Animé par MUPEPE NGALONGA J’aurai, Assistant de Protection à la CNR, sous la direction du Professeur Joseph YAV KATSHUNG, ce séminaire s’est tenu le 13 et 17 Février 2015 à l’Université de Lubumbashi à l’attention des étudiants de 2è Licence de la faculté de Droit dans le cadre du cours de Droit International Privé.
I. DES CONDITIONS D’ACQUISITION DU STATUT DE REFUGIE
a) Fondement juridique
‘’Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays’’, dispose l’article 14, alinéa 1, de la Déclaration Universelle des droits de l’homme. La RDC est tenue à l’obligation solidaire d’accueillir les personnes qui fuient la persécution ou les troubles en vertu de la Convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugiés et ses protocoles additionnels ainsi que celle de l’OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des refugiés en Afrique qu’elle avait ratifiés. En Droit interne, la Constitution congolaise du 18 Février 2006 telle que modifiée à ce jour reconnait le droit d’asile à son article 33. Les modalités d’exercice de ce droit sont fixées par la loi n° 021/2002 portant statut de réfugiés en R.D.Congo.
b) Définitions
➢ Le réfugié
Il serait une surenchère peu utile de s’étaler sur la définition du terme refugié au regard de l’abondance livresque dans ce domaine. Toutefois, reproduire les définitions contenues dans les conventions précitées permettra de rappeler les conditions d’acquisitions du statut de réfugié.
- Selon l’article premier de la convention de Genève de 1951, le terme refugié s’applique à toute personne qui « (…) craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ;ou qui, si elle n’a pas de nationalité se trouve hors du pays dans lequel elle a sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut, ou en raison de la dite crainte, ne veut y retourner ».
- D’après la convention de l’OUA de 1969, « le terme réfugié s’applique également à toute personne qui, du fait d’une agression, d’une occupation extérieure, d’une domination étrangère ou d’événements troublant gravement l’ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d’origine ou du pays dont elle a la nationalité, est obligée de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à l’extérieur de son pays d’origine ou du pays dont elle a la nationalité ».
Comme on peut le constater dans cette dernière définition, la Convention de l’OUA de 1969 sur les problèmes des réfugiés en Afrique a élargie la définition du réfugié pour inclure les personnes qui fuient des événements troublant gravement l’ordre public, tels que des conflits armés ou des troubles ( ).
➢ Le Demandeur d’asile
« Demandeur d’asile » est une expression générale, utilisée pour désigner une personne dont la demande du statut de réfugié n’a pas encore fait l’objet d’une décision. Elle peut faire référence à une personne qui n’a pas encore soumis sa demande ou qui attend une réponse. ( )
Tant que sa demande n’a pas été examinée équitablement, un demandeur d’asile ne peut être expulsé, conformément au principe de non-refoulement, et doit bénéficier de normes humanitaires de traitement. ( )
En RDC, le demandeur d’asile bénéficie d’une autorisation provisoire de séjour durant toute la durée de la procédure d’éligibilité du statut de réfugié. Selon l’esprit de l’article 11 du Décret n° 03/014 du 05 Août 2003 portant organisation et fonctionnement de la Commission Nationale pour les Réfugiés et de la Commission Nationale des Recours, cette autorisation est matérialisée par un récépissé que l’autorité compétente délivre à chaque membre de famille (majeur) du demandeur, dès réception de la demande. Ce récépissé qui est souvent appelé attestation de demandeur d’asile ou attestation de prise de contact, vaut titre de séjour provisoire sur le sol congolais.
En conséquence, ne sont pas applicables au demandeur d’asile, les conditions d’admission et de séjour fixées par l’ordonnance-loi n°83-033 du 12 Septembre 1983 relative à la police des étrangers telle que modifiée et complétée à ce jour et l’ordonnance n°87-281 du 13 Août 1987 portant mesures d’exécution de cette loi.
