1. ACHAT D'UN VEHICULE SANS PERMIS : ACTE D'ADMINISTRATION OU ACTE DE DISPOSITION ?
Constituent des actes d'administration les actes d'exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal (art. 1er décret n°2008 -1484 du 22 décembre 2008).
Mlle X. a souhaité déplacer des fonds pour acquérir un véhicule sans permis.
Au regard de l’article 2 du décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008 :
« Constituent des actes de disposition les actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l'avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire ».
Figure dans la colonne 2 du tableau constituant l'annexe 1 une liste des actes qui sont regardés comme des actes de disposition et notamment :
― L’emploi et remploi des capitaux et des excédents de revenus (art. 468 et 501 du code civil) ;
Figure dans la colonne 2 du tableau constituant l'annexe 2 une liste non exhaustive d'actes qui sont regardés comme des actes de disposition, à moins que les circonstances d'espèce ne permettent pas au tuteur de considérer qu'ils répondent aux critères de l'alinéa 1er en raison de leurs faibles conséquences sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie.
– prélèvement sur le capital à l’exclusion du paiement des dettes ;
– emprunt de sommes d’argent.
L’achat d’un véhicule sans permis, dés lors qu’il implique un prélèvement sur les capitaux de la personne protégée et représente un investissement important pour Melle X (frais d’entretien, assurance), doit être considéré comme un acte de disposition pour lequel le concours du curateur est requis (C. civ. art. 467 alinéa 1er).
Le curateur a refusé son assistance à cet acte patrimonial.
2. CONFLIT ENTRE LA PERSONNE PROTEGEE ET SON CURATEUR
Irritée par ce refus, Mlle X. a écrit au juge des tutelles pour lui demander l’autorisation d’accomplir seule cet achat et, à défaut, de l'autoriser à emprunter l’argent nécessaire (C. civ. art. 469 alinéa 3).
Après avoir auditionné Melle X et recueilli l’avis du curateur, le juge des tutelles d’Alençon a finalement rejeté sa demande en s’appuyant sur les motifs suivants :
Mlle X. a commencé des leçons de code en octobre 2008 et n'a pour autant jamais validé le code.
Au cours de ses leçons de conduite, il a été relevé par l'auto-école qu'elle ne tient pas sa trajectoire et roule parfois à gauche ; qu'elle ne connaît pas son code et qu'elle est dans l'incapacité de conduire seule, car elle représente un danger pour elle-même et pour les autres.
L'achat d'une voiture sans permis ne dispense pas le conducteur d'être capable de conduire de manière sûre sur la route ; laisser Mlle X. prendre le volant dans ces conditions ne serait compatible ni avec ses intérêts, ni avec ceux de la société ;
Dès lors, l'achat d'un véhicule, fût-il sans permis, ne sera pas autorisé tant que Mlle X. n'aura pas obtenu son permis de conduire.
3. CONDUCTEUR SOUS CURATELLE : PLUS DE RIGUEUR
3.1. DROIT COMMUN : BREVET DE SECURITE ROUTIERE SUFFISANT
L'article R. 431-4 du Code de la route interdit à toutes les personnes âgées de moins de 16 ans l'usage d'un quadricycle léger motorisé (véhicule qui pèse moins de 350 kg, avec une charge utile maximum de 200 kg, une puissance inférieure à 5,6 chevaux ou 50 cm3 et dont la vitesse maximale est de 45 km/h).
Il autorise librement l'usage de ces quadricycles dits « véhicules sans permis » aux personnes qui ont acquis l'âge de 16 ans avant le 1er/01/2004 et obtenu un brevet de sécurité routière.
3.2. CURATELLE : NOTION DE DANGER ET PROTECTION DE LA PERSONNE
La loi du 5 mars 2007 pose le principe de l’autonomie de la personne protégée dans le domaine personnel.
« la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet »), le curateur doit prendre à l'égard du curatélaire « les mesures strictement nécessaires pour mettre fin au danger que son propre comportement ferait courir à l'intéressé » (C. civ., art. 459, al. 4).
Pour justifier son opposition à l’acquisition du véhicule sans permis, le curateur s’était fondé sur le risque d’accident encouru et la nécessité de protéger la personne vulnérable, fût-ce contre son gré.
Le juge des tutelles est allé au-delà pour confirmer ce refus :
- en faisant également référence aux « intérêts de la société »,
- en ajoutant aux dispositions légales du code de la route, la condition nouvelle d’obtention du permis de conduire.
Cette décision rigoureuse pour la personne sous curatelle rappelle que le juge des tutelles est le gardien de l'intérêt du majeur protégé envers et contre la volonté de ce dernier.
Faut-il en déduire qu’un curateur ou un tuteur pourrait, dans une situation analogue, justifier son refus de l'acquisition d'un véhicule sur le fondement l’article 459 alinéa 4, comme il pourrait empêcher le majeur protégé d'utiliser son véhicule ?
Dans ce cas, le danger ne viendrait pas de l'acquisition d'un véhicule mais de son usage.
Restant à votre disposition,
Claudia CANINI
Avocat à la Cour
http://www.canini-avocat-en-ligne.fr/
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