I. Liminaires
Le régime matrimonial détermine le sort des biens des époux et les règles de leur gestion en fixant les pouvoirs des époux à cette fin. Il organise ainsi la satisfaction des besoins du ménage et éventuellement l’association des époux dans les gains. C’est donc l’aspect économique de l’état du mariage.
Contrairement aux législations française et belge où chaque ménage a le droit de se bâtir son nid comme il l’entend, son régime matrimonial à sa volonté ( ), le législateur congolais retient trois régimes matrimoniaux entièrement et limitativement organisés par la loi qui sont :
Régime de la séparation des biens ;
Régime de la communauté réduite aux acquêts ;
Régime de la communauté universelle.
II. Notions communes à tous les régimes matrimoniaux
2.1. La naissance du régime matrimonial
Le régime matrimonial sort ses effets le jour de la célébration ou de l’enregistrement du mariage.
Si les époux n’ont pas fait le choix d’un régime ?
Si au moment de la célébration ou de l’enregistrement de mariage, les époux n’ont pas fait le choix d’un régime de biens, la loi considère qu’ils sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts ( ).
2.2. La gestion des patrimoines (Biens)
Qui gère les biens ?
Quel que soit le régime matrimonial choisi par les époux, la gestion du patrimoine commun et propre est présumée confiée au mari, à moins qu’il en ait été convenu autrement.
III. Quelles sont les exceptions au principe de gestion maritale en droit congolais de la famille ?
Au principe de la gestion maritale des biens des époux, le législateur consacre deux exceptions ; l’une concernant la gestion des biens dits réservés, et l’autre concernant la mauvaise gestion du mari dûment constatée.
1° La gestion des biens réservés.
Même lorsqu’aucun accord n’est expressément conclu entre les époux concernant la gestion de leurs biens, le code de la famille considère que certains biens demeurent toujours sous la gestion de la femme. Ce sont des biens dits réservés.
Sont ainsi considérés comme réservés :
- Les biens acquis par la femme dans l’exercice d’une profession autre que celle du mari et les économies en provenant. Y sont cependant exclus les gains de commerce exercé par la femme avec à l’aide de biens mis à sa disposition par le mari.
- Les choses qui sont réservées à l’usage personnel de la femme, notamment ses vêtements, ses bijoux, ses instruments de travail, toutes indemnités ou tous dommages et intérêts lui versés du fait d’un accident qui l’aurait privé des gains professionnels sur lesquels elle était en droit de compter.
L’origine et la consistance des biens réservés sont établies à l’égard du mari et des tiers par écrit, sauf impossibilité morale ou matérielle de se procurer une telle preuve.
Suivant les prescrits de l’article 497 alinéa 2, la femme gère et administre seule les biens réservés. Mais le mari garde toujours le droit de l’assumer s’il est établi que la gestion par la femme porte atteinte à l’harmonie et aux intérêts pécuniaires du ménage. Le mari prend dans ce cas seul la décision de gérer les biens réservés de la femme, celle-ci n’ayant plus qu’un recours devant le tribunal de paix contre cette décision du mari.
2° La mauvaise gestion du mari
En cas de mauvaise gestion notoire du mari, la femme peut obtenir du tribunal la gestion de tous les biens propres ou communs des époux.
En effet, les articles 531 et 537 du code de la famille permettent à l’épouse qui est liée soit par un régime de communauté réduite aux acquêts soit de la communauté universelle, d’obtenir la séparation des biens, pour se protéger notamment contre l’impéritie de son époux. C’est la mise en péril des intérêts de l’épouse par le désordre des affaires du mari, sa mauvaise gestion ou son inconduite qui peuvent engendrer cette séparation judiciaire. Nous sommes d’avis que le juge saisi peut, au lieu d’ordonner la séparation des biens, d’ordonner plutôt la gestion des biens par la femme.
§ Pouvoirs exercés conjointement par les deux époux
Quel que soit le régime matrimonial qui régit les époux ; et quelle que soit la personne chargée de gérer les biens des époux tant propres que communs, pour la passation de certains actes juridiques, la loi les oblige à n’agir que de commun accord ou conjointement.
a) Le principe
Ainsi pour l’article 499 du code de la famille, l’accord de deux époux est nécessaire pour cinq séries d’actes à savoir :
- Les actes consistant à transférer une concession foncière commune ou propre, ordinaire ou perpétuelle ou la grève d’un droit d’emphytéose, de superficie, d’usufruit, d’usage, d’habitation, d’hypothèque ou de servitude ;
- Les actes portant aliénation, par incorporation, d’un immeuble commun ou propre ou le grever d’un droit réel d’emphytéose, de superficie, d’usufruit, d’usage, d’habitation, d’hypothèque ou de servitude et d’un bail de plus de neuf ans ;
- Les actes ayant pour objet l’aliénation d’un immeuble commun dont la valeur est supérieure à 50.000zaires ou des titres inscrits de cette valeur au nom du mari et de la femme ;
- Les actes consistant à contracter un emprunt de plus de 10.000 zaïres sur les biens communs ou propres de l’autre époux ;
- Les actes portant donation de plus de 500 zaïres ou portant cautionnement de la dette d’une tierce personne pour un montant supérieur à 5000 zaïres, sur les biens communs ou propres à l’autre époux.
Signalons que depuis lors les zaïres ont été remplacés par les francs congolais.
Cependant, la parité entre les deux monnaies ainsi que les différentes fluctuations monétaires intervenues ont fait qu’à ce jour les valeurs déterminées par la loi sont devenues ont fait qu’à ce jour les valeurs déterminées par la loi sont devenus modiques. La révision des chiffres s’impose pour que la loi reprenne son efficacité.
b) Les modalités d’application du principe
L’accord requis entre les époux pour passer les actes ci haut décrits, peut être exprès ou être présumé. Aussi, si un époux refuse de donner son accord pour la passation de l’acte, l’autre époux peut obtenir du tribunal l’autorisation de le faire.
La présomption d’accord
Lorsqu’un époux passe seul l’acte pour lequel l’accord de deux époux et exigé, cet acte n’est pas néanmoins nécessairement nul. Car la loi institue une présomption d’accord.
En effet, dans les six mois qui suivent la passation dudit acte par un époux, la loi oblige l’autre époux à manifester par écrit son désaccord qui devra être notifié à la partie tierce contractante. S’il ne fait pas, la loi présume qu’il a donné son accord. C’est à bon droit que le tribunal de paix de Rwashi/Kampemba avait jugé que les cessions d’immeubles réalisées en cours de mariage sont présumées avoir été opérées avec l’accord de l’autre époux dans la mesure où dans les six mois après qu’elles aient été passées, il n’y a pas eu de la part de ce dernier une manifestation écrite de son désaccord notifié aux cessionnaires.
Cependant, il nous revient que cette présomption n’est pas irréfragable. Que ce faisant, l’époux peut prouver par tout autre moyen de droit, n’avoir jamais été informé de l’existence de l’acte et partant n’avoir jamais exprimé un quelconque accord. Cela est d’autant plus vrai que l’alinéa 2 de l’article 500 invite le contractant de l’époux à une certaine prudence ; en lui demandant de solliciter l’accord de l’autre époux.
« Tout tiers passant un acte avec le mari ou l’épouse, nécessitant leur accord conjoint, peut au moment de l’établissement de l’acte et dans les six mois qui suivent, réclamer l’accord de l’autre époux ».