LE RETRAIT A LA CONVENTION AMERICAINE RELATIVE AUX DROITS DE L´HOMME PAR LE VENEZUELA

Publié le 20/09/2012 Vu 6 784 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Le droit international public reconnaît la possibilité pour un Etat de dénoncer un traité international: l´article 56 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 le stipule expressément. Il en va de même pour l´article 78 du Pacte de San José, ratifié par le Venezuela en 1977, qui prévoit la possibilité pour un Etat Partie de dénoncer ce traité régional en matière de droits de l´homme, en précisant notamment: Le Secrétariat Général de l´Organisation des Etats Américain (OEA) a reçu une notification de la part du Venezuela concernant son retrait à la Convention Américaine relative aux Droits de l'Homme, (également connue sous le nom de Pacte de San José) signée en 1969. Une longue note datée du 9 septembre 2012 de près de 30 pages explique les raisons qui conduisent le Venezuela à prendre cette décision. Cette décision du Venezuela vient compliquer un peu plus l´état du système inter-américain des droits de l´homme, qui est fort loin de partager la situation dont jouit son homologue européen.

Le droit international public reconnaît la possibilité pour un Etat de dénoncer un traité international: l

LE RETRAIT A LA CONVENTION AMERICAINE RELATIVE AUX DROITS DE L´HOMME PAR LE VENEZUELA

Nicolas Boeglin ([1])

 

Le Secrétariat Général de l´Organisation des Etats Américain (OEA) a reçu une notification de la part du Venezuela concernant son retrait à la Convention Américaine relative aux Droits de l'Homme, (également connue sous le nom de Pacte de San José) signée en 1969. Une longue note datée du 9 septembre 2012 de près de 30 pages ([2]) explique les raisons qui conduisent le Venezuela à prendre cette décision.

 

Le droit international public reconnaît la possibilité pour un Etat de dénoncer un traité international: l´article 56 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 le stipule expressément ([3]). Il en va de même pour l´article 78 du Pacte de San José, ratifié par le Venezuela en 1977, qui prévoit la possibilité pour un Etat Partie de dénoncer ce traité régional en matière de droits de l´homme, en précisant notamment:

« 1. Les Etats parties peuvent dénoncer la présente Convention à l'expiration d'un délai de cinq ans à partir de la date de son entrée en vigueur, moyennant un préavis d'un an, adressé au Secrétaire général de l'Organisation, qui doit en informer les autres Etats parties. 2.Cette dénonciation ne déliera pas l'Etat partie intéressé des obligations énoncées dans la présente Convention en ce qui concerne tout fait pouvant constituer une violation de ces obligations qui aurait été commis par ledit Etat antérieurement à la date de la prise d'effet de la dénonciation ».

Il est intéressant de noter que dans sa longue note, le Venezuela explique les raisons pour lesquelles il se voit poussé à prendre cette décision, notamment eu égard à l´attitude tant de la Commission que de la Cour Inter-américaines à son égard et à l´absence de réponse des organes inter-américains à ses demandes de précisions, entre autres.

 


LA DENONCIATION D´UN TRAITÉ RELATIF AUX DROITS DE L´HOMME COMME LE PACTE DE SAN JOSE:

 

La dénonciation par le Venezuela compte dans la région avec un précédent: la dénonciation du Pacte de San José  par Trinité-et-Tobago, notifiée le 26 mai 1998 au Secrétariat général de l'OEA, et dont les effets juridiques restent toujours en vigueur ([4]).

.

Pour ce qui est d´Etats d´Amérique Latine, on se doit de rappeler que le 9 Juillet 1999, le Pérou avait déposé auprès du Secrétariat Général de l'OEA une note par laquelle il retirait sa déclaration d´acceptation de juridiction la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Dès la mise en place du nouveau gouvernement péruvien en l´an 2000, l´un des premiers geste politiques fut  de revenir sur cette décision. Le Ministre de Justice péruvien, aujourd´hui Président de la Cour Inter-américaine des droits de l´homme, avait alors tenu à faire le déplacement personnellement à San José pour officialiser le retour du Pérou dans le système interaméricain de protection des droits de l´homme.

