1. Liminaires
Si en 1952, Marcel Waline écrivait qu’un gouvernement en affaires courantes était mort[1], cela ne semble plus exact car en 2024, un tel gouvernement est un véritable « mort- vivant ».
En effet, le 20 février 2024, soit deux mois après les élections générales en République Démocratique du Congo [RDC], bien que contestées, le Premier Ministre du Gouvernement, Sama Lukonde a remis au Président Felix Antoine Tshisekedi, la démission de son gouvernement afin de ne pas se retrouver dans les situations d’incompatibilités et/ou de cumul des fonctions pour certains.
Dans un communiqué officiel du 20 février 2024, portant "instructions relatives à l'expédition des affaires courantes par le Gouvernement de la Republique " émanant du Directeur de Cabinet du Chef de l’État après la démission du Premier ministre, le Président de la République a autorisé les membres du Gouvernement à « expédier les affaires courantes ». Ce, en dépit de leur démission.
Ce Gouvernement démissionnaire est cependant soumis à un certain nombre des restrictions notamment :
- La suspension, jusqu'à nouvel ordre, des recrutements, nominations, promotions et mouvements du personnel à tous les niveaux ;
- La suspension, jusqu'à nouvel ordre, des engagements, des liquidations et des paiements de toutes dépenses publiques autres que celles liées aux charges du personnel ;
- La suspension des missions de service à l'extérieur du pays pour tous les membres du Gouvernement et le personnel de leurs cabinets, sauf les déplacements liés à certains dossiers spécifiques dont les demandes d'autorisation seront examinées au cas par cas ;
- L'interdiction de recourir aux opérations de cession, de transfert ou d'aliénation des actifs de l'État autres que celles déjà engagées.
Toutefois, des cas exceptionnels nécessitant une dérogation seront soumis à l'autorisation préalable du Président de la République, précise ce communiqué.
Depuis, les réseaux sociaux et les officines politico-scientifiques sont inondés des débats sur le bien-fondé et les contours de cette gestion des affaire courantes en droit et en démocratie. Ils n’ont pas tort ceux qui s’interrogent car déjà en 1968, Jean Gicquel écrivait que la problématique des coutumes constitutionnelles était parmi « les plus ardues et les plus confuses du droit constitutionnel »[2].
En le faisant, la RDC n’innove pas car la théorie des affaires courantes aussi bien en France qu’en Belgique, atteste du fait que cette affirmation demeure pertinente. L’irruption du droit non écrit au sein de notre ordre constitutionnel bouleverse les certitudes, entraîne confusions, débats et contradictions. Que penser du contenu de cette coutume ? La règle peut sembler adaptée lorsque la période des affaires courantes est courte. Dans cette hypothèse, elle permet à l’État de continuer à fonctionner, jusqu’à ce qu’un Gouvernement soit nommé à brève échéance. Mais la règle engendre un sentiment de malaise lorsque la période dure[3] et aboutit à un certain cumul des fonctions qui semble énerver les principes démocratiques voire constitutionnels.
Ce qui est décrié c’est le fait qu’en période d’affaires courantes, l’équipe ministérielle officie tout en demeurant, ultimement, irresponsable de ses actes d’un point de vue politique. Il ne peut plus être désavoué. Cela pose un problème d’un point de vue démocratique nonobstant des restrictions édictées par le président de la République sur base d’un communiqué ou d’une ordonnance soit-elle - celle n°22/002 du 16 janvier 2022 portant organisation et fonctionnement du gouvernement, modalités pratiques de collaboration entre le Président de la République et le gouvernement ainsi qu'entre les membres du gouvernement.
2. Origine, sens et ratio legis des affaires courantes
La gestion des affaires courantes demeure une notion complexe et floue. Elle a été et demeure encore un objet de débat du point de vue juridique et politique ; car en RDC comme ailleurs, l’étendue de sa mise en œuvre diffère d’un État à un autre, et dans un même État au cas par cas.
Notons que - toute proportion gardée - l’expédition des affaires courantes demeure nécessaire car elle permet la garantie de la continuité de l’État au moment où le gouvernement est démissionnaire et dans l’attente qu’un nouveau gouvernement s’installe. Il s’agit par conséquent, d’une période transitoire, laquelle peut être réduite à quelques semaines ou s’étendre sur plusieurs mois. Et dont l’incidence sur la gestion des affaires de l’État est plus ou moins étendue en fonction du système politique de chaque État.
L’origine de la règle non écrite relative à l’expédition des affaires courantes est à trouver dans une pratique du Palais. En Belgique, lorsque le Roi accepte officieusement la démission présentée par le Gouvernement, il charge ce dernier d’expédier « les affaires courantes », et par conséquent de restreindre son action. Après l’avoir chargé de cette mission, le monarque refuse de signer les arrêtés royaux présentés par le cabinet démissionnaire qui excèdent la sphère desdites affaires[4].
