Les entreprises demandent depuis longtemps une simplification de l’information et de la consultation du CE. La loi nouvelle répond à cet appel en bouleversant profondément le Code du travail sur la question. Zoom sur les principales dispositions nouvelles en la matière.
- Fonctionnement du CE : les nouveautés
- Visioconférence légalisée
Le recours à la visioconférence pour réunir le CE et le CHSCT peut être autorisé par accord entre l’employeur et les membres élus. En l’absence d’accord, ce recours est limité à 3 réunions par année civile (L. 2325-5 1, L. 4614-11-1 nouveaux).
Cela est également possible pour l’instance de coordination des CHSCT, le comité d’entreprise européen, le comité de groupe et le comité central d’entreprise.
- Réunion commune des IRP
L’employeur peut organiser des réunions communes de plusieurs des institutions représentatives du personnel (CE, CHSCT, DP) lorsqu’un projet nécessite leur information ou leur consultation. Il inscrit ce projet à l’ordre du jour de la réunion commune, qui peut comporter des points complémentaires selon les règles propres à chaque institution.
Cet ordre du jour est communiqué au moins 8 jours avant la séance aux membres des institutions réunies.
Les règles de composition et de fonctionnement de chaque institution doivent être respectées.
Lorsque l’ordre du jour prévoit le recueil d’un avis, celui-ci est valablement recueilli au cours de cette réunion commune, sous réserve que l’institution devant rendre son avis soit consultée selon ses règles propres (L. 23-101-1 nouveau).
- Nombre de réunions
Pas de changement dans les entreprises de plus de 300 salariés : le CE se réunit au moins une fois par mois sur convocation de l'employeur.
En revanche, dans les entreprises de moins de 300 salariés, le comité se réunit au moins une fois tous les deux mois (L.2325–14).
Le comité peut tenir une seconde réunion à la demande de la majorité de ses membres.
Lorsqu’un accord d’entreprise est conclu dans les conditions prévues à l’article L. 2232–12, le nombre de réunions annuelles du CE ne peut être inférieur à six.
- Délai de transmission des PV
Pour établir le procès-verbal des délibérations du CE, le secrétaire est désormais tenu de respecter un délai. Ce délai devra être fixé accord conclu dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 2323-3. À défaut d’accord, il conviendra d’appliquer le délai prévu par un prochain décret.
A l'issue du délai mentionné au premier alinéa, le PV est transmis à l'employeur, qui fait connaître, lors de la réunion du comité d'entreprise suivant cette transmission, sa décision motivée sur les propositions qui lui ont été soumises.
Les déclarations sont consignées dans le PV (L. 2325-20 nouveau).
- Consultation du CE rationalisée
- Négociation
Jusqu’à présent, lorsqu’une négociation collective entrait dans le champ de compétence du CE, l’information et la consultation de celui-ci s’imposait. Le CE devait être consulté simultanément à l’ouverture de la négociation et au plus tard avant la signature de l’accord collectif.
La Cour de cassation était même allée plus loin en imposant la consultation du CE lors de la mise en place d’une nouvelle classification professionnelle rendue obligatoire à la suite de l’extension d’une convention collective de branche, donc en l’absence de prise de décision par l’employeur ou de négociation dans l’entreprise (Cass. Soc., 21 novembre 2012, n °11-10625).
La loi nouvelle apporte une solution radicale : les projets d’accords collectifs, la révision ou la dénonciation des conventions et accords collectifs ne seront plus soumis à l’avis du CE à compter du 1er janvier 2016 (L. 2323-2 modifié).
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Information/consultation : une réforme importante
La loi Rebsamen modifie, dans un but de simplification, les informations et les consultations périodiques du CE. Ainsi, la section traitant des attributions économiques du CE est profondément remaniée et toilettée. Il s’agit des articles L. 2323–1 à L. 2323–82.
Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2016.
La loi nouvelle recentre l’ensemble des informations et consultations périodiques autour des trois thématiques suivantes (L. 2323-6) :
- les orientations stratégiques de l’entreprise,
- la situation économique et financière l’entreprise,
- la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.
- Consultation annuelle sur les orientations stratégiques de l’entreprise
Cette consultation portera, comme c’est le cas actuellement, sur les orientations stratégiques de l’entreprise définies par l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de celle-ci et sur leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, etc.
Cette consultation devra également porter sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et sur les orientations de la formation professionnelle (L. 2323–10 nouveau, ancien article L. 2323–16–1.).
- Consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise
Cette nouvelle consultation portera sur la situation économique et financière de l’entreprise et également sur la politique de recherche et de développement technologique l’entreprise, y compris sur l’utilisation du crédit d’impôt pour les dépenses de recherche et sur l’utilisation de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (L. 2323–12).
- Consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi
Cette consultation annuelle sera très dense car elle portera sur un nombre très important de points : les conditions de travail, l’évolution de l’emploi, des qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de prévention et de formation envisagées par l’employeur, l’apprentissage, les conditions d’accueil en stage et les conditions de travail, les congés, l’aménagement du temps travail, la durée du travail, l’égalité professionnelle et les modalités d’exercice du droit d’expression (article L. 2323–15 nouveau).
Cette consultation porte, en outre, sur le bilan social de l'entreprise lorsque l'entreprise compte plus de 300 salariés (L. 2323–20).
- Délai de consultation du CE
« Sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2323-7 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le CE adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du CE sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-10, L. 2323-12, L. 2323-15 et L. 3121-11, ainsi qu'aux consultations ponctuelles prévues à la présente section » (L. 2323–3 nouveau).
Les délais, accordés au CE pour rendre leur avis, instaurés par la loi de sécurisation de l’emploi, transposant l’accord national interprofessionnel du mois de janvier 2013 sont donc maintenus.
Ainsi, à défaut d’accord, le délai est d’un mois à compter de la date de communication des informations ou de la date de l’information de leur mise à disposition sur la base de données unique.
En revanche, l’aménagement de ce délai doit désormais être négocié avec les délégués syndicaux et non plus avec le CE. Ce n’est qu’en l’absence de délégués syndicaux que la négociation pourra avoir lieu avec le CE.
Autre changement notoire : les consultations visées par le délai. En effet, les consultations visées étaient celles prévues aux articles L. 2323–6 à L. 2323–60. Une circulaire du ministère du travail indiquait très clairement que toutes les consultations qui n’apparaissaient pas dans cette liste n’étaient pas concernées par le dispositif. De même, celle-ci précisait que certaines consultations, pourtant comprises dans l’énumération précitée, échappaient également à cette règle. L’interprétation de l’administration était source de complexité et d’incertitudes. À notre avis, cette interprétation n’était pas conformes à l’esprit des négociateurs de l’ANI et toutes les consultations du CE étaient concernées par le délai sauf celles qui étaient précisément et expressément encadrées par la loi.
Il nous semble que la loi Rebsamen, dont l’objectif est de simplifier et de faciliter l’information et la consultation du CE, met fin à cette « usine à gaz ». La rédaction du nouvel article L. 2323–3 est beaucoup plus claire et non sujette à interprétation puisqu’elle englobe toutes les consultations périodiques ainsi que les consultations ponctuelles sauf celles dont la loi a prévu un encadrement spécifique.
- Information du CE : disparition de nombreux rapports et bilans
Sur ce plan, la loi modifie profondément les textes. La base de données économiques et sociales sera considérablement complétée. Elle englobera de nombreux éléments qui, auparavant, faisaient l’objet de rapports et de bilans. Ainsi, elle comportera des éléments sur l’égalité professionnelle dans la mesure où le rapport sur la situation comparée entre les hommes et femmes disparaît.
Remarque : attention il ne s’agit pas d’une suppression pure et simple des bilans et rapports. En effet, les éléments d’information permettant au CE de jouer son rôle de représentant des salariés et de rendre un avis éclairé devront se retrouver sur les bases de données économiques et sociales. Les entreprises devront être vigilantes et ne pas croire qu’elles sont dispensées de communication en la matière ou la réaliser trop laconiquement.
Une information précise devra toujours être délivrée lors des consultations ponctuelles.
Des décrets viendront préciser le contenu de la nouvelle base de données économiques et sociales et des informations à délivrer dans le cadre des trois grandes consultations annuelles. Ces informations varieront selon que l’entreprise a plus ou moins de 300 salariés
4. Suppression du CE
Jusqu’à présent, la suppression du CE était subordonnée à un accord entre l’employeur et l’ensemble des obligations syndicales représentatives et à défaut d’accord, seule l’autorité administrative pouvait autoriser la suppression du comité en cas de réduction importante et durable du personnel ramenant l’effectif au-dessous de 50 salariés.
La procédure est désormais beaucoup plus simple. En effet, lorsque l'effectif de cinquante salariés n'a pas été atteint pendant vingt-quatre mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédant la date du renouvellement du comité d'entreprise, l'employeur peut supprimer le CE (article L2322-7 nouveau).
François Barbé
Consultant RH/ Relations Sociales
http://www.legavox.fr/blog/francois-barbe/
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