Par contre, tout demandeur d’asile a l’obligation de se présenter à l’autorité locale compétente dans les trente jours de son entrée sur le territoire de la République Démocratique du Congo. Dépassé ce délai, il peut être interpellé par les services compétents qui le déféreront devant la Commission Nationale pour les Réfugiés ( ), laquelle devra déclencher la procédure de détermination du statut.
Comment et suivant quelle procédure un demandeur d’asile devient-il réfugié?
II. PROCEDURE D’ACQUISITION DU STATUT DE REFUGIE EN R.D.CONGO
Il est vrai que les conventions précédemment évoquées constituent la base de la protection internationale des réfugiés mais elles restent muettes par rapport à la procédure applicable dans la détermination du statut de réfugié. L’article I point 6 de la convention de l’OUA de 1969 stipule qu’il appartient à l’Etat de déterminer le statut de réfugié du postulant. Autrement dit, il revient à l’Etat de statuer sur la requête sollicitant l’asile et d’en apprécier la pertinence.
Si l’Etat n’a pas encore établi de procédures nationales efficaces ou n’a pas de moyen ou d’expertise nécessaire, le HCR peut intervenir et établir la détermination du statut de réfugié, selon les normes contenues dans les ’’Procedural standards for refugee status Determination under UNHCR’s mandate ‘’ (Normes procédurales pour la détermination du statut de réfugié sous mandat de UNHCR) publiées en 2003.
En RDC, depuis l’entrée en fonction de la Commission Nationale pour les Réfugiés suivie quelques années après d’un accord de transfert de responsabilité signé entre le HCR et la CNR, c’est cette dernière qui instruit les dossiers de demande du statut de réfugié.
La procédure applicable est définie par la loi n° 021/2002 du 16 Octobre 2002 portant statut de réfugiés en RDC, le décret n°03/014 du 05 Août 2003 portant organisation et fonctionnement de la CNR et de la Commission Nationale des recours ainsi que l’arrêté ministériel n°129/2005 du 04 Avril 2005 portant règlement intérieur de la CNR.
D’après la doctrine, la détermination du statut des réfugiés peut prendre deux formes : individuelle et collective.
a) Détermination individuelle du statut de réfugié
En principe, une personne qui se sent persécuter dans son pays d’origine et qui vient se réfugier en RDC, doit introduire individuellement sa demande d’asile. Les conditions d’acquisition du statut des réfugiés sont définies à l’article 1er de la Convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugiés, telles que définies ci-haut.
Il se dégage de l’analyse de l’article 15 de la loi n°021/2002 du 16 Octobre 2002 portant statut des réfugiés en RDC que la demande du statut de réfugié peut être introduite de quatre manières:
- Soit directement auprès du secrétariat permanent de la C.N.R :
Le secrétariat permanent est l’organe de coordination des opérations et de gestion quotidienne de la CNR qui est basé à Kinshasa. Il a entre autres pour taches de recevoir les demandes d’asile et d’en délivrer le récépissé. Après réception, le secrétariat permanent, en principe, prépare les dossiers de demandeurs d’asile et en assure la distribution aux membres de la Commission Nationale 72 heures avant la session (de délibération).
- Soit par l’intermédiaire du Haut Commissariat de Nations Unies pour les Réfugiés :
L’UNHCR est une agence des Nations Unies qui assure la protection internationale des réfugiés. Cette dernière peut établir la détermination du statut de réfugiés si l’Etat n’a pas encore établi de procédures nationales efficaces ou n’a pas de moyen ou d’expertise nécessaire pour le faire. En RDC, la demande d’asile peut être introduite au HCR mais ce dernier devra par la suite la transmettre au secrétariat permanent de la CNR.
- Soit aux antennes provinciales de la CNR:
Ces antennes qui représentent la Commission Nationale en province peuvent recevoir et enregistrer les demandes d’asile, délivrer le récépissé constatant la demande d’asile, instruire le dossier et le transmettre à la Commission Nationale pour délibération.
