Les faits : Le 22 février 2025, le Conseil d’Administration de l’Autorité de Régulation et de Contrôle des Marchés des Substances Minérales Stratégiques [ARECOMS] a par son Communiqué N° 2025/001 annoncé la décision de suspension temporaire de l’exportation de cobalt de la RDC. Cette mesure, d’une durée initiale de quatre mois, vise – d’après ce communiqué - à stabiliser le marché du cobalt en réponse à la surabondance de l’offre sur le marché international. Quelles sont les implications et les perspectives de cette décision ? Un pas en avant ou trois pas derrière ?
En Droit : La RDC, représentant 70% de la production mondiale de cobalt, est au centre des enjeux stratégiques liés à cette ressource essentielle pour les batteries, alliages et industries modernes. Le code minier de 2018 a encadré cette exploitation, avec le décret n°18/042 déclarant le cobalt comme minerai stratégique, et le décret n°19/15 axé sur les activités artisanales. La création de l’Entreprise Générale du Cobalt [EGC] en 2019 visait à centraliser l’achat, la transformation et la commercialisation du cobalt artisanal. Mais les choses n’ont pas suivi et ces dernières années, le marché international a été inondé par une offre excédentaire de cobalt, entraînant une baisse significative des prix, loin du cap de 90000 dollars franchi en 2018, le prix de la tonne de cobalt métal se négocie à environ 20000 dollars ces dernières semaines sur la bourse des métaux de Londres.
Face à cette crise, ARECOMS a instauré une suspension temporaire des exportations de cobalt sous toutes ses formes ; qu’elles soient industrielles, semi-industrielles, à petite échelle ou artisanales pour réduire l’excédent, stabiliser les prix, et garantir une rémunération équitable des producteurs. Toutefois, cette décision pourrait entraîner des effets négatifs, tels que le développement de matériaux alternatifs par les utilisateurs finaux, ou une baisse des recettes fiscales et des devises issues de l’exportation, fragilisant l’équilibre économique du pays. Le cobalt, essentiel aux finances publiques et aux projets de développement, est crucial pour la stabilité du pays, notamment à un moment où la RDC doit répondre à des défis de souveraineté et d’intégrité territoriale.
Pour compenser les effets de cette suspension, la diversification économique, notamment via l’agriculture, le tourisme et les services, est suggérée, bien qu’irréalisable à court terme. Une alternative pourrait être l’instauration de quotas d’exportation comme mesure plus souple. Cependant, des questions demeurent : la RDC a-t-elle réellement la capacité de gérer efficacement ses mines et d’exercer un contrôle déterminant sur le marché du cobalt ? La RDC détient-elle toutes les cartes en main pour espérer influencer le marché de cobalt ? Il ne suffit pas seulement d’oser mais il faut aller jusqu’au bout. Mais gère -t-elle réellement ces mines de cobalt si nous savons qu’à l’heure de la transition énergétique, ces métaux rares, cobalt en tête, est au cœur de la bataille que se livrent Washington et Pékin autour des richesses du sous-sol congolais. Dans ce tango, la RDC joue-t-elle d’un pas en avant ou de trois pas en arrière ? En somme, un tango exige coordination et équilibre : il faudra que la RDC danse avec plus de stratégie pour avancer durablement.
Me Joseph YAV KATSHUNG