La loi « immigration » du 26 janvier 2024 a apporté d’importantes modifications allant dans le sens d’un « durcissement » à pratiquement tous les segments de ce qu’il est convenu d’appeler le « Droit des Étrangers » vis-à-vis de la France. Le domaine des refus de visa n’a pas échappé à cette tendance.
En effet, avant la loi du 26 janvier 2024 ci-dessus mentionnée, il était de jurisprudence constante que le fait d’avoir séjourné en situation irrégulière en France, y compris après avoir fait l’objet d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) non exécutée ne pouvait suffire seul à justifier un refus de visa.
C’est du moins la solution souvent retenue par les juges pour annuler les décisions de refus de visa long séjour opposées à des conjoints de français. CE, 3 janvier 2011, n°109100.
Autrement dit, non seulement le fait de résider en France en situation irrégulière n’était pas considéré à lui seul comme constitutif d’une menace pour l’ordre public, mais aussi, l’Obligation de quitter le territoire français (OQTF) n’ était pas en matière de visa à apprécier en rapport avec l’article L. 311-2 du ceseda (ancien L.213-1-) qui prévoit que :
« Un étranger ne satisfait pas aux conditions d'entrée sur le territoire français lorsqu'il se trouve dans les situations suivantes :
1° Sa présence en France constituerait une menace pour l'ordre public ;
2° Il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission sur le territoire français introduit dans le système d'information Schengen, conformément au règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006 ;
3° Il fait l'objet d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire, d'une décision d'expulsion, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une interdiction de circulation sur le territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire ».
Depuis la loi dite « immigration » du 26 janvier 2024, l’existence d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) de moins de 5 ans peut désormais justifier à elle seule un motif de refus de visa, si l’étranger n’apporte pas la preuve qu’il a déféré à la mesure d’éloignement dans le délai qui lui était imparti.
l’article L.312-1 du ceseda prévoit en effet que :
« Sans préjudice des conditions mentionnées à l'article L. 311-2, les visas mentionnés aux articles L. 312-1 à L. 312-4 ne sont pas délivrés à l'étranger qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français depuis moins de cinq ans et n'apporte pas la preuve qu'il a quitté le territoire français dans le délai qui lui a été accordé au titre de l'article L. 612-1 ou, le cas échéant, dans les conditions prévues à l'article L. 612-2 ».
Cette disposition qui crée un écueil de plus pour les demandeurs de visas pose néanmoins un problème de cohérence avec la pratique et les autres textes au point d’interroger sur son utilité pratique.
Tout d’abord, il est donc envisageable qu’un étranger ayant fait l’objet d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) qu’il n’a pas exécutée dans les délais, assortie d’une Interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de 36 mois, puisse voir sa demande de visa refusée avant le délai de 5 ans, alors même que la durée de l’interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) est dépassée. Il s’agirait d’une incongruité qui amènerait évidemment le juge à annuler une telle décision de refus.
Par ailleurs, à supposer qu’un étranger fasse l’objet d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) qu’il n’exécute pas dans les délais, sans toutefois faire l’objet d’une inscription au SIS ; rien ne lui interdit de solliciter un visa d’entrée dans un autre pays de l’espace Schengen et de se retrouver en France, alors même que son OQTF non exécutée ne date pas de 5 ans.
Cet article rentre également en coflit avec au moins une autre disposition du Ceseda, à savoir l’article L.312-3 du ceseda qui prévoit que :
« Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ».
Le visa long séjour ne peut donc au terme de cet article être refusé à un conjoint de français que dans des cas spécifiés par la loi, or ainsi que cela a été précédemment rappelé, un séjour irrégulier même sous OQTF n’établit pas à lui seul une menace pour l’ordre public.
L’autorité consulaire ne pourra donc se fonder uniquement sur les dispositions de l’article L.312-1 du Ceseda pour refuser un visa long séjour à un conjoint de français ; sans s’assurer que au moins une des conditions de l’article L.312-3 du ceseda n’est pas remplie.
Enfin, l’autre difficulté et non des moindres que pose cette nouvelle disposition, c’est son adéquation au droit de l’Union, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) ayant jugé que les États membres ne peuvent refuser la délivrance de visas de court séjour que pour les motifs expressément énumérés dans l’article 32 du « code des visas ». CJUE, grande ch., 19 déc.2013, aff. C-84/12, Koushkaki). Or, le motif contenu dans l’article L.312-1 du Ceseda n’esr pas compris dans l’article 32 du « code des visas ».
En somme, si la nouvelle loi « immigration » pose une entrave de plus aux demandeurs de visas pour entrer en France, en faisant de l’existence d’une OQTF, un potentiel moyen de refus de visa, il n’en reste pas moins que des moyens juridiques existent pour contester de tels refus.
AVOCAT REFUS DE VISA, AVOCAT OQTF, AVOCAT DROIT DES ÉTRANGERS