Introduction
Combien de fois n’entendons-nous pas dans les milieux des juristes que le Ministère Public, Magistrat du Parquet (MP) n’a rien à faire dans les dossiers civils ou les matières civiles ? Cela se traduit par l’ignorance, le mépris des textes légaux et aussi cette attitude est corroborée par des agissements en marge de la loi par certains officiers du ministère public, qui en abusent. Ils cherchent ou voient les faits infractionnels dans tous les dossiers dans lesquels ils sont intéressés. Mais cela, n’enlève en rien leur rôle de garant en matière de famille surtout lorsque les intérêts de l’enfant sont en jeu.
Dans le souci de protéger les enfants mineurs contre les abus de toute sorte qu’ils connaissent de fait de leur immaturité, incapacité, naïveté, etc., le législateur du Code de la Famille de la République Démocratique du Congo a fait du MP, le protecteur des intérêts de l’enfant. Curieusement, ni le MP encore moins les victimes (enfants) et les tiers ne connaissent pas ce rôle du MP avec toutes les conséquences que cela entraîne.
Ici, c’est le lieu de passer en revue les quelques dispositions qui donnent le pouvoir au MP d’agir au nom de l’enfant afin d’assurer sa protection. Précisons que c’est purement à titre illustratif que nous évoquerons certaines dispositions en les commentant pour étayer notre argumentaire et mettre à la disposition de tous, la petite puce à l’oreille.
Rôle et pouvoir du MP en matière de famille
Le Code de la famille dans bon nombre de ses dispositions donne au MP le pouvoir d’initier des actions en faveur de l’enfant chaque fois qu’il y va de son intérêt supérieur. C’est notamment en cas de tutelle (article 236) ; de la garde, l’entretien, l’éducation des enfants et droit de visite (article 588) ; de l’action en recherche de paternité (article 631) ; etc.
En effet, en matière de tutelle ordinaire, en cas de compromission grave dans l’exercice de sa fonction, le tuteur d’un enfant mineur peut être déchargé de ladite fonction. Cela, suite aux abus que les tuteurs commettent sur la personne ainsi que sur les biens de l’enfant dont ils assument la tutelle. Cela se fait par décision du tribunal qui est saisi par le conseil de famille ou par le Ministère Public. Lire à cet effet, l’article 236 du Code de la famille.
En matière de divorce et que l’on aurait attribué la garde, l’entretien, l’éducation des enfants et droit de visite à un des parents et qu’il n’y va pas de l’intérêt de l’enfant mineur, le Ministère Public peut demander la révision de la garde, l’entretien, l’éducation des enfants et droit de visite. Ainsi, aux termes de l’article 588 du CF, les dispositions concernant la garde, l’entretien et l’éducation des enfants ainsi que celles relatives au droit de visite, peuvent toujours être révisées en considération du plus grand avantage des enfants, à la demande du père, de la mère ou du MP.
Aussi, en matière de filiation et précisément en cas d’action en recherche de paternité en vertu du principe que tout enfant congolais doit avoir un père, le Ministère Public peut initier l’action. Ainsi, initialement l’action en recherche de paternité appartient à l’enfant. Pendant la minorité de l’enfant, la mère, même mineure, peut l’exercer. Si la mère de l’enfant est décédé ou encore si elle se trouve dans l’impossibilité de manifester sa volonté, l’action sera intentée par un membre de la famille maternelle de l’enfant, désigné par le tribunal conformément à la coutume ou par celui qui a la garde de l’enfant. Si la mère de l’enfant n’est pas connue ou chaque fois que l’intérêt de l’enfant le requiert, le Ministère Public peut exercer l’action en recherche de paternité.
Il ressort de ce dernier alinéa de l’article 631 du Code de la famille que … chaque fois que l’intérêt de l’enfant le requiert, le Ministère Public peut exercer l’action en recherche de paternité. Cela veut tout simplement dire que le MP peut chaque fois que l’intérêt de l’enfant le requiert, c’est- à -dire du vivant de son prétendu géniteur ou post-mortem initier une action en recherche de paternité au nom de l’enfant mineur contre le père ou contre ses héritiers. Cette action a pour avantage de protéger l’enfant et ses droits : le droit à un père qui doit assurer l’autorité parentale, le droit à succéder, le droit à la nationalité, le droit au nom, etc. Cette action s’initie à tout moment en vertu de son caractère imprescriptible. Ici, il faut relever, une mauvaise lecture de la loi dans le chef de certains juristes de hiérarchiser les initiateurs de l’action. Cela est erroné. Il appartient au MP de démontrer que l’enfant est mineur et que l’intérêt de l’enfant le requiert. Cette notion de l’intérêt de l’enfant n’est pas définie par le législateur et a été laissée vague afin de comprendre tous les avantages et situations auxquels l’enfant peut être confronté (social, moral, psychologique, financier, etc.).
Que Conclure ?
Notons tout simplement que depuis plusieurs années, l’enfant est au centre des préoccupations politiques et juridiques. Les politiques ont pris conscience de l’importance de protéger l’enfant. L’intérêt de l’enfant est donc devenu primordial pour les juristes lorsque ces derniers sont amenés à trouver des solutions à des conflits impliquant un enfant, et le Ministère Public en est le garant. Qu’il sied donc que ce dernier se rende compte de son rôle et qu’il l’assume chaque fois que de besoin et il demeurera le protecteur et défenseur attitré de la société congolaise ! Il sera ainsi « utilement actif » même en matière civile.