En RDC comme ailleurs, on relève l’absence d’une définition constitutionnelle, légale ou réglementaire qui fait l’unanimité quant à la notion d’expédition des affaires courantes. Toutefois, certaines dispositions en droit comparé soulignent que tant qu’il n’a pas été remplacé, le gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes. C’est ainsi que les affaires courantes sont définies comme des affaires traitées par un gouvernement sortant ne disposant que de compétences limitées. La période des affaires courantes s'étend de la démission de ce gouvernement à la nomination de son successeur.[5]
En France, les affaires courantes désignent les décisions quotidiennes du gouvernement qui sont nécessaires au fonctionnement ininterrompu du service public[6]. Il s’agit, en attendant la fin des négociations pour la formation d’une nouvelle équipe gouvernementale, d’éviter une vacance totale du pouvoir exécutif. Le contenu exact de ces affaires courantes n’ayant fait l’objet d’aucun texte juridique, l’action du gouvernement d’affaires courantes est donc, de fait, surtout délimitée par l’expérience politique traditionnelle de ce genre d’exercice et par le droit coutumier. C’est le cas notamment des communiqués du président de la République.[7]
Tandis qu’en Belgique, Il n’existe pas de définition au sens strict d’affaires courantes. Même la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles qui en consacre l’existence au niveau des entités fédérées ne définit pas plus ce qu’il faut en entendre, se contentant de préciser dans son article 73, al. 2 : « tant qu’il n’a pas été remplacé, le gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes »[8]. Ce concept, qui concerne au sens strict l’action des gouvernements, est une théorie qui procède en fait de l’économie générale de la Constitution. Pour certains, il s’agit même d’une coutume à valeur constitutionnelle ; pour d’autres, d’un principe général de droit public.
Ce principe étant posé, il reste à définir ce qui est [ou n’est pas] une affaire courante. Fernand Bouyssou [1970] notait avec raison qu’outre son opposition au mot stagnant, l’adjectif « courant » peut avoir deux sens principaux ; il peut signifier présent, actuel ou en cours, ou bien commun, ordinaire, voire banal.[9] Du point de vue étymologique, il demeure une incertitude sur l’expression « affaires courantes », qui peut signifier aussi bien « affaires en cours », qu’« affaires banales et insignifiantes ».
C’est ainsi que la doctrine juridique et politologue, en se basant sur la jurisprudence du Conseil d’État, a pris pour habitude de classer les actes que peuvent encore adopter un gouvernement en affaires courantes en trois catégories[10] : les affaires journalières, les affaires en cours et les affaires urgentes.
§ D’abord, les affaires de gestion journalière, c'est-à-dire celles dont le règlement n'implique pas de décision quant à la ligne politique à suivre. Il appartient au Gouvernement de régler les affaires courantes au sens de banales[11] : ce sont les actes « qui, même s’ils étaient posés par un gouvernement de plein exercice, ne feraient l’objet d’aucune discussion au sein de l’assemblée législative devant laquelle celui-ci est responsable », ou encore « les affaires qui affluent régulièrement et dont le règlement, encore qu’il puisse laisser place à l’exercice d’un certain pouvoir discrétionnaire, n’implique pas de décision sur la ligne politique à suivre »[12]. Constituent des affaires de gestion journalière le paiement du traitement des magistrats et des fonctionnaires, le versement des pensions, ou encore l’exercice du contrôle de tutelle sur l’action des pouvoirs subordonnés[13].
§ Ensuite, les affaires en cours, c'est-à-dire celles à propos desquelles la décision constitue l'aboutissement de procédures entamées antérieurement. A ce sujet, il est accepté que l’équipe ministérielle expédie les affaires courantes au sens d’en cours, soit celles « d’un intérêt plus qu’ordinaire [...] et à propos desquelles la décision constitue le prolongement et l’aboutissement de procédures entamées antérieurement »[14]. Elles sont entamées in tempore non suspecto, et réglées sans précipitation particulière[15]. Par exemple, il en va ainsi de la nomination, par un ministre, d’un agent subalterne, et ce à la suite d’une procédure de recrutement qui avait été entamée avant la période d’affaires courantes. Le Gouvernement peut alors excéder la gestion journalière, et sa marge de manœuvre est moins réduite que dans l’hypothèse précédente. Elle demeure néanmoins restreinte : les affaires en cours ne peuvent pas entrainer de choix politiques importants, de telle sorte que sont exclues de cette catégorie les « affaires de gouvernement », soit celles « impliquant des options dont l’importance sur le plan de la politique générale est par essence telle que ces affaires ne pourraient être décidées que par un gouvernement qui a l’appui du parlement et qui risque de perdre cet appui en raison de la décision qu’il a prise ».[16]
§ Enfin, les affaires urgentes, c'est-à-dire celles pour lesquelles un retard dans leur solution serait générateur de dommages et de nuisances pour la collectivité ou contreviendrait au droit international. Ici, le Gouvernement peut dépasser tant la gestion quotidienne que le traitement des affaires en cours pour s’occuper des affaires courantes au sens d’urgentes[17], « à savoir celles pour lesquelles un retard dans leur solution serait générateur de nuisances pour tout ou partie de la collectivité »[18], voire risqueraient de causer un préjudice irréparable à la collectivité. Par ailleurs, la catégorie des affaires urgentes doit être couplée d’une variable temporelle. En effet, au plus longue est la période de formation d’un Gouvernement, au plus certaines affaires peuvent devenir urgentes par l’écoulement du temps alors qu’elles ne l’étaient pas à l’origine[19].
