~~Deux projets de loi, actuellement en cours d’examen par le Parlement, abordent la mise en place, le fonctionnement et le regroupement des institutions représentatives du personnel (IRP).
Plutôt difficile de s’y retrouver...
La cacophonie s’installe
Jamais les institutions représentatives du personnel n’auront suscité autant d’intérêt de la part des politiques. C’est plutôt positif car, depuis 1982, elles ont été le parent pauvre des réformes sociales.
Ainsi, nous avons, d’un côté, le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, dit projet de loi « Rebsamen », dont l’adoption finale est prévue cet été et, de l’autre, le projet de loi pour la croissance et l’activité, appelé plus communément projet de loi « Macron », qui vient d’être adopté le 12 mai dernier par le Sénat en première lecture.
Que le projet de loi relatif au dialogue social consacre de larges développements à la réforme des IRP, il n’y a rien de plus normal car cela rentre dans l’objet même du projet. Il est plus surprenant, voire même étrange, en revanche, de voir cette même problématique figurer dans le projet de loi « Macron ».
Surtout, pourquoi deux projets de loi provenant du même gouvernement traitent-ils de la même thématique ? Ces deux projets étant très différents l’un de l’autre, cette démarche est contre-productive, voire pire, rendant totalement illisible le but de cette réforme. Or, la question est loin d’être simple et suscite beaucoup de passion. N’oublions pas que ce sujet n’a pas pu aboutir à la conclusion d’un accord collectif national interprofessionnel.
Projet de loi «Rebsamen» : des bouleversements modérés
La délégation unique du personnel (DUP) permet actuellement de regrouper les délégués du personnel et le CE dans les entreprises de moins de 200 salariés. Le projet de loi prévoit de l’étendre aux entreprises de 200 à moins de 300 salariés. Nouveauté importante, le CHSCT serait inclus dans cette instance. Il y aurait donc au sein de la DUP, les DP, le CE et le CHSCT.
Toutefois, la mise en place de cette instance unique serait toujours facultative, laissée à l’appréciation de l’employeur après consultation des représentants du personnel.
Les réunions auraient lieu tous les deux mois. Un secrétaire unique serait nommé. Les heures de délégation seraient augmentées et il serait possible de les mutualiser entre titulaires mais aussi entre titulaires et suppléants.
Le CHSCT n’aurait donc plus d’existence propre. Mais, des points relevant des attributions du CHSCT devraient obligatoirement figurer à l’ordre du jour de 4 réunions sur les 6 prévues.
Quant aux entreprises de plus 300 salariés, seul un accord collectif (majoritaire) pourrait décider de regrouper ces trois instances au sein d’une instance unique.
La fusion des instances est donc loin d’être matérialisée dans les faits.
Projet de loi « Macron » : un changement radical
Tel qu’il a été adopté par les sénateurs en première lecture, ce projet de loi a des conséquences plus radicales quant au fonctionnement et à l’existence des instances représentatives. Ainsi, celui-ci prévoit de fusionner purement et simplement le CE et le CHSCT.
Le relèvement des seuils pour leur mise en place est également relevé. Le seuil déclenchant pour les délégués du personnel serait de 21 salariés au lieu de 11. Pour le comité d’entreprise, il serait de 100 salariés et non plus de 50.
Le pragmatisme doit s’imposer !
Réformer les institutions représentatives du personnel nécessite de l’audace, certes, mais surtout cela doit être conduit avec beaucoup de pédagogie afin de trouver des solutions qui vont réellement favoriser le dialogue dans les entreprises. Or, depuis les lois Auroux de 1982, les modifications législatives concernant les représentants du personnel ont été très techniques et parcellaires. L’empilement de textes a donné lieu, trop souvent, à des interprétations variées. Mettre des rustines et remplacer certaines pièces est insuffisant et rend plus confus les choses.
Pourtant, grâce aux enseignements de la pratique et aux apports jurisprudentiels, de nombreuses améliorations, simples et souvent consensuelles, pourraient être apportées et permettraient de faciliter le fonctionnement des IRP et, par la même, le dialogue social. Pour cela, il faut avoir une démarche globale et pragmatique.
Ainsi, il existe trop de différences entre les règles de fonctionnement des IRP, qui devraient être unifiées. Par exemple, en matière d’heures de délégation, le nombre et la possibilité de les mutualiser diffèrent selon l’institution. Autre exemple, les DP peuvent demander autant de réunions exceptionnelles chaque mois qu’ils le souhaitent alors que le CE ne peut en demander qu’une.
De même, en matière de consultation du CE, le nouveau dispositif prévu par loi de sécurisation de l’emploi de 2013 était destiné à fluidifier l’expression de l’avis du CE. Or pour la grande majorité des entreprises, cela a compliqué la procédure d’information/consultation. En effet, le délai d’un mois accordé au CE pour rendre son avis ne s’applique que pour les consultations listées par la loi. Mais, même parmi celles-ci, certaines sont soumises à des délais spécifiques. Donc, certaines consultations sont soumises au délai d’un mois, d’autres à des délais précis et, enfin, d’autres ne sont encadrés par aucun délai. Au final, c’est une belle usine à gaz !
On pourrait citer de nombreux exemples pour lesquels il n’est même pas question de rajouter ou de diminuer des droits ou obligations. Souhaitons donc que la précipitation ne l’emporte pas.
~~François Barbé
Spécialiste des Relations Sociales
Accompagnement - Coaching