- Soit au gouverneur de province ou à l’autorité territoriale la plus proche:
En l’absence d’une antenne (ou représentation) de la CNR dans une province, la loi permet que la demande tendant à obtenir l’asile soit introduite auprès du gouverneur de province ou de l’autorité territoriale la plus proche. Dès réception de la demande, le gouverneur ou l’autorité locale compétente devra délivrer un récépissé au requérant ainsi qu’à ses dépendants et transmettre le dossier à la Commission Nationale.
Quelque soit la voie choisie par le requérant, la délibération de la CNR doit avoir lieu au plus tard dans les six mois qui suivent la date du dépôt de la demande d’asile. Sauf exception, une fois que le statut est accordé, les dépendants et membres de famille qui rejoignent ou qui vivent avec le réfugié bénéficient du même statut que lui. C’est ce qu’on appelle statut dérivé.
b) Détermination collective du statut de réfugié
Quand les personnes fuient en grand nombre un conflit armé ou d’autres violations massives de droits de l’homme, il n’est ni pratique ni nécessaire d’examiner massivement les demandes individuelles du statut de réfugié. Le plus souvent, le HCR et les Etats accordent collectivement le statut de réfugiés au groupe, sur base de la connaissance objective qu’ils ont de la situation dans le pays d’origine. Chacun des membres du groupe est considéré comme un réfugié prima facie (à première vue) c.à.d. jusqu’à preuve du contraire.
Les pays qui n’ont pas recours à la reconnaissance prima facie proposent généralement une protection temporaire, grâce à laquelle les personnes concernées ont immédiatement accès à la sécurité et voient leurs droits fondamentalement protégés. ( )
Qu’en est-il de la situation en RDC? Quelle est la procédure congolaise de détermination collective du statut de réfugié ?
.Du point de vue théorique
Sur le plan théorique, aucune différence procédurale n’est établie par le législateur congolais entre la détermination collective et individuelle du statut. D’ailleurs, l’examen minutieux des articles 15 à 19 de la loi n° 021/2002 du 16 Octobre 2002 portant statut de réfugiés en RDC donne l’impression que la loi a tendance à ignorer la procédure de détermination collective du statut car elle fait allusion à la détermination individuelle du statut dans ses libellés relatifs à la procédure d’éligibilité et du dépôt de la demande.
Malgré cette imperfection de la loi, il va de soi qu’accorder le statut de réfugié de manière collective ne serait pas illégal. Pourquoi ? On peut lire à l’article 9 de la loi précitée que la Commission Nationale pour les Réfugiés est chargée de « statuer sur les demandes de statut de réfugié (…) ainsi que sur tout afflux de réfugiés ou demandeurs d’asile vers la République Démocratique du Congo ». A notre entendement, «statuer sur toute situation d’afflux des demandeurs d’asile » suppose non pas d’examiner les demandes individuelles de chaque personne arrivée dans cet afflux mais plutôt d’étudier objectivement la situation du pays d’origine de ce groupe des demandeurs d’asile avec la possibilité d’un octroi collectif du statut de réfugié aux membres du groupe. Comme dit précédemment, chaque membre du groupe sera alors considéré comme réfugié prima facie c’est à dire à première vue et ce, jusqu’à preuve du contraire.
Bien que cette possibilité existe, le débat reste ouvert dans la mesure où le législateur ne prévoit pas de procédure spécifique pour la détermination collective du statut de réfugiés. Les praticiens essaient d’adapter les dispositions relatives à la détermination individuelle du statut à celle dite collective.
.Du point de vue pratique
Lors d’un afflux des réfugiés vers la RDC, la gestion de celui-ci ainsi que la détermination collective du statut de réfugié s’opère approximativement de la manière ci-dessous décrite :
- Conjointement ou avec l’appui du HCR, les agents de terrain de la CNR procède au pré-enregistrement ou à l’enregistrement des demandeurs d’asile. Ils peuvent faire remplir ou signer à chaque ménage un formulaire qui équivaut à une demande d’asile. La possibilité de recueillir les identités électroniquement est parfois exploitée.
- Les données sont transmises au secrétariat permanent de la CNR et à la représentation du HCR à Kinshasa.
