Les faits : Depuis le 2 septembre 2024, l’arrestation de Seth Kikuni, ancien candidat à la présidentielle 2023 et opposant – par l’ANR qui niait le détenir et puis l’a présenté devant le Parquet Général de la Gombe et ce dernier a demandé à la Chambre du conseil du Tripaix de Kin-Gombe de le mettre en détention préventive supplémentaire - continue de défrayer les manchettes de la presse sur les garanties de la liberté d’expression après s’être exprimé sur les incidents survenus lors d’une tentative d’évasion à la prison centrale de Makala à Kinshasa. Ainsi, il semble qu’en RDC, la liberté d’expression est garantie mais pas celle « d’après expression » !
En Droit : La liberté d’expression fait partie des libertés fondamentales, piliers de toute démocratie. En RDC, elle est un droit fondamental garanti par la constitution, spécialement à son article 23 qui dispose : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit implique la liberté d’exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l’écrit et l’image, sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs ». Ce droit est également garanti par des instruments juridiques internationaux que la RDC a ratifié, notamment la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, ainsi que la Déclaration des principes sur la liberté d’expression en Afrique.
Pourtant, cette liberté d’exprimer « librement » ses idées n’est pas une liberté absolue et certaines limites s’imposent à son exercice ; pas de façon arbitraire ! Si le droit autorise le gouvernement à déroger à certaines obligations en matière de respect cette liberté, des normes strictes régissent ce qu’il peut faire et comment il peut le faire. Ces restrictions doivent avoir une base juridique claire, être nécessaires et proportionnées, garantissent que l’essence de la liberté d'expression, y compris la liberté de rechercher, de recevoir et de transmettre des opinions et des informations, soit sauvegardée.
Dans la pratique, il est déploré des écarts entre les prescrits juridiques et l’agir surtout politique au sujet de cette liberté à l’endroit de ceux qui ne partagent pas les opinions du pouvoir et ces restrictions à la liberté d’expression ne sont pas conforment aux normes. Reconnaissons que le champ opératoire de la liberté d’expression est étendu. Car elle recouvre également la diffusion de messages, d’idées ou de points de vue selon d’autres modes que l’expression orale ou écrite. Les possibilités pour exprimer ses opinions et s’informer augmentent chaque jour davantage ! Les outils de communication numérique et les réseaux sociaux notamment ont le vent en poupe. Que de possibilités ! Mais cela génère aussi des problèmes et des abus.
Quelle est la ligne à ne pas franchir quand l’on s’exprime ? Deux théories s’affrontent : La première considère que le champ de protection de la liberté d’expression rencontre inévitablement des limites, en sorte que certains messages ne sauraient faire partie de ses éléments constitutifs ; La seconde procède d’une vision plus large du champ opératoire de cette liberté. Le problème se situe alors non pas sous l’angle de l’objet ou du contenu des messages protégés, mais sous l’angle des restrictions susceptibles d’être opposées à cette garantie. Ainsi, lorsque les opinions cèdent leur place aux injures ou à des propos offensants et diffamatoires, une difficulté surgit sous l’angle de la protection conférée par la liberté d’expression. Ainsi, il faut une soupape de sécurité en faveur – surtout - des politiques à travers l’exigence imposant de conserver un minimum de modération et de bienséance. En conclusion : Pas une liberté absolue, mais cela ne justifie pas sa violation sans raison valable, comme dans un État voyou.
Me Joseph YAV KATSHUNG