I. Cadre légal et réglementaire
La RDC présente la particularité de disposer de deux textes légaux et une instruction de la Banque Centrale pour régir la famille de structures de financement de proximité : la loi 002/2002 du 02 février 2002 portant dispositions applicables aux COOPEC et la loi 003/2002 du 02 février 2002 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit et enfin l’instruction No 1 aux IMF du 13 septembre 2003 telle que modifiée et complétée le 18 décembre 2005.
Sur le plan institutionnel, le Ministère des finances assure la tutelle juridique et la responsabilité globale du secteur financier en RDC. Il constitue aussi la tutelle de la Banque Centrale du Congo.
La Banque Centrale du Congo (BCC) est l’autorité de réglementation, d’agrément et de supervision de tous les établissements financiers.
Le Ministère de Petites et Moyennes Entreprises (MPME), actuellement fusionné avec le Ministère du Commerce est en charge de la promotion du secteur de la microfinance en RDC.
II. Les formes juridiques et institutionnelles
Les institutions de financement de proximité peuvent revêtir plusieurs formes légales dans le contexte congolais.
Diversité des acteurs autorisés par la législation. Il existe une diversité de catégories possibles pour consentir du crédit et réaliser tout ou partie des opérations de microfinance au regard de la réglementation financière. La loi bancaire n°003-2002 prévoit cinq catégories : banque, coopérative d’épargne et de crédit, caisse d’épargne, institution financière spécialisée et société financière.
En plus de ces cinq catégories, on trouve essentiellement les institutions de microfinance (IMF) subdivisées en trois niveaux, les messageries financières, les organismes sans but lucratif consentant du « crédit social » et le service des comptes chèques postaux.
Les banques agréées, sont constituées sous forme de SARL. Le capital minimum prévu est la contrepartie en francs congolais de 1,5 million USD. Le processus pour créer une SARL peut être long car, il suppose une autorisation de l’Exécutif, octroyée autrefois par ordonnance ou décret présidentiel et, depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution, en principe par un décret gouvernemental.[1]
Les banques peuvent exercer l’ensemble des opérations bancaires. Il existe en RDC une banque spécialisée dans la microfinance[2], et d’autres banques ont rajouté des services de microfinance à leurs opérations.
Le secteur bancaire est ouvert aux investisseurs privés, nationaux et internationaux.
Les coopératives d’épargne et de crédit, font en outre l’objet d’une loi spécifique (loi 002-2002 du 2 février 2002) ; il n’est pas prévu de capital minimum. Les coopératives financières de premier niveau (« coopec ») peuvent s’organiser en réseaux, avec des structures de deuxième niveau (« coocec ») et de troisième niveau (« union »). Elles peuvent recevoir des dépôts de leurs membres et leur consentir du crédit, mais leur compétence financière est limitée : elles ne sont pas intégrées au système national de paiement.
La réglementation applicable présente certaines limites[3], par rapport aux enjeux de la croissance et de la professionnalisation de l’activité. Comme exemple, bien qu’elle prévoie l’organisation en réseau, il n’est pas intégré de disposition spécifique permettant une planification de la structuration et de la concentration de la multitude des « coopec » éparses à travers le pays.
La prise en compte par les textes réglementaires de ces dimensions dans le cadre d’une vision stratégique du secteur et de la supervision à moyen et long terme constitue un enjeu majeur pour cette catégorie d’établissements de crédit.
La CADECO (Caisse d’Épargne du Congo), est un établissement public dont la vocation est de collecter l’épargne populaire. Elle se trouve en situation de quasi-cessation d’activité depuis plusieurs années.
Les institutions financières spécialisées (IFS), sont le plus souvent des structures publiques « auxquels l’État a confié une mission d’intérêt public », comme par exemple le Fonds de Promotion de l’Industrie (FPI). Il n’existe aucune IFS en microfinance.
Les sociétés financières, ne peuvent en principe pas recevoir de dépôts à vue du public, et « ne peuvent effectuer que les opérations de banque résultant soit de la décision d’agrément qui les concerne soit des dispositions légales et réglementaires qui leur sont propres »[4]. Les sociétés financières sont ouvertes aux investisseurs privés pour réaliser des activités de crédit en RDC.
De par le monde, les sociétés de crédit à la consommation et de leasing / crédit bail sont souvent agréées en tant que société financière. Cette catégorie peut aussi abriter des établissements spécialisés dans le microcrédit.
Les institutions de microfinance (IMF) ne font pas partie des établissements de crédits relevant de la loi bancaire n° 003-202 et sont régies plutôt par l’instruction n°001 aux IMF.
