, l’adoption continue de soulever les passions et tous et chacun, avons une opinion sur l’adoption. Celle-ci se fonde sur des expériences personnelles, sur des intuitions ou parfois même sur des idées préconçues comme notre propre interpellation par l’ANR et la DGM – il y a quelques années - au sujet des adoptions facilitées par notre étude. Jusqu’à découvrir que les différents services avaient peu de connaissance sur la procédure de l’adoption et le rôle des avocats ainsi que leurs honoraires, alors que l’adoption est « gratuite ». Il fallait clarifier qu’aux termes de l’article 658 du CF, étant gratuite, l’adoption ne donne lieu à aucune contrepartie en faveur de la famille de l’adopté. Ceci pour prévenir de nombreux abus. Mais cela ne s’applique pas au travail de l’avocat en matière d’adoption qui n’est pas gratuit.
Au demeurant, ce dossier de Me Julienne ouvre un nouveau chapitre judiciaire avec son recours, une question demeure : qu’en est-il des enfants dans tout ça ? Victimes collatérales de cette affaire, elles sont désormais au cœur d’un imbroglio juridique et affectif. Avec ce verdict, les familles adoptives espèrent garder ces enfants en Belgique, tandis que les parents biologiques congolais ne souhaitent qu’une chose : les revoir. Ces enfants, pris entre deux feux, devront peut-être un jour choisir entre la terre qui les a vu grandir et celle qui les a vu naître. Mais pour l’instant, pendant l’appel, les réponses resteront en attente laissant les familles et les enfants dans l’incertitude en attendant que les tribunaux civils et le tribunal de la jeunesse se prononcent. Où est l’intérêt des enfants, dans tout ça ?
Me Joseph YAV KATSHUNG