I – CONDITION DE VALIDITE DE LA DEMISSION
Pour autant, pour être valable, la démission doit répondre à certains critères.
Notamment, une démission ne peut résulter que d'une manifestation non équivoque de volonté de la part du salarié (Cass. soc., 21 mai 1980, n° 78-41.833).
À défaut, il est impossible d'imputer au salarié la rupture de son contrat de travail (Cass. soc., 30 mai 2000, n° 98-40.265).
La démission doit donc résulter uniquement de la libre décision du salarié, sans aucune arrière pensée vis à vis d'une attitude fautive de l’employeur, comme pourrait l'être précisément une situation de harcèlement moral.
Ainsi pour être intègre, la décision du salarié de démissionner ne doit pas être la conséquence d'actes de harcèlement moral.
II – NULLITE DE LA DEMISSION PROVOQUEE PAR LE HARCELEMENT
Dans de nombreuses situations, la Cour de Cassation a été amenée à confirmer que ne constitue pas une démission valable, la décision du salarié de résilier son contrat de travail :
• – lorsque cette décision découle de l'attitude de l'employeur envers le personnel de l'entreprise de nature à créer un climat social insupportable aux effets néfastes pour la santé des salariés (Cass. soc., 30 mars 2011, n° 09-43.123) ;
• – lorsque cette décision est consécutive à des brimades ou à des mesures vexatoires de l'employeur (Cass. soc., 20 déc. 2006, n° 05-43.548. – Cass. soc., 26 mai 2010, n° 08-70.253) ;
• – lorsque cette décision intervient peu de temps après que l'employeur ait pris, à l'encontre de ce salarié, de multiples sanctions disciplinaires injustifiées (V. en ce sens Cass. soc., 4 juin 2009, n° 07-45.239).
En conséquence, le salarié peut exercer contre son employeur, devant la juridiction prud'homale, un recours en nullité de sa prétendue démission (Cass. soc., 9 mai 2007, n° 05-41.324 et n° 05-41.325).
III – NULLITE MESURES FONDEES SUR LE HARCELEMENT
1. Principe d’interdiction
En matière de harcèlement moral, l’'article L. 1152-1 du Code du travail dispose qu' :
“aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés”.
L'article L. 1152-2 du Code du travail rappelle qu'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure à son encontre pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral.
Les textes légaux interdisent donc toute forme d'atteinte possible au salarié : sanction, licenciement, mesure discriminatoire, directe ou indirecte.
2. Nullité du licenciement et conséquences
Selon l'article L. 1152-3 du Code du travail, "toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul".
L'article L. 1153-4 du même code pose la même règle en matière de harcèlement sexuel.
En conséquence, si la mesure prise à l'encontre du salarié est un licenciement, celui-ci est nul.
Théoriquement, il emporte donc réintégration du salarié évincé avec indemnisation de la période d'éviction.
En pratique, le salarié victime de harcèlement ne souhaite plus retourner dans l’entreprise ; il aura donc droit aux indemnités de rupture (licenciement et préavis) et à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du Code du travail (équivalente à 6 mois) (Cass. soc., 27 juin 2000, n° 98-43.439).
Selon la Cour de cassation, cette indemnité minimale est due "quelle que soit l'ancienneté du salarié dans l'entreprise" et le montant ne peut donc pas être diminué au motif que l'intéressé ne justifie pas de 6 mois de présence dans l'entreprise (Cass. soc., 14 avr. 2010, n° 09-40.486).
3. Autres mesures fondées sur le harcèlement sanctionnées
De même, il a été jugé que l'employeur ne pourra se prévaloir de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise s'il est établi que les absences répétées du salarié trouvent leur origine dans un harcèlement moral (Cass. soc., 16 déc. 2010, n° 09-41.640).
La Cour considère qu'une salariée dont le comportement répréhensible était une réaction au harcèlement moral dont elle avait été victime, peut, à bon droit, solliciter l'annulation de son licenciement. La Cour de cassation revient "à la source" des agissements dans la mesure où le harcèlement moral et le climat délétère semblaient être la cause principale, voire exclusive, dudit comportement, lequel aurait été bien différent dans un contexte de travail pacifié (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-69.444).
MON CONSEIL
Le salarié victime de tels agissements devra néanmoins agir avec prudence et matérialiser les reproches formulés à l’encontre de l’employeur par écrit avant d’envisager une démission ou encore une prise d’acte de rupture.
En effet, bien que la jurisprudence soit encourageante pour les victimes de tels agissements, ce mode de rupture n’ouvre en principe pas droit aux allocations d’Aide au Retour à l’Emploi et oblige le salarié à engager une action devant la juridiction prud’homale.
Lorsque la rupture du contrat est devenue inéluctable, d’autres solutions plus favorables au salarié telles que la résiliation judiciaire peuvent être envisagées.
Pour plus d’information, un conseil ou une assistance, je vous réponds en ligne sur www.canini-avocat.com
Claudia CANINI
Avocat à la Cour
Pour en savoir plus, consultez nos précédentes publications sur le sujet :
http://www.canini-avocat.com/Pages/demissiondusalarie_faute_de_lemployeur_canini_avocat_enligne_droitdutravail.aspx)
http://www.legavox.fr/blog/canini-formation/harcelement-et-violence-au-travail/type.php?id_theme=804