I. Liminaires
En République Démocratique du Congo [RDC], le mariage est l’acte civil, public et solennel par lequel un homme et une femme qui ne sont engagés ni l’un ni l’autre dans les liens d’un précèdent mariage enregistré, établissent entre eux une union légale et durable dont les conditions de formation, les effets et la dissolution sont déterminés par le code de la famille[1].
Ainsi, un régime matrimonial permet à un homme et à une femme de choisir la façon de gérer leurs biens pendant leur mariage. Il existe trois régimes matrimoniaux en RDC qui permettent de régler tout ce qui concerne l’aspect économique du mariage. Chacun de ces régimes a ses particularités, et les époux choisissent celui qui leur convient le mieux et qui s’appliquera en principe à l’ensemble de leurs biens tout au long de leur union. Enfin, la fin du mariage, une procédure judiciaire de dissolution du régime, l’adoption d’un autre régime matrimonial, etc. entrainent la dissolution du régime matrimonial choisi, avec des conséquences sur les biens et les dettes des époux.
II. Choix du régime matrimonial et son importance
Au moment où les époux se présentent pour la célébration ou pour l’enregistrement de leur mariage célébré en famille, l’officier de l’état civil doit les avertir de l’existence de trois régimes matrimoniaux et la faculté qu’ils ont d’opter, et qu’à défaut pour eux de se prononcer, le régime qui leur sera applicable sera celui dit régime légal supplétif : la communauté réduite aux acquêts.
L’officier de l’état civil posera aux époux quel type de régime ils ont choisi. Mais avant cela, il devra leur expliquer en peu de mots lors de la publication des bans, ce dont il s’agit pour leur permettre de choisir en connaissance de cause. Il est bon qu’ils y aient réfléchi. Dans la pratique cependant, cela ne se fait pas. L’officier de l’état civil ne fait que lire rapidement et d’une façon sommaire, les dispositions en rapport avec les régimes matrimoniaux lors de la célébration du mariage. Sans que les époux n’aient le temps de saisir les méandres et les contours de chacun des régimes. Quelqu’un pourrait être tenté de répliquer que ce n’est pas grave car, les époux peuvent changer de régime au cours du mariage. Nous verrons cela plus loin.
Il actera leur réponse dans l’acte de mariage et s’ils n’ont pas choisi un régime matrimonial, le régime de communauté réduite aux acquêts leur sera applicable. De même, si le mariage est annulé le régime matrimonial choisi sera considéré comme inexistant et celui de la communauté réduite aux acquêts leur sera applicable.
Le régime matrimonial a pris une grande importance, car les Congolais actuellement accumulent beaucoup de biens, et les hommes et les femmes, engagent des sommes considérables pour leurs activités professionnelles. Il faut que ces activités ne mettent pas en danger le bien-être des ménages. Le but des régimes matrimoniaux est d’y veiller.
III. Formes possibles des régimes matrimoniaux organisés en RDC
Contrairement aux législations française et belge où chaque ménage a le droit de se bâtir son nid comme il l’entend, son régime matrimonial à sa volonté ([2]), le législateur congolais retient trois régimes matrimoniaux entièrement et limitativement organisés par la loi.
Les trois régimes matrimoniaux sont :
Régime de la séparation des biens ;
Régime de la communauté réduite aux acquêts ;
Régime de la communauté universelle.
3.1. Régime de la séparation des biens (art. 505-515)
Le régime consacre l’existence de deux patrimoines propres. Le mari et la femme restent propriétaires des biens qu’ils apportent en ménage et de ceux qu’ils acquièrent après le mariage tant par leur travail que d’une autre manière.
Notons que le régime matrimonial règle la question de la propriété des biens : chacun garde la propriété de ses propres biens.
Gestion maritale des Biens : la gestion des patrimoines communs et propres est confiée en principe au mari. Toutefois, les époux peuvent convenir que chacun administre ses biens, en perçoit les revenus et en dispose librement sous réserve de contribuer aux charges du ménage et d’obtenir l’accord de l’autre époux pour les actes importants tels que l’aliénation (vente d’une maison par exemple), la donation, l’emprunt… Tout cela pour empêcher des actes inconsidérés en faveur de tiers ou contre le ménage.
Gestion Séparée des Biens : en cas d’une gestion maritale désordonnée, c'est-à-dire qu’il peut arriver que les biens propres de l’épouse gérés par le mari soient mis en péril par un comportement fautif et grave du mari (une mauvaise gestion ou une inconduite notoire) à la demande de l’épouse, le tribunal retirera au mari le bénéfice de gestion pour le remplacer par la Gestion séparée ([3]).
3.2 Régime de Communauté Réduite aux Acquêts.
C’est le régime légal supplétif, comme dit supra.
Ce régime est caractérisé par l’existence de trois patrimoines :
- les Biens Propres du mari ;
- les Biens Propres de la femme ;
- les Biens Communs des deux époux : « les Acquêts
- Pendant la durée de ce régime, il est important de faire la distinction entre les biens communs et les biens propres afin de savoir lesquels des biens constituent le gage des créanciers des époux.
- A la dissolution du régime, les biens communs seront partagés tandis que les biens propres seront repris par l’époux auquel ils appartiennent. La distinction des biens communs et des biens propres est donc capitale.