3. La nature juridique et conséquences pratiques des affaires courantes
Après la démission du Gouvernement, la responsabilité ministérielle devient une illusion, de sorte qu’il est admis que l’activité gouvernementale ne peut plus être pleine et entière[20]. Toutefois, dans une telle situation, il serait inconcevable que le gouvernement – le Pouvoir exécutif dans son ensemble – ne puisse entreprendre aucune action : une certaine capacité de manœuvre doit malgré tout être maintenue, car l’État ne peut pas, du jour au lendemain brusquement s’arrêter de fonctionner.
Ainsi, l’action du Gouvernement devient limitée et en vertu du principe de continuité de l’État, le pays ne pouvant être privé de l’organe chargé du pouvoir exécutif, les ministres doivent se borner à expédier les « affaires courantes ». Toutefois, la nature juridique précise de ces termes suscite néanmoins le débat.
S’agit-il d’un simple usage ou d’une obligation juridique ? Initialement, la section du contentieux administratif du Conseil d’État semblait pencher en faveur de la première hypothèse, en considérant qu’il s’agit là d’une « règle politique » dont il ne lui appartenait pas d’assurer le respect. Par la suite, la Haute juridiction administrative opéra un revirement jurisprudentiel de telle sorte qu’elle « s’était sentie incitée à effectuer ce contrôle elle-même »[21].
En opérant un tel revirement, le Conseil d’État consacra le caractère juridique de la règle, puisqu’il statua en légalité, et non en opportunité[22]. Mais la jurisprudence administrative paraît hésitante quant à la nature juridique précise de la norme : elle évoque succinctement une « règle non écrite » qui procède de « l’économie générale de la Constitution »[23], ce qui appelle une autre question : L’expédition des affaires courantes par le collège gouvernemental est-elle une application d’un principe général du droit, le cas échéant à valeur constitutionnelle, ou une règle constitutionnelle de nature coutumière ?
Cette question n’est pas purement académique mais revêt une réelle portée pratique. La coutume constitutionnelle et les principes généraux du droit sont des sources du droit[24] qui comportent de très nombreux points communs : ils revêtent un caractère non écrit, ils doivent être conformes au texte constitutionnel, et ils reposent sur un certain besoin social, revêtant à ce titre une fonction utilitaire en ce qu’ils comblent les lacunes du droit écrit[25].
Face à la jurisprudence quelque peu sibylline de la section du contentieux administratif du Conseil d’État, la doctrine s’est essayée à résoudre l’épineuse question de la qualification juridique de la règle selon laquelle il convient d’expédier les affaires courantes. L’analyse de la littérature juridique révèle ainsi l’existence de deux positions doctrinales relativement antagonistes.[26]
Le débat sur la nature continue-t-il donc ? Il semble que la section du contentieux administratif du Conseil d’État pourrait avoir mis fin au débat par l’arrêt de Crombrugghe de Picquendaele du 17 mai 2016[27]. Dans cet arrêt, la Haute juridiction administrative affirme en effet que « la règle qui limite les compétences du Gouvernement … en période d’affaires courantes n’est inscrite comme telle dans aucune disposition de la Constitution ni dans aucune disposition légale mais constitue une coutume constitutionnelle liée au principe de la continuité du service public et au principe de la responsabilité ministérielle … ; que l’existence de cette coutume est admise depuis longtemps tant dans la jurisprudence du Conseil d’État que dans la doctrine »[28]. Le débat doctrinal est-il pour autant définitivement tranché ? Il reste à voir comment cela va prospérer dans la pratique.
Toutefois, disons avec Nicolas Bernard que, l’arrêt de Crombrugghe de Picquendaele nous semble décisif[29]dans le cadre du contrôle de l’activité gouvernementale où le Conseil d’État est amené à jouer un rôle de premier plan dans le cercle des juridictions suprêmes. C’est d’ailleurs sa jurisprudence qui a grandement dessiné les contours de la règle limitant les compétences du Gouvernement démissionnaire ou dissout, aux affaires courantes. Ainsi, considèrerons-nous la règle limitant les compétences de l’équipe gouvernementale aux affaires courantes, comme une coutume constitutionnelle et dont les contours de cette règle sont essentiellement tributaires de la pratique, et ont, dès lors, vocation à évoluer. De de plus en plus, par la force des choses, la notion d'affaires courantes connait donc un considérable élargissement. Dans de tels cas, il est admis que nécessité fait loi. Espérons qu’ils le seront dans le bon sens et pour l’intérêt général !
4. L’application de la gestion des affaires courantes à n’importe quel prix : Cas de la RDC et conséquences pratiques sur la démocratie.
