Faits : Alors que l’on se prépare à commémorer le GENOCOST en RDC, une vidéo devenue virale montre le Ministre de la Justice de la RDC s’adressant à la foule à Kisangani sur un prétendu détournement d’argent selon le rapport de l’IGF, contre les responsables du Fonds spécial de Répartition de l’Indemnisation aux Victimes des Activités illicites de l'Ouganda en RDC en sigle « FRIVAO » créé par le Décret n° 19/20 du 13 décembre 2019, les présentant en public et demandant que le parquet se saisisse de ce dossier pour que ses coordonnateurs soient mis aux arrêts.
En Droit : Cette question bien qu’actuelle, a toujours taraudé les esprits. Déjà, le Conseil d’État s’était prononcé sur ce droit d’injonction dans son AVIS-RITE 015, à la suite de la requête du 15 avril 2020 du Ministre de la Justice Célestin Tunda, en émettant un avis sur l’interprétation des articles 70 et 72 de la Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 et de l'article 15 de la Loi organique portant statut des Magistrats en ce sens que …L'autorité du Ministre de la Justice sur les MP se limite au pouvoir d'injonction qu'il exerce en saisissant le PG cassation, les PG des Cours d'appel, l'Auditeur Supérieur Militaire ; Ces derniers, saisis par une injonction, dans le cadre de collaboration entre les institutions de l'État, sont tenus d'informer le Ministre par une lettre de la suite réservée aux dossiers judiciaires ouverts suite à ladite injonction sans violer le secret de l'instruction ; Le Ministre n'a pas à interférer dans l'instruction des dossiers judiciaires ... »
Quelle est alors la nature de l’injonction faite par le Ministre de la Justice dans le dossier FRIVAO en RDC ? Il est sans conteste que le Ministre a un pouvoir d’injonction sur le parquet même si la loi n’a pas indiqué le contour ou la forme de cette injonction, la doctrine oriente sa compréhension en deux dimensions : il peut donner l’injonction positive mais pas celle négative. Dans son aspect positif, le ministre peut adresser des instructions générales d'action publique c.-à-d. toutes instructions sans préciser quelle personne déterminée il faut poursuivre, comme c’est le cas dans la vidéo. Mais, le MP reste libre de classer le dossier sans suite. Ce pouvoir d'injonction positive ne signifie pas que le ministre doit prescrire aux MP d'entendre telles personnes précises soupçonnées d’avoir commis des infractions ou donner des injonctions individuelles notamment en sollicitant les arrestations comme ce fut le cas. En désignant nommément les personnes à poursuivre, cette injonction est illégale et s’apparente à un abus de pouvoir, car il ne lui appartient pas en tant que membre du pouvoir exécutif, de designer le coupable. Aussi, toute injonction négative est exclue, qu'elle soit générale ou spéciale, la Constitution le lui interdit expressément car sa mission consiste à faire exécuter les lois et non de s’y opposer.
Au finish, notons que tout droit d'injonction doit être encadré à l’aune des droits de la défense et de la présomption d’innocence, en évitant de faire du populisme qui risque de faire rétrograder la dame justice, qui est déjà malade [sic]. Louons tout de même son courage de nous donner les occasions d’avoir de la matière. Un peu de pondération, tout de même !
Me Joseph Yav Katshung