 

Nombreux sont les auteurs à défendre ardemment depuis de longues années l'idée d'une spécificité particulière des traités relatifs aux droits de l'homme par rapport à d'autres traités, réduisant considérablement la possibilité d´émettre des réserves à leur encontre ou de les dénoncer. Cette position a été défendue par différents organes de contrôle en matière de droits de l'homme, tant universels que régionaux, notamment à partir de la décision de 1961 de la Commission Européenne des Droits de l'Homme dans laquelle elle a jugé que les obligations assumées par les États de la Convention Européenne des Droits de l´Homme sont essentiellement objectives, conçues pour protéger les droits fondamentaux des individus sous juridictions des Hautes Parties contractantes, et qu´ils ne s´agit nullement de créer des droits subjectifs et réciproques entre États (Décision Autriche contre l'Italie, demande no 788 / 60, European Yearbook of Human Rights, (1961), vol. 4, p. 140) Cette approche a été depuis l´objet de nombreux travaux de la part de la doctrine du droit international, Société Française pour le Droit International inclue ([5]).

 



LE RETRAIT DU VENEZUELA ET LES RÉACTIONS:

 

La décision du Venezuela ne doit pas être considérée comme une surprise: le Venezuela avait annoncé le 30 avril, 2012 qu´il étudiait la possibilité de se retirer du système inter-américain des droits de l'homme, sans préciser le mécanisme choisi. La professeure Ligia Bolivar, directrice du Centre des Droits de l´Homme de l´Université Centrale Andres Bello de Caracas  indique que dès 2008, le Venezuela avait fait part de cette possibilité. Les effets d'une éventuelle dénonciation de la CADH par le Venezuela furent même « minimisés » à l´occasion de déclarations publiques faites à la presse par certains juges de la Cour inter-américaine des droits de l'homme fin aôut 2012. Au plan national, la décision du Venezuela donnera sûrement lieu à d´âpres débats dans la mesure où sa Constitution, comme beaucoup d'autres constitutions récentes d´Amérique Latine, reconnaît une hiérarchie constitutionnelle aux traités relatifs aux droits de l´homme ratifiés par le Venezuela ([6]). Et ce en dépit d´une décision de juge constitutionnel vénézuelien "dévoyant" l´esprit du texte constitutionnel: "Alors que la Constitution vénézuélienne est, avec la Constitution argentine, la plus ouverte au droit international des droits de l’homme grâce à son article 23; alors qu’une disposition est expressément consacrée à ce que l’on nomme au sein des Amériques, l’ «amparo international», c’est le juge suprême qui a, sans rationalité aucune – sauf peut-être celle guidée par des considérations d’ordre politique – littéralement dévoyé l’interprétation du texte constitutionnel" ([7])

 

 

Aux regrets formulés par les organes de l'OEA à peine connue la position du Venezuela (à savoir par le biais de son Secrétaire Général ([8]), et par la Commission Inter-américaine des Droits de l´Homme ([9])), ainsi que par le Haut Commissariat aux Droits de l´Homme des Nations Unies ([10]),  on aurait pu s´attendre à ce que des Etats Parties à la Convention en fassent de même. Or, on se doit de reconnaître que les réactions on été fort peu nombreuses: si l´on considère que 24 Etats Membres de l´OEA sont parties au Pacte de San José, seuls le Mexique, le Costa Rica et le Paraguay ont fait référence à la décision du Venezuela. Le premier dans un communiqué officiel daté du 11 septembre ([11]), le second en insérant un paragraphe dans un communiqué officiel relatif à la tenue d'une conférence régionale sur le système de  protection des droits de l'homme tenue à San José le même jour ([12]), el le troisième le 13 septembre ([13]).  

 

De cette façon,  le Venezuela rejoint un groupe d´Etats membres de l'OEA non parties à la Convention américaine relative aux droits de l'homme, à savoir Antigua-et-Barbuda, Bahamas (Le Commonwealth des), Belize,  le Canada, Cuba, les États-Unis, Guyana, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-Grenadines et Trinité-et-Tobago.