En RDC, la question des « affaires courantes » n’est pas nouvelle mais la question réside sur son fondement qui semble être à géométrie variable et selon les humeurs des décideurs politiques. C’est le cas de la situation actuelle, où par un communiqué du Cabinet du Président de la République de la RDC, il est porté à la connaissance de l’opinion qu’après sa démission, le Premier Ministre a été mandaté de continuer à gérer « les affaires courantes ».
La motivation de cette mesure est donnée dans ledit communiqué en ces termes « … Tenant compte de la situation particulière que traverse le pays et en attendant la formation du nouveau gouvernement, le Chef de l'État a demandé au Premier ministre et aux membres du gouvernement chacun au regard de ses fonctions, d'assurer l'expédition des affaires courantes conformément à l'article 6 de l'ordonnance n°22/002 du 16 janvier 2022 portant organisation et fonctionnement du gouvernement, modalités pratiques de collaboration entre le Président de la République et le gouvernement ainsi qu'entre les membres du gouvernement ».
Le bât blesse quand lesdits membres du Gouvernement se retrouvent dans une situation de cumul de fonctions et/ou d’incompatibilités avec leurs nouvelles fonctions ou mandats électifs. Pour réponse, le Premier Ministre a souligné qu’à dater de ce jour, « lui-même et les membres de son Gouvernement feront usage du droit de suspension et de reprise de leur mandat parlementaire prévu par les alinéas 2 et 3 de l’article 110 de la Constitution, pour ne pas se retrouver dans un cas d’incompatibilité des fonctions ». Trop facile à dire qu’à faire en droit, du moment que cette option viole la Constitution en ce que l’article 108 de la Constitution est d’application quand le député doit opérer un choix entre son mandat et une fonction incompatible, au moment où il doit être validé. Tandis que l’article 110 de la Constitution s’applique quand le député déjà validé, est appelé à une fonction incompatible, son mandat est suspendu. Il y a donc une nuance à faire et éviter l’amalgame ou le forum shopping dans lequel l’on semble plonger la République.
Cela est d’autant vrai que le président de la République ne peut se réfugier derrière l’article 110 de la Constitution modifié par l’article 1er de la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo en ce qu’il dispose que : “… Toutefois, lorsqu’un député national ou un sénateur est nommé à une fonction politique incompatible avec l’exercice de son mandat parlementaire, celui-ci est suspendu. Il reprend de plein droit son mandat parlementaire après la cessation de cette fonction politique incompatible... ».
Cet article ne dédouane pas cette hétérodoxie et le président de la République, en autorisant le Premier ministre et son gouvernement à rester en place et à expédier les affaires courantes, et ce , en dépit de leur démission et le choix opéré par certains ministres de siéger à l’Assemblée nationale, a consacré délibérément, le cumul des fonctions et des mandats et partant, il a violé la Constitution qui, en son article 108, dispose que le mandat de député ou de sénateur est incompatible avec les fonctions ou mandats de membre du gouvernement.
Ce cumul bien que toléré ou autorisé par « le garant du bon fonctionnement des institutions » est également en violation des décisions du Conseil d’État et de la Cour Constitutionnelle sur la question de cumul de fonction qui découlerait d’une continuation des affaires courantes pour quelque motif que ce soit. Ces deux hautes juridictions se sont déjà prononcées sur la question. Il s’agit :
· Premièrement du Conseil d’État en son avis du 1er mars 2019, par requête n°CAB/PM/CJDHC/PPM/2019/0168 du 15 février 2019, enrôlée sous le RITE 001, le Premier Ministre en mission, agissant par le Vice-Premier Ministre, Ministre des Transports et Communications José MAKILA, saisit le Conseil d’État, Section consultative, en interprétation de la portée des dispositions des articles 77 et 78 de la loi électorale, eu égard au caractère provisoire des résultats des élections législatives tant nationales que provinciales, tels que publiés par la Commission Électorale Nationale Indépendante, CENI en sigle ; afin de l’entendre clarifier le Gouvernement quant à savoir si certains de ses membres qui ont été élus députés nationaux et/ou provinciaux doivent cesser immédiatement leur participation aux activités du Gouvernement. Selon le requérant, cette question crée une divergence d’opinions auprès de ses membres.
Certains estimaient qu’une fois validés par leurs Assemblées délibérantes respectives, ils peuvent, néanmoins, continuer à expédier les affaires courantes de leurs ministères jusqu’à la remise et reprise avec les nouveaux animateurs en application du principe de continuité de l’État et des services publics. D’autres en revanche, préconisaient qu’aussitôt validés comme députés nationaux et/ou provinciaux, les membres du Gouvernement concernés cessent immédiatement leur participation aux activités du Gouvernement et sont remplacés par les autres membres du Gouvernement non concernés pour exercer leurs fonctions à titre intérimaire.
