1. Liminaires
L'idée de la création de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) qui fête ses trente années d’existence était née d'une volonté de renforcer le système juridique africain en adoptant un cadre juridique certain et stable pour la conduite des affaires et l'investissement en Afrique. De cette volonté, est né le Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis [Île Maurice], instituant ainsi l’OHADA avec une modification du Traité OHADA à Québec [Canada] le 17 octobre 2008.
Faisant un bilan sur l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution adopté le 10 avril 1998, les praticiens et les créanciers sont unanimes que 25 ans après l’adoption du texte initial, l’OHADA fait face à des difficultés en matière de recouvrement des créances, notamment en ce qui concerne l'appréciation du caractère certain de la créance, la nature juridique de l'acte constatant la non-conciliation, l'identification du juge en charge du contentieux de l'exécution, le régime des nullités instituées par l'Acte Uniforme sur le recouvrement et les voies d'exécution (AUVE), et d'autres questions liées aux procédures d'injonction de payer, à l'immunité d'exécution, et aux saisies en matière de saisie attribution.
Pour pallier cela, la révision de l'Acte uniforme s’imposait en vue de résoudre ces problèmes et améliorer l'efficacité du recouvrement des créances au sein de l'OHADA.
C’est ainsi que lors de sa 56 eme session tenue à Kinshasa, en République Démocratique du Congo, le Conseil des ministres de l’OHADA a adopté la révision de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, le 16 octobre 2023, dans le but de renforcer la sécurité juridique et de simplifier les procédures de recouvrement des créances commerciales au sein de l’OHADA.
2. Quelques appréhensions sur la révision de l’acte uniforme révisé portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Cette révision entraîne surement de nombreuses modifications dont certaines sont de pure forme et d’autres de fond aussi la prise en compte de la jurisprudence des pays de l’OHADA a été intégrée constituant ainsi des avancées significatives et l’on peut citer :
o L’introduction d’un chapitre préliminaire consacré aux dispositions communes et qui comporte les définitions, les dispositions relatives à la forme des actes, à la signification de ces actes, aux délais, etc. Il en ressort entre autres :
o L’introduction du support électronique pour les actes de conservation et de recouvrement des créances. Sous réserve de remplir certaines conditions, le support électronique a une valeur égale à celle du support papier.
o L’harmonisation de la forme des actes d’huissier.
o L’admission de la signification par voie électronique dans les conditions fixées par l’acte uniforme.
o Le principe pas de nullité sans texte est posé pour les vices de forme sauf s’il s’agit des formalités substantielles ou d’ordre public. Lorsque la nullité est admise, il faudra néanmoins que la preuve d’un grief soit apportée par le demandeur à a nullité.
o L’introduction des dispositions relatives à la saisie conservatoire des biens meubles corporels – y compris les sommes d’argent – placés dans un coffre-fort appartenant à un tiers. On pense par exemple ici aux coffres forts détenus dans les établissements de crédit ou les établissements bancaires et assimilés. En cas de saisie, l’accès au coffre – fort n’est plus possible qu’en présence de l’huissier de justice qui a procédé à la saisie mais il y a aussi possibilité d’apposition des scellés. Les conditions d’ouverture du coffre – fort après scellé sont précisées.
o L’extension de la saisie des droits d’associés et valeurs mobilières aux autres titres de créances négociables. La loi ne définit pas et n’énumère pas les autres titres de créance négociables.
o L’extension de la saisie des créances aux créances représentant un avoir en monnaie numérique. L’acte uniforme révisé définit la monnaie électronique comme une valeur monétaire représentant une créance sur l’établissement émetteur, stockée ou incorporée sous forme électronique, émise contre remise de fonds, qui peut être utilisée ou qui est acceptée pour effectuer des paiements à des personnes autres que l’émetteur, sans faire intervenir des comptes bancaires dans la transaction. Cette extension permet notamment la saisie des sommes logées dans les comptes de paiement dits comptes mobiles et qui constituent des créances des titulaires de compte contre les établissement de paiement ou les établissements de monnaie électronique teneurs de ces comptes.
o L’introduction de dispositions propres à la saisie du fonds de commerce. Le fonds de commerce, meuble incorporel de nature spécifique, peut faire désormais l’objet d’une saisie qui prend en compte sa nature particulière. Cette saisie porte sur les éléments obligatoires du fonds de commerce tels que énumérés par l’AUDCG [ clientèle, nom commercial ou enseigne ] et sur les éléments facultatifs lorsqu’il en existe. La saisie rend le fonds de commerce indisponible. Il ne peut dès lors être ni aliéné, ni grevé de charges. Il en est de même pour ses différents éléments. Toutefois, l’exploitation du fonds peut être poursuivie. En cas de saisie, le locataire gérant doit verser les redevances à un séquestre. La vente sera faite ensuite à l’amiable ou aux enchères si la vente amiable n’intervient pas dans un délai de 15 jours. Cette vente a lieu devant la juridiction compétente du lieu d’exploitation du fonds de commerce.
o L’introduction des dispositions propres la saisie conservatoire et à la saisie vente du bétail.
Que conclure ?
Sauf affirmer qu’il s’agit d’une belle initiative qui vise à offrir un cadre clair et simplifié aux créanciers, ce qui devrait permettre un recouvrement plus efficace et rapide de leurs dettes.
Il faut le reconnaitre, sur papier au moins, cette révision est une étape importante dans l'amélioration du cadre juridique régissant le recouvrement des créances et l'exécution forcée au sein de l'espace OHADA. Il reste maintenant à voir si la pratique va suivre comme disent les Anglais, « the proof of the pudding is in the eating » quand cet acte de l’AUPSRVE [révisé] sera applicable quatre-vingt-dix jours après sa publication au journal officiel de l'OHADA.