 

 

UN SYSTÈME REGIONAL DE PROTECTION DES DROITS DE l´HOMME INACHEVÉ

 

Cette décision du Venezuela vient compliquer un peu plus l´état du système inter-américain des droits de l´homme, qui est fort loin de partager la situation dont jouit son homologue européen. Notamment par rapport à l´idée de son «universalisation» (traduction libre de l´expression que l´on retrouve dans de nombreuses résolutions du Comité Juridique Inter-américain ou de l´Assemblée Générale de l´OEA relative à  « la universalisación del sistema»), c'est-à-dire l'idée selon laquelle, tous les États membres de l'OEA devraient faire partie du système interaméricain sur un même pied d'égalité et soumis aux mêmes procédures de contrôle en matière de droits de l´homme ([14]). Le système fonctionne de manière complète (États qui ont ratifié la Convention américaine relative aux droits de l'homme et qui ont reconnu la compétence de la Cour Inter-américaine des droits de l'homme) uniquement pour 21 des 35 États membres de l'OEA, dont 19 correspondent aux Etats d´Amérique Latine de culture juridique continentale, auxquels il faut ajouter Barbade et le Suriname.

 

En 1999, le membre haitien de la Commission Inter-américaine des droits de l´homme concluait un article en avertissant clairement que "Il est à cet égard souhaitable et tous doivent y travailler que les pays des Caraïbes, qui ne l´ont encore pas fait ratifient la Convention Américaine. Masi il faut que les autres Etats (les Etats-Unis et le Canada) le fassent également et reconnaissent la compétence obligatoire de la Cour Interamérciaine, si l´on veut aboutir à un renforcement véritable du système" ([15])

 

Avec cette décision, qui pourrait éventuellement tenter d´autres Etats en difficulté devant les instances inter-américaines de protection des droits de l´homme, le Venezuela devient le premier pays d´Amérique Latine à dénoncer le Pacte de San José.

 

 

Etats membres de l´OEA:  Antigua et Barbuda, Argentine, Bahamas, Barbade, Belize, Bolivie, Brésil, Canada, Colombie, Costa Rica, Chili, Cuba, Dominique (Commonwealth de), Equateur, El Salvador, Etats Unis, Grenade, Guatemala, Guyana, Haiti, Honduras, Jamaique, Mexique Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, République Dominicaine, Saint Kitts et Nevis, Sainte Lucie, Saint Vincent y les Grenadines, Suriname, Trinidad et Tobago, Uruguay et Venezuela.

Etats parties au Pacte de San Jose: Argentine, Barbade, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Dominique (Commonwealth de), Equateur, El Salvador, Grenade, Guatemala, Haiti, Honduras, Jamaique, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, République Dominicaine, Suriname, Uruguay et Venezuela.

Etats reconnaissant la compétence de la cour inter-americaine des droits de l´homme: Argentine, Barbades, Bolivia, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Equateur, El Salvador, Guatemala, Haiti, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, République Dominicaine, Suriname, Uruguay et Venezuela.

 



[1]  Diplômé de l´Institut d´Etudes Politiques (IEP) de Strasbourg, LLM (Institut Universitaire Européen de Florence, Boursier Lavoisier), Docteur en Droit (Université de Paris II). Actuellement  professeur de droit international public à la Faculté de Droit, Universidad de Costa Rica (UCR)

[2] Texte complet de la note du 9 septembre 2012  disponible sur (dernière consultation : 15/09/2012) : http://www.oas.org/dil/esp/Nota_Republica_Bolivariana_de_Venezuela_al_SG_OEA.PDF

 

[3] Cf. CHRISTAKIS Th., « Article 56 »,  in CORTEN O et KLEIN P, Les conventions de Vienne sur le droit des traités, Commentaire article par article, Bruxelles, Ed. Bruylant, 2006, pp. 1951- 2014. Disponible sur (dernière consultation : 15/09/2012) : http://webu2.upmf-grenoble.fr/cesice2010/ArticlesT.Christakis/Article_65_Convention_Vienne.pdf