Les IMF sont classées en trois niveaux par l’instruction n°001 :
- les Entreprises de microcrédit de première catégorie (IMF 1)
- les Entreprises de microcrédit de deuxième catégorie (IMF 2)
- les Sociétés de microfinance (IMF 3)
Depuis la réforme de décembre 2005, les IMF 1 ne peuvent plus recevoir de dépôts du public, et leur capital minimum a été porté à 15 000 USD. La forme juridique est libre, sous réserve du droit des personnes morales ; pour cette raison la BCC estime que la forme associative / ONG n’est pas possible et demande la constitution sous forme de société (simple société civile ou mieux, sous forme de SPRL). Les opérations de crédit sont plafonnées à 250 USD par client.
Les IMF 2 ne peuvent recevoir de dépôts du public que par accessoire[5] et par dérogation de la BCC. En application du droit des sociétés, pour recevoir des fonds du public elles devraient être constituées sous forme de SARL. Leur capital minimum est de 50 000 USD.
Enfin, les sociétés de microfinance (IMF 3) sont des SARL autorisées à collecter l’épargne du public et à leur octroyer du crédit. Leur capital minimum est de 100 000 USD.
Le capital des IMF, lorsqu’il est constitué sous forme de société, est ouvert aux investisseurs privés nationaux et internationaux, y compris aux ONG nationales ou internationales intervenant en microfinance.
Les messageries financières ne sont pas des établissements de crédit en application de l’article 5 de la loi 003-2002, qui les exclut d’octroyer des crédits au même titre que d’autres structures[6]. Elles demeurent soumises aux obligations déclaratives demandées par la BCC, et sont soumises plus spécifiquement à l’instruction administrative BCC n° 006[7]. Une messagerie financière peut être constituée sous forme de SPRL. Afin de renforcer la force obligatoire et la stabilité de la réglementation, il est prévu de légiférer dans ce domaine.
Un intermédiaire financier autre qu’une banque[8] pourrait utiliser cette catégorie pour disposer d’un outil habilité à effectuer des transferts de fonds. Cette catégorie pourrait être utilisée par les banques et institutions financières dotées d’un réseau d’agences restreint, pour étendre leurs services financiers auprès d’une plus grande fraction de la population dans le cadre d’une approche de « banque sans agence » utilisant les services de revendeurs détaillants pour la gestion du service de caisse[9].
Enfin les « organismes sans but lucratif qui, dans le cadre de leur mission et pour des motifs d’ordre social, accordent sur leurs ressources propres, des prêts à des conditions préférentielles à certains de leurs membres » ne sont pas réglementés[10].
Cette catégorie, issue de la législation bancaire française et fréquente en zone francophone, peut permettre à une ONG, association sans but lucratif (ASBL) voire à une association coopérative[11] de consentir du crédit à ses membres « pour des motifs d’ordre social ». En principe elles ne pourraient pas consentir de microcrédit pour des activités génératrices de revenus aux taux du marché. Toutefois on peut penser que nombre d’ONG pourrait exciper de cet article pour exercer une activité de microcrédit sans entrer dans une catégorie réglementée.
III. Constitution, Capital Minimum, Agrément, Approbations, Interdictions et Incompatibilités
3.1. Constitution
L’Institution de Micro Finance est obligatoirement constituée sous la forme d’une personne morale.
Les Entreprises de micro-crédit de première ou de deuxième catégorie ont la liberté de choisir la forme qui leur convient tandis que les Sociétés de microfinance ne peuvent adopter que la forme de société par actions à responsabilité limitée (SARL).
La Banque Centrale doit s’assurer de l’adéquation de la catégorie de l’Institution de Micro Finance avec l’activité à exercer.
Le nombre minimum d’associés ou actionnaires est fixé, selon le cas, à 2 pour les Entreprises de micro-crédit de première catégorie ou de deuxième catégorie et à 7 pour les Sociétés de microfinance.
3.2. Capital social minimum
Le capital minimum des Institutions de Micro Finance est fixé de la manière ci-après :
1°) L’équivalent en francs congolais de USD 15.000 (quinze mille dollars américains) pour les Entreprises de micro-crédit de première catégorie ;
2°) L’équivalent en francs congolais de USD 50.000 (cinquante mille dollars américains) pour les Entreprises de micro-crédit de deuxième catégorie ;
3°) L’équivalent en francs congolais de USD 100.000 (cent mille dollars américains) pour les Sociétés de microfinance.
Ce capital doit être intégralement libéré à la constitution de ces catégories d’Institutions de Micro Finance.
3.3. De l’Agrément
Avant d’exercer leur activité sur le territoire de la République Démocratique du Congo, les Institutions de Micro Finance doivent obtenir l’agrément de la Banque Centrale.
La demande d’agrément, introduite auprès de la Banque Centrale du Congo, contre avis de réception, devra préciser la catégorie sollicitée.
Le dossier d’agrément comporte les informations et documents suivants:
1°) les statuts et règlement d’ordre intérieur de l’Institution ;
2°) le procès-verbal de l’assemblée Générale constitutive ;
3°) le procès-verbal de l’assemblée Générale élective ;
4°) les curriculums vitae des dirigeants ;
5°) les extraits du casier judiciaire des dirigeants ;
6°) les certificats de bonne vie et mœurs des dirigeants ;
7°) les attestations de résidence des dirigeants ;
8°) les pièces attestant des versements effectués au titre de souscription au capital ;
9°) les prévisions d’activités, d’implantation et d’organisation ;
10°) le détail des moyens techniques et financiers ainsi que des ressources humaines que l’Institution entend mettre en œuvre au regard de ses objectifs (Plan d’Affaires) ;
11°) les règles et procédures comptables et financières et les politiques en matière de crédit et de ressources humaines ;
12°) la preuve de paiement des frais de dossier à la Banque Centrale du Congo.
La Banque Centrale du Congo peut éventuellement demander tous autres documents ou informations susceptibles d’éclairer sa décision.
L’agrément est notifié par une décision de la Banque Centrale du Congo prise dans un délai de 90 jours. Ce délai prend effet à la date de l’avis de réception émis par la Direction de la Banque ayant l’examen des dossiers d’agrément des Institutions de Micro Finance dans ses attributions, pour autant que le dossier d’agrément soit régulier .
Sauf cas de force majeure, passé ce délai, l’Institution de Micro Finance est réputée agréée.
L’acte d’agrément est publié aux frais de l’Institution, au Journal Officiel et dans au moins un organe de grande diffusion de la presse nationale. Il précise la catégorie dans laquelle l’Institution est classée et énumère les opérations et services de microfinance qui lui sont autorisés.
L’examen de la demande d’agrément peut être confié à d’autres structures ou personnes dans les conditions déterminées par la Banque Centrale du Congo.
La Banque Centrale dresse et tient à jour la liste des Institutions de Micro Finance agréées auxquelles est affecté un numéro d’inscription. Cette liste ainsi que les modifications dont elle fait l’objet sont publiées annuellement au Journal Officiel.
Les Institutions de Micro Finance doivent faire figurer leur numéro d’inscription sur toute correspondance ou publication.
IV. Organisation et Fonctionnement.
Les organes statutaires des Institutions de Micro Finance dépendent de la forme juridique qu’elles auront choisie au moment de leur constitution ; cependant, les sociétés de Micro Finance sont impérativement obligées de se constituer sous la forme d’une société par actions à responsabilité limitée (SARL).
Les règles d’organisation et de fonctionnement d’une Institution de Micro Finance sont déterminées dans ses statuts et règlement intérieur.
Pour un fonctionnement harmonieux des activités de l’Institution de Micro Finance, le cumul des fonctions de gestion et de contrôle, par un même organe, est interdit. Les Dirigeants d’une Institution de Micro Finance sont désignés conformément aux dispositions statutaires.
[1] En droit OHADA une immatriculation au greffe du tribunal (registre du commerce et du crédit mobilier) suffit, et le processus est infiniment plus rapide.
[2] ProCredit Bank
[3] Notamment en termes d’adéquation des normes prudentielles, ainsi que de procédures de liquidation pour les structures en faillite.
[4] Loi 003-2002, article 3 alinéa 4
[5] Ce qui signifie que ces dépôts doivent être accessoires à l’activité principale (en général le crédit)
[6] A savoir : les organismes de retraite ; les agents et/ou bureaux de change ; les loteries et les entreprises de collecte dans des buts sociaux qui sont sujettes à l’autorisation préalable des autorités publiques ; les autres intermédiaires financiers.
[7] Instruction administrative n° 006 portant réglementation de l’activité des messageries financières en date du 18 mai 2001.
[8] Les banques sont déjà autorisées à effectuer des transferts.
[9] Sous réserve des évolutions futures de la réglementation sur les messageries financières, qui viendraient sécuriser ou au contraire rendre impossible cette solution institutionnelle.
[10] La loi bancaire 003/2002 prévoit que le monopole relatif aux opérations de crédit ne s’applique pas à eux, ils peuvent donc librement exercer leur activité, d’autant plus que l’on peut considérer qu’ils n’effectuent pas d’opération d’intermédiation financière.
[11] Forme juridique créée par le Décret du 24 mars 1956 ; à ne pas confondre avec les sociétés coopératives, lesquelles sont des sociétés commerciales.