Les faits : En RDC, pays de 2,3 millions km2, les routes praticables sont rares et les liaisons aériennes ne desservent qu’un nombre limité de coins et recoins. Le réseau fluvial et lacustre demeure donc un moyen de communication incontournable avec un chapelet de chavirements des embarcations occasionnant de lourdes pertes en vies humaines.
Il y a juste une année, soit en octobre 2023, le Président de la République - lors d’un conseil des ministres - avait demandé au gouvernement de capitaliser sur le fleuve Congo et les rivières comme un prolongement des routes pour couvrir le territoire national, d’où la nécessité - pour lui - de tout mettre en œuvre pour éviter ces naufrages meurtriers et fréquents. Un plan d’action devrait voir le jour. Hélas, la série noire se poursuit ; voilà qu’un bateau dénommé MV Merdi en provenance de la cité de Minova en province du Sud-Kivu vient de chavirer à quelques mètres d’accostage au port de Kituku, en ville de Goma ce matin 03 octobre 2024.
Cette scène triste fait la une des réseaux et presse et le bilan de naufragés n’est pas encore déterminé. Quelles responsabilités en dégager et surtout comment prévenir cette série d’accidents tragiques sur les voies d’eau de la RDC ?
En Droit : Les naufrages sont souvent dus aux mêmes causes : surcharge, mauvais balisage des voies navigables, navigation nocturne ou encore la non-conformité des embarcations. Ainsi, la responsabilité du transporteur maritime, fluvial ou lacustre est engagée et peut puiser sa source aussi bien dans un contrat qu’en dehors de tout lien contractuel. Il est un débiteur d’une obligation des résultats car, il s’engage à transporter des personnes ou des biens, ou les deux à la fois d’un point donné jusqu’à un autre point.
En RDC, ce transporteur est responsable de la bonne exécution des contrats conclus par lui ou ceux conclus pour son compte par ses préposés et représentants. Par conséquent, en cas d’inexécution par lui de ses obligations contractuelles, sa responsabilité va se voir engager sur pied de l’article 258 du code civil congolais livre III, sauf cas de force majeure ou cas fortuit, de s’exécuter complètement et entièrement. Si le naufrage survient, il ne pourra être exonéré qu’en apportant la preuve que le naufrage qui a été à la base de l’inexécution du contrat dans son chef a été dû à un cas de force majeure, imprévisible et qu’il était absolument impossible d’éviter. Ce qui sera difficile à prouver surtout si l’on considère que même les bouées ou gilets de sauvetage ont fait défaut.
Il reste à vérifier si le transporteur avait souscrit l’Assurance Responsabilité Civile des Transporteurs Maritimes, Fluviaux et Lacustres ou des Voies de Navigation intérieures prévue par l’article 188 de la loi du 17 mars 2015 portant Code des assurances qui est légalement obligatoire pour toute personne qui exerce une activité de transport public de voyageurs par voie maritime, fluviale ou lacustre et qui est, à ce titre, assujettie au contrôle de la direction de la marine et des voies navigables, assurant ainsi sa responsabilité civile à l’égard des passagers transportés à titre onéreux. Aux termes des articles 191 et 192 du code des assurances, le transporteur est tenu de détenir un certificat d’assurance attestant la souscription d’une assurance de responsabilité civile conforme et en cours de validité de la garantie. A défaut, il s’expose, à une amende sans préjudice de la souscription de l’assurance en cause, aux conditions de garantie stipulées à l’article 189.
Mais hélas, Dieu seul sait si c’est le cas dans le récent sinistre et comble de tout ça, lors des embarcations, l’on retrouve une pléiade de services dont la DGM, l’ANR, la Police fluviale qui ne sont là que pour des raisons « de profit » plutôt que de contrôler les conditions et les consignes de sécurité pour les passagers.
En attendant « le plan d’action du gouvernement », le port des gilets de sauvetage pour chaque passager avant l’embarquement devrait être rendu obligatoire avant tout voyage quelle que soit la distance, pour sauver des vies humaines en cas de naufrage. Mais quelle est la part des passagers dans tout ça ? C’est peut-être un autre débat mais pas le moindre !
Me Joseph YAV KATSHUNG