[4] Cf.  PASSRAMSAN CONCEPCION N., « The Legal Implications of Trinidad & Tobago's Withdrawal from the American Convention on Human Rights”, 16, American University International Law Review (2001), pp. 848-889. Article, disponible sur (dernière consultation : 15/09/2012) : http://digitalcommons.wcl.american.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1242&context=auilr&sei-redir=1&referer=http%3A%2F%2Fwww.google.co.cr%2Furl%3Fsa%3Dt%26rct%3Dj%26q%3DTrinidad%2Band%2BTobaggo%252C%2BOAS%252C%2BHuman%2BRights%26source%3Dweb%26cd%3D7%26ved%253

 

[5]  Voir par exemple FLAUSS J-F, « La protection des droits de l´homme et les sources du droit international », in La protection des droits de l´homme et l´évolution des droits de l´homme, SFDI, Colloque de Strasbourg, Paris, Pédone, 1998, pp.11-79, notamment le chapitre intitulé « le droit des traités à l´épreuve de la protection des droits de l´homme », pp.30-48.

 

[6] Cf. Par exemple AYALA CORAO C., « Las consecuencias de las jerarquía constitucional de los tratados relativos a los derechos humanos”, article, sans indication de date. Disponible sur (dernière consultation : 15/09/2012) : http://enj.org/portal/biblioteca/principios_fundamentales/convenios_internacionales/19.pdf

 

[7]  Selon Laurence Burgorgue Larsen : cf. : BURGORGUE LARSEN L. , « Les nouvelles tendances dans la jurisprudence de la Cour Interaméricaine des Droits de l´Homme », Cursos de Derecho Internacional y Relaciones Internacionales de Vistoria Gasteiz, 2008. pp.149-180, 2009. Disponible sur (dernière consultation : 15/09/2012): http://www.univ-paris1.fr/fileadmin/IREDIES/Contributions_en_ligne/L._BURGORGUE-LARSEN/CIDH-CURSOS_VITORIA.pdf

 

[8] Communiqué de presse SG de l´OEA du 10 septembre 2012 : Disponible sur (dernière consultation : 15/09/2012) : http://www.oas.org/en/media_center/press_release.asp?sCodigo=E-307/12

 

[9] Communiqué de presse de la CIDH du 12 septembre 2012. Disponible sur (dernière consultation : 15/09/2012) : http://www.oas.org/es/cidh/prensa/comunicados/2012/117.asp

 

[10] Communiqué de presse du Haut Commissariat aux Droits de l´Homme des Nations Unies du 11 septembre 2012. Disponible sur (dernière consultation : 15/09/2012) : http://www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID=42852&Cr=venezuela&Cr1=human+rights#.UFDKH7KTvEQ

 

[11] Communiqué de presse du Mexique du 11 septembre 2012, disponible sur (dernière consultation : 15/09/2012) : http://saladeprensa.sre.gob.mx/index.php/es/comunicados/1771-250

 

[12] Communiqué de presse du Costa Rica du 11 septembre 2012 disponible sur (dernière consultation : 15/09/2012) : http://www.rree.go.cr/?sec=servicios%20al%20publico&cat=servicios%20de%20informacion&cont=593&noticia=1133

 

[13] Communiqué de presse du Paraguay du 13 septembre, disponible sur (dernière consultation : 15/09/2012) : http://www.mre.gov.py/v1/Noticias/164-denuncia-de-venezuela-de-la-convencin-americana-sobre-derechos-humanos-de-1969.aspx

 

[14] Par exemple, Resolution AG/RES. 2291 (XXXVII-O/07) de l´année 2007 .

 

[15] Cf. EXUMÉ J.J., “Le Pacte de San José et les pays de la région Caraïbe », UNAM, 1999, Disponible sur (dernière consultation 15/09/2012) : http://biblio.juridicas.unam.mx/libros/5/2454/17.pdf

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

A propos de l'auteur
Blog de YAV & ASSOCIATES

Le cabinet YAV & ASSOCIATES, est implanté dans trois villes de la RD.Congo dont Lubumbashi, Kolwezi et Kinshasa. Il a egalement un bureau de représentation en  République du Congo [Congo-Brazzaville]

Nous sommes heureux de vous présenter les informations concernant notre cabinet d'avocats ainsi que nos publications et recherches. -

Demande de contact
Image demande de contact

Contacter le blogueur

Rechercher
Newsletter

Inscription à la newsletter hebdomadaire

consultation.avocat.fr
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles