Aux termes de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, reprenant l’article 1728 du code civil, le locataire est « obligé de payer le loyer et les charge récupérables aux termes convenus. »
De cette obligation impérative de régler les loyers, la jurisprudence en a tiré une conséquence fondamentale : le locataire ne peut en principe pas se faire justice à lui-même en décidant de suspendre le paiement de son loyer au motif que le bailleur n’exécute pas ses propres obligations.
Par exemple, le locataire ne peut valablement pas invoquer des défectuosités mineures (fuites d’eau, mauvaises odeurs, anomalies de fonctionnement de certains équipements), dont la réfection est pourtant à la charge du bailleur, comme argument pour suspendre le paiement de son loyer.
Seuls des cas tout à fait exceptionnels permettent au locataire de se prévaloir de l’exception d’inexécution : il faut qu’il soit dans l’impossibilité totale d’utiliser les lieux loués.
Encore faut-il que cette impossibilité totale d’utiliser les lieux loués résulte d’une carence du bailleur, comme l’illustre l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 28 mai 2014.
Dans cette affaire, à la suite d’un meurtre dont le locataire était l’auteur, la maison prise à bail a été mise sous scellés par décision du juge d’instruction (notamment pour qu’une reconstitution soit organisée).
Ayant mis plus d’un an à récupérer les clés de son immeuble, le bailleur a assigné le locataire et le tuteur du fils de celui-ci afin d’obtenir leur condamnation solidaire au paiement d’une somme de plus de 13.000 €, correspondant notamment aux loyers impayés et au remboursement des dépenses de gaz et d’électricité exposées pendant toute la durée de mise sous scellés.
La défense développée par le locataire était la suivante : le placement sous main de justice de la maison avec apposition de scellés plaçait le preneur dans l’impossibilité totale d’en user, suspendant par voie de conséquence son obligation de paiement du loyer.
La cour d’appel de Rouen n’a pas suivi cet argument et a condamné les défendeurs au paiement des sommes réclamées.
En effet, elle a estimé que, pendant la durée de la mise sous scellés, la maison donnée à bail était restée à la disposition du locataire et que son occupation avait été effective par le maintien du mobilier la garnissant…
Cette analyse est critiquable : l’apposition de scellés interdit toute entrée, conduisant automatiquement un locataire à l’impossibilité totale d’accéder au bien loué, quels que soient les faits qui ont donné lieu à la mesure d’instruction.
Dès lors, comment le locataire aurait-il pu faire retirer son mobilier ? Ou, s’il avait été en liberté, comment aurait-il pu jouir du bien loué ?
La décision de justice d’apposer des scellés plaçait automatiquement le locataire dans l’impossibilité totale d’user du bien loué.
La Cour de cassation a malgré tout confirmé l’argumentation de la cour d’appel.
Une parade juridique cohérente existait pourtant pour assurer le paiement des loyers : la cour aurait pu constater que le locataire était dans l’impossibilité totale d’user du bien loué, avant d’ajouter que cette impossibilité n’était pas due à une carence du bailleur, excluant ainsi l’exception d’inexécution.
Se serait alors posée la question des actions ouvertes au bailleur à l’encontre de l’Etat, puisque c’est bien une décision de justice qui a conduit à l’indisponibilité du bien.
En cantonnant le débat à la poursuite du bail par le maintien du mobilier, les juridictions successivement saisies de cette affaire ont soigneusement évité d’avoir à trancher cette épineuse question.
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