L’article 77 de la loi électorale prévoit ce qui suit : « Outre les incompatibilités aux fonctions de Président de la République, de député et de sénateur prévues aux articles 96 et 108 de la Constitution, selon le cas, sont incompatibles avec les fonctions électives provinciales, urbaines, communales et locales les fonctions ou mandats suivants : Membre du gouvernement ; Magistrat ; Membre du Conseil économique et social, membre d’une institution d’appui à la démocratie, Membre du cabinet du Président de la République, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat, du Premier ministre, des membres du Gouvernement et de toute autre autorité politique ou administrative de l’État ;, Membres des Forces armées, de la police nationale ; agent de carrière des services publics de l’État ; Cadre politico-administratif de la territoriale, à l’exception des chefs de chefferie et des chefs de groupement ; Mandataire public actif : Président du Conseil d’administration, Administrateur-Délégué Général, Administrateur-Délégué Général adjoint, Administrateur-Délégué ; Tout autre mandat électif.
Le Conseil d’État considéra que, selon la volonté du législateur, l’article 77 de la loi électorale établit, en complément des articles 96 et 108 de la Constitution, un régime d’incompatibilité touchant spécifiquement les fonctions électives provinciales, urbaines, communales et locales. Il note qu’il s’agit d’un régime d’interdiction stricte de cumul desdites fonctions ou desdits mandats avec les fonctions ou les mandats visés à cet article 77.
Il précise qu’à l’exception des seuls Chefs de chefferie et de groupement, en leur qualité de détenteurs de l’autorité coutumière, aucune autorité énumérée aux points ci-avant ne peut détenir concomitamment sa fonction ou son mandat actuel avec les fonctions ou les mandats obtenus dans le cadre des institutions provinciales, urbaines, communales et locales. Les fonctions ou mandats concernés sont ceux visant le Député provincial, le Gouverneur et le Vice-gouverneur de province, le Conseiller municipal, le Maire et le Maire adjoint, le Conseiller communal, le Bourgmestre et le Bourgmestre adjoint, le Chef de secteur et le Chef de secteur adjoint.
Pour le Conseil d’État, l’interdiction de cumul ainsi visé par l’article 77 de la loi électorale, comme celles figurant aux articles 96 et 108 de la Constitution actuellement en vigueur, se justifie par la volonté manifeste du législateur d’éviter la confusion des rôles et les dédoublements des paiements à charge du trésor public, de prévenir des possibles conflits d’intérêts et de faire respecter l’équilibre des pouvoirs contenus tant dans la Constitution que dans les différentes autres lois de la République.
Aussi, affirme-t-il, qu’il est interdit qu’un membre du Gouvernement, déjà visé par les articles 96 et 108 de la Constitution, détienne ou tente de détenir concomitamment sa fonction de Premier ministre, de Vice-Premier ministre, de Ministre d’État, de Ministre, de Ministre délégué et de Vice-ministre au même moment avec les fonctions ou mandats ainsi énumérés.
A l’égard plus spécifiquement du mandat de député national et de sénateur, cette interdiction du cumul des fonctions et des mandats est d’autant plus stricte qu’elle vise, en réalité, à protéger l’exercice par le Pouvoir législatif de sa mission de contrôle du Pouvoir exécutif, en vertu des articles 100, 138, 146 et 147 de la Constitution.
Le Conseil d’État relève qu’à travers les dispositions de l’article 77 de la loi précitée et en se référant aux articles 96 et 108 de la Constitution, le législateur congolais établit un régime d’interdiction de cumul des fonctions et mandats visés ci-dessus. Il souligne que sur la base de cette disposition soumise à son interprétation, aucun membre du Gouvernement ne peut, tout en conservant cette qualité, porter en même temps notamment la qualité de membre de l’Assemblée nationale, du Sénat, de l’Assemblée provinciale, du Conseil urbain.
L’article 78 de la loi électorale dispose, quant à lui, que : « L’élu qui fait l’objet de l’une des incompatibilités visées à l’article 77 points 1, 3, 4, 6, 7 et 9 doit opter, dans les huit jours de la validation de mandat, entre son mandat et les autres fonctions qu’il exerce. S’il opte pour son mandat, il en avise, par lettre dans le même délai, selon le cas, le bureau : De l’Assemblée nationale, Du Sénat, De l’Assemblée provinciale, Du Conseil urbain, Du Conseil communal, Du Conseil de secteur ou de chefferie, De la Commission électorale nationale indépendante, A défaut de se prononcer dans le délai fixé, il est présumé avoir renoncé à son mandat ».
Le Conseil d’État considère que, pour le législateur congolais, et en application du régime d’interdiction de cumul des fonctions et mandats prévu à l’article 77, tout responsable visé aux points 1, 3, 4, 6, 7 et 9 dudit article, a l’obligation – et non la faculté – d’opérer, dans les huit jours qui suivent la validation de son mandat à l’Assemblée nationale, au Sénat, à l’Assemblée provinciale, au Conseil urbain, au Conseil communal, au Conseil de secteur ou de chefferies, le choix entre ledit mandat et les fonctions incompatibles qu’il exerce actuellement, à défaut de quoi, le législateur consacre une présomption de renonciation automatique à son nouveau mandat électif.