- La Commission Nationale statue, et après approbation de celle-ci, le secrétaire permanent de la CNR initie un projet d’arrêté reconnaissant le statut prima facie à soumettre à la signature du ministre national de l’intérieur.
- Le ministre national de l’intérieur signe l’arrêté reconnaissant le statut de réfugié prima facie en déterminant les critères des personnes qui en ont droit. C’est seulement sur base de cet arrêté ministériel que les demandeurs d’asile commencent à jouir du statut réfugié.
- Au vu de l’arrêté, les cartes d’identité pour réfugié sont délivrées aux bénéficiaires (article 27 de la loi 021/2002 portant statut de refugie en RDC)
Il faut noter qu’il est également possible que l’arrêté ministériel précède l’enregistrement. Dans ce cas, l’arrêté fixe les critères sur base desquels l’enregistrement des personnes sera fait. Au cours de l’opération d’enregistrement, il n’y a que les personnes remplissant ces critères qui doivent être normalement enregistrées et considérées comme des réfugiés.
Il est souhaitable que la loi établisse une procédure claire en cette matière car il appartient à la société de s’adapter à la loi et non l’inverse. Malheureusement, l’arrêté ministériel n°129/2005 du 04 Avril 2005 portant règlement intérieur de la CNR qui devrait fixer les modalités pratiques du dépôt et de l’enregistrement de la demande, ne fait même pas mention de la procédure de détermination collective du statut de réfugié.
III. DES CLAUSES D’EXCLUSION
Les clauses d’exclusion sont consacrées par les conventions de Genève de 1951 et de l’OUA de 1969 ainsi que par la loi qui régit les réfugiés en RDC. Elles permettent d’exclure une personne du statut de réfugié alors qu’elle devrait normalement en bénéficier au regard de la définition du réfugié. Autrement dit, une personne peut remplir toutes les conditions pour être considéré comme réfugié mais en être exclu à cause d’un certain nombre d’actes qu’elle a commis. En claire, les normes relatives au statut de réfugié ne seront pas applicables à toute personne dont on a de raisons sérieuses de penser que:
- Elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux y relatifs
- Elle a commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admis comme réfugié
- Elle s’est rendue coupable d’agissements contraires aux buts, aux objectifs et principales des Nations Unies ou de l’Union Africaine.
IV. DE LA CESSATION OU DE LA PERTE DU STATUT DE REFUGIE
La personne jouissant du statut réfugié n’a pas vocation à le demeurer éternellement. La loi prévoit 5 conditions qui peuvent éteindre le statut de réfugié. Selon l’article 4 de la loi portant statut de réfugié en RDC, le statut de réfugié reconnu à une personne prend fin si celle-ci :
- s’est volontairement réclamé à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ;
- ayant perdu sa nationalité, l’a volontairement recouvrée ;
- a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a la nationalité ;
- est retournée volontairement s’établir dans le pays qu’elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d’être persécuté ;
- du fait que les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugié ont cessé d’exister, ne peut plus continuer à refuser valablement de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité ou, si elle est sans nationalité, du pays où elle avait sa résidence habituelle.
Par ailleurs, il sied de préciser que la cessation ou la perte du statut de réfugié n’est pas à confondre avec la révocation du statut. Dans la perte ou la cessation du statut, la personne a été reconnu en bonne et du forme comme réfugié et vécu sous ce statut. Mais pour l’une de raisons évoquées ci-haut, le statut prend fin. Dans la révocation, par contre, la personne n’aurait même pas dû en bénéficier ; autrement dit, c’est par erreur que le statut lui avait été accordé et qu’il faut le révoquer ou l’annuler.
Question de réflexion: Quel est le sort des enfants dont le statut de réfugié du père est révoqué? (tout en sachant que ces enfants jouissaient du statut de réfugié dérivé de celui de leur père)
Me MUPEPE NGALONGA J’aurai
Chercheur en Droit
Assistant de Protection à la C.N.R/Province Orientale
(mupepengalonga@gmail.com)