3.2.1. Biens propres à chaque époux
- Tout ce qui appartient à un des époux avant le mariage (les biens meubles comme les immeubles)
Exemples :
La maison de la future épouse
La voiture du futur mari
Les économies que la future épouse a mises en épargne
- Tout ce dont un des époux hérite (succession ou testament) ou ce qu’il reçoit (donation) pendant le mariage.
Exemple :
- Une amie de la femme lui donne un frigo pour la remercier d’un service rendu
- Le mari hérite de la fortune laissée par sa mère.
- Tous les biens qu’un époux achète avec l’argent qui lui est propre (parce qu’il possédait cet argent avant le mariage ou qu’il en a hérité ou l’a reçu pendant le mariage). Il s’agit donc de tous les biens qui remplacent simplement des propres.
Exemple :
L’épouse vend la maison qu’elle héritée de son père et achète une villa au golf ;
L’épouse achète, avec l’argent dont elle a hérité de son père, un appartement au bel air.
- Les biens d’origine familiale restent propres, c'est-à-dire dans la famille en dehors des alliés (selon la conception traditionnelle)
- Les outils et ustensiles à l’exercice de la profession
- Les vêtements et objets personnels
Exemples :
- les bijoux, les lunettes …
- les souvenirs familiaux ;
- le diplôme, les lettres.
3.2.2 Biens communs aux deux époux : Les acquêts
- Les biens que les époux acquièrent pendant le mariage par leur travail ou leur commerce. Les revenus de la profession de chaque époux ;
- Les biens que les époux ont conjointement reçus par donation, dont ils ont hérité ou qu’ils ont acheté, les cadeaux de mariage ;
- Tous les biens dont les époux ne peuvent pas prouver qu’ils sont propres ([4]) (pour éviter cela, il est loisible que les époux établissent un inventaire des biens meubles et immeubles. Toutefois, chaque époux peut prouver sa propriété par tous les moyens).
3.2.3 Dettes des époux
= Principes : contribution aux dettes : les dettes dont l’un des époux est tenu seront payées par ses biens propres et ses biens communs (art. 523).
- Dettes propres
Les dettes personnelles des époux contractées avant et pendant le mariage sur leurs biens propres, restent propres.
Exemples :
* Le fiancé a, en vue d’acheter sa voiture, emprunté de l’argent auprès d’un ami ;
* L’épouse, propriétaire de l’appartement qu’elle a acheté avec l’argent dont elle a hérité de son père, emprunte de l’argent pour retaper cet appartement.
- Dettes communes
- Les dettes contractées ensemble par les deux époux.
Exemples :
* Les époux empruntent de l’argent pour acheter une parcelle
- Les dettes contractées par l’un des époux dans l’intérêt du patrimoine commun.
Exemple :
Le mari emprunte de l’argent pour la réfection de la maison familiale que les époux ont achetée ensemble.
- Les dettes contractées par l’un des époux pour les besoins du ménage ou de l’éducation des enfants
Exemples :
Les livres scolaires et les syllabus des enfants
Les frais d’entretien de la voiture de la famille
- Toutes les dettes dont il n’est pas prouvé qu’elles sont propres à l’un des époux ;
- Toutes les dettes et tous les biens dont il n’est pas prouvé qu’ils sont propres, tombent en communauté.
3.2.4. Gestion des biens
En principe la gestion des biens propres et communs (les acquêts) des deux époux est confiée au mari.
Mais, il peut aussi s’avérer que de par la volonté des époux ou par l’effet de la loi, la gestion des biens propres ne soit pas attribuée au mari et que chacun gère ses biens propres, c’est la gestion séparée des biens propres.
3.3. Régime de Communauté Universelle.
Dans ce régime, tous les biens meubles et immeubles des époux et toutes les dettes, tant ceux qu’ils possédaient au moment du mariage que ceux qui leur surviennent après, tombent dans la communauté.
En principe, les époux n’ont pas de biens personnels. Mais à dire vrai, malgré le caractère universel de la communauté, certains biens resteront propres aux époux :
- Les biens strictement personnels, (souvenirs de famille, diplôme, habillement, lettres,…) ;
- Les biens qui seront attribués ou donnés gratuitement et exclusivement à un époux ;
- Certaines indemnités, pensions ou rentes strictement personnelles (le capital d’assurance de vie, les indemnités réparant un préjudice physique ou morale, les rentes alimentaires, les pensions de retraite et d’invalidité)
En d’autres termes, tous les biens et toutes les dettes, qu’elle qu’en soit leur origine, tomberont dans la communauté sauf les biens strictement personnels et les droits attachés à la personne.
3.3.1. Gestion des biens en cas de Communauté Universelle.
C’est le mari qui gère la communauté.
Si le mari compromet le patrimoine familial (la communauté) à cause de sa mauvaise gestion, la femme peut demander au tribunal de paix de décider la séparation des biens.
3.3.2. Partage des biens issus de la Communauté Universelle.
À la dissolution du mariage ( divorce, décès d’un conjoint, remariage du conjoint de l’absent), on partage toute la communauté par moitié, les quelques biens propres seront récupérés par l’époux propriétaire.
[1] Article 330 du code de la famille.
[2] Jean Carbonnier, Droit civil, la famille et l’incapacité 2, collection Thémis, PUF, Paris, 1972, p.99
[3] Marcel Planiol et Georges Ripert, Traité pratique de droit civil français, T.IX, Régimes matrimoniaux 2e partie, LGDJ, Paris, 1927, p.66
[4] René Savatier, Cours de Droit civil, TIII, 2e éd. LGDJ, Paris, 1951, p.127