Pour le Conseil d’État, en instituant un tel délai de huit jours afin d’opérer par écrit son choix, et en l’assortissant d’une présomption de renonciation automatique au mandat reçu, le législateur entend donner un effet immédiat au régime d’interdiction de cumul de mandats ou de fonctions, afin d’éviter, la survenance de certains risques, notamment le risque de confusion des rôles et des doubles paiements, le risque de possibles conflits d’intérêts et le risque de menace de l’équilibre des fonctions constitutionnelles.
Il estime que l’existence de ce délai légal, assorti d’une telle sanction de perte de mandat, emporte pour conséquence l’impossibilité d’invoquer le principe de la continuité de l’État en tentant de justifier la pérennisation, même d’une manière temporaire et provisoire, du cumul de mandats, le Président de la République étant la seule institution constitutionnelle chargée d’assurer la continuité de l’Etat, en vertu de l’article 69 alinéa 2 de la Constitution actuellement en vigueur.
En outre, il note que le caractère provisoire des résultats des élections proclamés par la CENI en sigle, ne peut faire fortune conformément aux dispositions de l’article 103 alinéa 2 de la Constitution qui dispose que : « le mandat du député national commence à la validation des pouvoirs par l’Assemblée Nationale et expire à l’installation de la Nouvelle Assemblée ».
En l’espèce, relativement à son avis, le Conseil d’État note que, dès le moment où les responsables publics visés aux points précités de l’article 77 de la loi électorale, ont opéré leur choix en avisant par écrit, comme voulu par le législateur, le bureau : de l’Assemblée nationale, du Sénat, de l’Assemblée provinciale, du Conseil urbain, du Conseil communal, du Conseil de secteur ou de chefferie, de la Commission électorale nationale indépendante, ce choix emporte pour effet immédiat la cessation automatique et définitive de leurs fonctions ou mandats actuels ; la validation de leurs mandats par les Assemblées délibérantes faisant naître dans leur chef et pour leurs comptes tous les droits et toutes les obligations attachés à leur nouvelle fonction élective.
En tout état de cause, nul ne peut, tout en étant au sein de l’exécutif, prétendre régulièrement exercer, même pour une courte durée, au-delà des huit jours, le mandat électif notamment celui parlementaire.
Se déclara compétent à connaître de la requête inscrite sous RITE 001 ; Déclara recevable la requête précitée et émet son avis en ces termes : A travers l’article 77 de la loi électorale, le législateur congolais entend établir un régime d’interdiction de cumul des fonctions et mandats qu’il vise ;
Ainsi , à partir du moment où les responsables publics visés aux points précités de l’article 77 de la loi électorale, ont opéré leur choix en faveur de leur nouveau mandat électif, sur le fondement de l’article 78 de cette même loi électorale, ce choix emporte pour effet immédiat la cessation automatique et définitive de leurs fonctions ou mandats actuels ; la validation de leurs mandats par les Assemblées parlementaires faisant naître dans leur chef tous les droits et toutes les obligations attachés à la fonction parlementaire ;
· Deuxièmement, la Cour Constitutionnelle sous Rconst 2139, saisie par voie de requête signée le 1er février 2024 par le premier ministre, Sama Lukonde, au sujet de la problématique de l'incompatibilité entre les fonctions au sein du gouvernement et les mandats électifs, la Cour Constitutionnelle a rendu son arrêt le jeudi, 8 février 2024. Ainsi, la Cour Constitutionnelle était saisie pour interpréter l’article 110, alinéas 2 et 3 de la constitution de la République.
En effet, le premier ministre voulait obtenir un arrêt de la Haute Cour lui permettant, ainsi qu’à ses ministres, membres de leurs cabinets respectifs et ceux du Secrétariat général du gouvernement, après validation de leurs pouvoirs par l’Assemblée nationale, de suspendre leur mandat électif afin de poursuivre leurs charges gouvernementales jusqu’à la formation du nouveau gouvernement, puis de reprendre leurs mandats électifs après la passation de pouvoir avec les membres du nouveau gouvernement.
“Non”, trancha la Cour constitutionnelle, en ces termes : « La Cour constitutionnelle, siégeant en matière d’interprétation de la constitution, après avoir entendu l’avis du procureur général, se déclare compétente, déclare la requête recevable, dit que l’article 110, alinéas 2 et 3 de la constitution s’applique aux responsables publics dont les fonctions incompatibles surviennent après la validation de leurs pouvoirs, tandis qu’en cas d’intérim, la question relève du droit d’option entre l’exercice des fonctions incompatibles et la renonciation à leur mandat électif ou inversement. En conséquence, la Cour déclare que les membres du gouvernement, des cabinets ministériels et du Secrétariat général du gouvernement, nouvellement élus députés nationaux, sénateurs, députés provinciaux, conseillers communaux des secteurs ou des chefferies, et qui optent pour leur mandat électif perdent d’office et immédiatement leurs fonctions incompatibles, et leur intérim doit être assuré de droit conformément à la constitution, aux lois et règlements de la République ».
Rappelons que le premier ministre Sama Lukonde a motivé sa requête tout en rappelant que sur 60 membres qui composent le gouvernement, 51 ont usé de leurs droits d’éligibilité reconnus à tout Congolais par l’article 5 alinéa 5 de la constitution parmi lesquels 31 ont été élus députés nationaux.
La Cour Constitutionnelle a par ailleurs argué que les membres du gouvernement élus députés nationaux ne peuvent évoquer la continuité de l'État pour se cramponner au pouvoir et que seul le président de la République assure la continuité de l'État.
Ainsi, au regard de ce qui précède, le Président de la République n’est pas fondé à autoriser le gouvernement démissionnaire à assurer les affaires courantes tant qu’ils sont dans les cas d’incompatibilité. Ces responsabilités inédites pour un tel gouvernement représentent un précédent dangereux pour l’exercice de la démocratie.
Pour raison de continuité tant vantée, seuls les ministres qui ne sont pas en incompatibilité ainsi que les secrétaires généraux, peuvent assurer l'intérim.
5. Que conclure ?
Sauf affirmer que la Constitution de la RDC est claire. Une fois élus et leurs pouvoirs validés, les députés nationaux sont soumis au régime des incompatibilités ; leur mandat est incompatible avec d’autres mandats et fonctions bien énumérés dans la Constitution; ce qui entraîne l’interdiction de cumul des fonctions et des mandats. Ainsi, les ministres concernés devaient cesser immédiatement leur participation aux activités du gouvernement. Le président de la République n’a donc aucun pouvoir discrétionnaire de garder, même pour expédier des « affaires courantes » des membres du gouvernement en flagrante incompatibilité avec leurs qualités d’élus. Il n’y a aucun vide institutionnel et nous ne sommes pas face d’une situation nouvelle ou sans précédent. Soit les ministres députés renoncent à leurs mandats et laissent siéger les suppléants, soit les non députés récupèrent leurs attributions, ou alors les secrétaires généraux.
Dans l’histoire politique de la RDC, il est à noter que la RDC a connu la gestion des affaires courantes pendant la vacance du gouvernement par les secrétaires généraux des ministères et ce, en vertu de l’ordonnance n° 92-165 du 10 décembre 1992 dont l’article 1er disposait clairement que « les secrétaires généraux des ministères sont chargés d’expédier les affaires courantes, jusqu’à l’entrée en fonction du gouvernement d’union nationale ».
Mais dans l’entretemps que faire si pas demander qu’après ce passage en force, quels sont les garde-fous pour éviter les excès de pouvoir ou de mandat ?
L’obligation pour un gouvernement de gérer les affaires courantes trouve sa justification dans l’impossibilité, pour le Parlement, d’exercer temporairement un contrôle sur l’action de celui-ci. Tel semble être le cas durant la gestion des affaires courantes, et au regard de la jeunesse du parlement qui vient à peine d’être élu. Cette absence de contrôle parlementaire sérieux rendra d’autant plus indispensable la mise en œuvre d’un contrôle juridictionnel effectif sur le gouvernement, afin de vérifier que celui-ci n’excède pas les limites des affaires courantes « maladroitement acquises ». La justiciabilité de la théorie des affaires courantes constitue ainsi un rempart contre les éventuels excès d’un gouvernement qui se montrerait trop « zélé » en voulant aller au-delà̀ de ses compétences limitées.
L’importance du contrôle juridictionnel est rendue accrue par la nature de l’enfantement de ce gouvernement des affaires courantes. Dans ces circonstances, si l’on comprend la nécessaire évolution du concept d’« affaires courantes », celle-ci ne peut toutefois se faire que de manière encadrée par le biais des contrôles juridictionnels.
Ainsi, c’est le Conseil d'État qui devrait veiller à ce que le gouvernement démissionnaire ne sorte pas de son rôle circonscrit aux affaires courantes. A posteriori, il a la capacité d’annuler les décisions prises qui outrepasseraient ces fonctions. En aurait-il le culot ? Dieu seul sait !
[1] Marcel Waline, note sous C.E. fr., 4 avril 1952, Syndicat régional des quotidiens d’Algérie, Rev. dr. pub., 1952, pp. 1032 et 1033.
[2] J. Gicquel, Essai sur la pratique de la Ve République. Bilan d’un septennat, coll. Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, Paris, L.G.D.J., 1968, p. 30.
[3] Comme ce fut le cas en Belgique entre le 21 décembre 2018 et le 17 mars 2020, date de prestation de serment du Gouvernement Wilmès de plein exercice.
[4] F. Delperee, « Les affaires courantes en Belgique », Service public et libertés : mélanges offerts au Professeur Robert-Édouard Charlier, Paris, Éditions de l’université́ et de l’enseignement moderne, 1981, p. 53
[5] Fernand Bouyssou, « L’introuvable notion d’affaires courantes : l’activité des gouvernements démissionnaires sous la Quatrième République », Revue française de science politique, 20e année, n°4,1970, p. 645.
[6] Les affaires courantes sont les « affaires qui relèvent de la gestion quotidienne de l’État » Conseil d’État, arrêt du 31 mai 1994
[7] Fernand Bouyssou, op.cit. pp. 645-680
[8] Baeselen S. Toussaint J.B. Pilet N. Brack, Quelle activité parlementaire en période d’affaires courantes ? in Les cahiers de l’ULB et du PFWB n° 1, P 10 et suiv
[9] Fernand Bouyssou, op.cit. pp. 645-680
[10] Cette catégorisation met en exergue les actes que le gouvernement est encore capable de prendre seul.
[11] Pour reprendre le terme utilisé par H. Dumont et csrts, Droit constitutionnel II. Parties IV et V, Syllabus, Université Saint-Louis–Bruxelles, 2019-2020, p. 178.
[12] C.E., arrêt Ory, n° 47.691 du 31 mai 1994. Voy. aussi A. Wirtgen, « Réflexions sur la notion d’affaires courantes. Obs. sous C.E., a.s.b.l. Syndicat des Avocats pour la Démocratie, n° 214.911, 31 août 2011 », C.D.P.K., 2012/2, pp. 294-295.
[13] C.E., arrêt Demet, n° 228.128 du 29 juillet 2014.
[14] S. Weerts,«La notion d’affaires courantes dans la jurisprudence du Conseil d’État», A.P.T., 2001/2, p. 114. C.E., arrêt Berckx, n° 17.128 du 9 juillet 1975.
[15] A. Wirtgen, « Réflexions sur la notion d’affaires courantes. Obs. sous C.E., a.s.b.l. Syndicat des Avocats pour la Démocratie, n° 214.911, 31 août 2011 », op. cit., p. 295.
[16] C.E., arrêt Meulemeester, n° 141.188 du 24 février 2005.
[17] Pour une étude détaillée sur l’urgence et notamment ses causes d’apparition, voy. L. Maniscalco, « Des affaires pas si courantes que cela... », R.B.D.C., 2015/1, pp. 34-53.
[18] C.E., arrêt Rijmenans, n° 220.717 du 24 septembre 2012 ; C.E., arrêt Leclercq, A/46.028 du 31 mai 1994.
[19] C. Behrendt et M. Vrancken, Principes de Droit constitutionnel belge, op. cit., pp. 332-333 ;
[20] J. Velaers, « Les principes généraux du droit à « valeur constitutionnelle » : des incontournables de notre ordre constitutionnel », Les sources du droit revisitées, v. 1, Normes internationales et constitutionnelles, I. Hachez et al. (dir.), Bruxelles, Publications des Presses universitaires de l’Université Saint-Louis, 2013, pp. 559 et 560.
[21] H. Dumont, « Les coutumes constitutionnelles, une source de droit et de controverses », op.cit., p. 606. De la sorte, le changement de position du juge administratif assure un contrôle en la matière sur l’ensemble des actes administratifs.
[22] C. Behrendt et M. Vrancken, Principes de Droit constitutionnel belge, op. cit., pp. 616-617.
[23] C.E., arrêt A.S.B.L. Association du personnel wallon et francophone des services publics, n° 17.131 du 14 juillet 1975.
[24] H. Kelsen, Théorie pure du droit, Neuchâtel, Éditions de la Balconnière, 1953, pp. 40-45.
[25] H. Dumont, op.cit., pp. 512-515.
[26] Tout d’abord, selon une première thèse que l’on peut qualifier de majoritaire en doctrine, l’expédition des affaires courantes serait une coutume constitutionnelle. Ce point de vue est notamment partagé par Hugues Dumont, pour le motif que les trois éléments constitutifs de la coutume constitutionnelle se trouvent réunis en l’espèce.
- Premièrement, la limitation des compétences de l’équipe ministérielle aux affaires courantes procède d’une pratique en Belgique et en France.
- Deuxièmement, la pratique est conforme aux autres règles constitutionnelles, à savoir la constitution formelle ainsi que les principes généraux du droit à valeur constitutionnelle, puisqu’elle est classiquement présentée comme « la résultante du principe général de la continuité des services publics combiné avec la règle écrite de la responsabilité ministérielle ».
- Troisièmement et enfin, cette règle est exigée « par le fonctionnement harmonieux des institutions publiques », puisqu’elle permet au Gouvernement de continuer à fonctionner malgré l’absence de contrôle parlementaire.
Selon une seconde thèse, la règle limitant les compétences du collège gouvernemental en période d’affaires courantes serait une application du principe général de droit à valeur constitutionnelle de continuité de l’État à la question de la responsabilité d’un Gouvernement qui échappe temporairement au contrôle parlementaire. Selon cette dernière position, il n’y a pas lieu à y voir une coutume constitutionnelle.
[27] C.E., arrêt de Crombrugghe de Picquendaele, n° 234.747 du 17 mai 2016.
[28] Ibid, p. 6.
[29] Nicolas Bernard, Quelle évolution pour le concept d’affaires courantes ? in Affaires courantes, Actes du colloque organisé par le Centre d'Études Jacques Georgin à la Chambre des représentants, le 29 novembre 2019, p14.